Vienne. Le 31 octobre, il a été annoncé que Vienne ne signera pas le pacte des Nations unies sur les migrants (brièvement défini comme le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières), un document qui n’est pas juridiquement contraignant pour les États adhérents et qui est le résultat d’un processus de négociation qui a débuté en septembre 2016 et qui devrait aboutir au sommet les 11-12 décembre à Marrakech (4). Aucun représentant du gouvernement autrichien n’assistera au sommet convoqué dans la ville marocaine, ce qui témoigne de la réticence du gouvernement à signer l’accord. Une décision qui fait suite à celle des États-Unis (qui se sont retirés des négociations après l’installation de Donald Trump) et de la Hongrie de Viktor Orbán, avec qui Vienne est toujours à l’écoute en matière de migrants.

Selon le chancelier Kurz lui-même, la réaction de l’exécutif autrichien a été déclenchée par la crainte que sa souveraineté ne soit minée dans un domaine que chaque pays devrait pouvoir réglementer au niveau national. « Certains points du pacte sont très critiqués », a déclaré M. Kurz, « tels que le rapprochement effectué entre le droit d’asile et les migrations à caractère économique », et de conclure : « nous voulons être sûrs que l’Autriche puisse continuer à décider à l’avenir qui peut migrer et qui ne peut pas. Plus directement encore, le vice-chancelier Strache, chef du parti d’extrême droite Fpö, a déclaré : « En matière de migration, l’Autriche doit rester souveraine ». Comme prévu, ces nouvelles ne sont pas passées inaperçues. Les protestations de l’opposition (préoccupée par la réputation mondiale de l’Autriche et par le « tournant » de Kurz, qui avait suivi les négociations de l’Onu en tant que ministre des Affaires étrangères), ont été rejointes par les positions des experts et des associations.

Le juriste Manfred Nowak, par exemple, a confié au quotidien Die Presse sa réaction (3). Soulignant que la sortie du Pacte n’aura aucun effet en l’absence d’obligations découlant de sa signature, Nowak a accusé le gouvernement de nuire à l’image du pays et d’ouvrir la voie à d’autres États de la région de Visegrad, comme la Pologne et la République tchèque, qui ont toujours été critiques sur la question des migrants. « Il n’y aura pas de droit à l’immigration, pas même dans vingt ans », a-t-il dit, répondant au vice-chancelier Strache qui en avait craint l’introduction. L’éditorialiste du quotidien libéral Der Standard, Gianluca Wallisch, a plutôt stigmatisé le fait de subordonner les choix de politique étrangère aux motivations « électorales » de la politique intérieure (5). Le journal Der Standard fait également état d’une collecte en ligne des signatures parvenues en quelques jours à trente mille membres pour demander leur adhésion au Pacte (2).

Perspectives :

  • La décision du gouvernement de Kurz-Strache a certes un impact sur la réputation internationale de l’Autriche, mais elle est cohérente avec sa position intransigeante sur la question qui a toujours marqué le parcours politique du chancelier. L’influence de l’extrême droite a joué un rôle, mais il est peut-être excessif de n’attribuer qu’à Strache le choix d’élever le tons. De nombreux commentateurs autrichiens craignent que l’Allemagne de Merkel (qui s’affaiblit de plus en plus) et l’Italie de Matteo Salvini ne décident de suivre l’exemple de Vienne.
  • L’Autriche a toujours été très attentive à son image d’État neutre et de pays hôte des grandes réunions diplomatiques. En juillet 2013, Michael Spindelegger, alors vice-chancelier (et parrain politique de Kurz), annonçait inopinément le retrait des casques bleus autrichiens du plateau du Golan, entre la Syrie et Israël, après plus de 39 ans de mission (1).

Sources :

  1. Österreich zieht Blauhelme so rasch wie möglich vom Golan ab, Der Standard, 7 juin 2013.
  2. UN-Migrationspakt : Online-Kampagne aus Protest gegen Ausstieg, Der Standard, 1 novembre 2018.
  3. Migrationspakt : « Österreich schneidet sich ins eigene Fleisch », Die Presse, 31 octobre 2018.
  4. ULTSCH Christian, Österreich steigt aus Migrationspakt der UNO aus, Die Presse, 31 octobre 2018.
  5. WALLISCH Gianluca, Ausstieg aus UN-Migrationspakt : Entscheidung mit Anlauf, Der Standard, 31 octobre 2018.

Simone Ros