En bref – Le discours prononcé par Mike Pence le 4 octobre dernier est un nouvel événement politique important dans l’affrontement commercial qui se poursuit entre les États-Unis et la Chine. Il a donné lieu à des critiques intenses en Chine, mais il semble en même temps que Beijing souhaite éviter une escalade du conflit.

Washington, D.C.. Jeudi 4 octobre, Mike Pence, vice-président des États-Unis, s’est rendu au siège du Hudson Institute, où il a prononcé un discours capital sur la politique de la Maison Blanche à l’égard de la Chine. Si les controverses intérieures américaines ont quelque peu éclipsé ce discours dans la presse occidentale, il a provoqué et continue de provoquer une réaction massive en Chine.

Ce discours est une condamnation sans concession du système économique de la Chine, ainsi que de sa politique intérieure et étrangère, couvrant une multitude de thèmes tels que l’inéquité du commerce, Taiwan, la mer de Chine méridionale, les libertés politiques et les ingérences alléguées dans la politique américaine. Certains commentateurs sont allés jusqu’à dire que ce discours constituait une preuve du début d’une nouvelle “guerre froide”, établissant des parallèles avec les premiers moments de l’antagonisme entre les États-Unis et l’URSS au XXe siècle (1).

En Chine, le discours de Pence continue à faire l’objet d’un flot de critiques dans les débats publics et dans la presse officielle. Un grand nombre d’articles et d’éditoriaux démentent vigoureusement les accusations du vice-président américain et qualifient son discours de “ridicule” (2). D’autres sont plus spécifiques, critiquant par exemple son interprétation erronée du célèbre écrivain chinois Lu Xun, cité dans son discours (3). Lors de la rencontre, en Chine, le 10 octobre, entre Mike Pompeo, secrétaire d’État américain, et Wang Yi, ministre chinois des affaires étrangères, de dures accusations ont été échangées, démontrant à quel point les tensions sont vives.

Toutefois, même si elles transmettent avec enthousiasme l’indignation de Beijing, les sources officielles ont minimisé les assertions selon lesquelles il s’agirait d’une nouvelle “guerre froide”. De fait, certaines sources ont souligné que le moment choisi pour prononcer ce discours montre qu’il était probablement destiné à plaire à un auditoire national dans le contexte des élections américaines de mi-mandat, plutôt que spécifiquement à chercher un conflit avec la Chine (5). Par ailleurs, un éditorial paru dans le Global Times, un quotidien officiel en langue anglaise, affirme qu’il “existe des esprits rationnels aux États-Unis hormis Trump et Pence” (4).

Perspectives  :

  • Malgré son indignation face au contenu du discours de Pence, Beijing semble pour le moment vouloir éviter de promouvoir une escalade de la situation et de risquer de transformer une dispute politique en de nouveaux dommages économiques.
  • S’il ne s’agit pas d’une “guerre froide”, l’Europe se retrouve quand-même prise au milieu d’un conflit économique et politique qui se développe rapidement. D’un côté, l’Europe est un allié de longue date des États-Unis, mais, de même que la Chine, elle s’est trouvée en butte aux offensives commerciales de Trump. D’un autre côté, l’Europe pourrait viser à coopérer avec la Chine pour défendre le libre-échange mondial, bien que, là encore, il existe des différends politiques importants dans leurs relations. Dans un contexte de tensions accrues entre les États-Unis et la Chine, il est probable que l’Europe devra maintenir un équilibre délicat dans les années qui viennent.
Sources :

  1. PERLEZ Jane, Pence’s China Speech Seen as Portent of ‘New Cold War’, New York Times, 5 octobre 2018.
  2. Les cinq erreurs dans le discours de Mike Pence sur la Chine (COMMENTAIRE), Xinhua Wang, 13 octobre 2018.
  3. GONGPU Peng, Monsieur Pence, vous n’avez pas compris l’intention de Monsieur Lu Xun, Xinhua Wang, 12 octobre 2018.
  4. DINGLI Shen, Pence’s Remarks on China Represent Minority US Opinions, Global Times, 15 octobre 2018.
  5. MENGXU Zhang, DING Ding, MU Qing, ZHEN Wang et FURONG Tan, Le discours de “dénonciation” de Pence, souhaitent les États-Unis réellement prendre le chemin d’une “nouvelle guerre froide” ?, Huanqiu Wang, 9 octobre 2018.
Julian Gray