Bolzano. Une semaine cruciale dans les relations entre l’Italie et l’Autriche, comme d’habitude liées aux fluctuations de la question du Tyrol du Sud et aux relations ambivalentes entre le gouvernement de Sebastian Kurz et la coalition italienne jaune et verte. Si, d’une part, la décision d’inclure dans le gouvernement de coalition le parti d’extrême droite autrichien mené par Heinz-Christian Strache, très proche du ministre de l’Intérieur et vice-premier ministre italien Matteo Salvini, a été comprise par beaucoup comme une aide aux “souverainistes”, d’autre part, le jeune chancelier Sebastian Kurz souligne plus ou moins expressément son européisme. La question du Trentin Haut-Adige – Tyrol du Sud revient également fréquemment dans la presse italienne en raison du prétendu désir de Vienne d’octroyer aux habitants germanophones de la province la double nationalité. Un projet lié, à la présence dans la majorité gouvernementale de l’extrême droite de Strache, historiquement encline à remettre le cette question sur le devant de la scène.

Le Trentin Haut-Adige, entité régionale constituée par les deux provinces autonomes de Trente et Bolzano, a subi un véritable séisme politique le 21 octobre dernier. Si Trente, un territoire avec une tradition de centre-gauche, a vu le triomphe du candidat de la Ligue, Bolzano offre des perspectives intéressantes même au-delà des frontières. Comme le note le journal autrichien Die Presse (2), trois leçons peuvent être tirées du vote du Tyrol du Sud. Premièrement, le parti autonomiste traditionnel, le Svp d’Arno Kompatscher, a réussi à endiguer la désaffection redoutée en restant au-dessus de 40 % et en évitant l’effondrement humiliant de la Csu bavaroise en Allemagne, autre parti local en baisse lors des dernières élections. Die Presse affirme que le pouvoir de négociation incontesté avec Rome reconnu par le parti Edelweiss, jumelé avec l’Övp de Kurz, est encore lourd. Ce serait cependant une erreur de n’identifier les partis indépendantistes de droite germanophones, liés à leurs collègues autrichiens de la Strache Fpö, qu’à la délivrance limitée du double passeport. Deuxièmement, la véritable opposition au Svp pourrait venir du mouvement centriste de l’entrepreneur Paul Köllensperger, un ancien membre du Mouvement des cinq étoiles qui a pris la deuxième place. Enfin, ces élections ont constitué une agréable surprise pour la Ligue : le parti de Matteo Salvini, « popstar du Tyrol du Sud » selon le politologue du Tyrol du Sud Günter Pallaver, a atteint étonnamment 11,1 % (en 2013, il avait atteint 2,5 % avec Forza Italia), devenant le premier parti du Bolzano italien avec 27,8 % des votes.

L’autre front ouvert avec Rome par le Chancelier autrichien est celui du budget. Malgré la proximité entre l’exécutif italien jaune-vert et le gouvernement autrichien noir-bleu, l’intervention de Kurz a beaucoup surpris : le 22 octobre dernier, il a invité la Commission européenne à rejeter la proposition italienne. Cette position de fermeté a également été réaffirmée dans une interview accordée le 26 octobre au principal journal économique et financier italien Il Sole 24 Ore (3). La Grèce, a fait remarquer M. Kurz, est un exemple à garder à l’esprit. « Il est d’une importance vitale de respecter les règles, notamment en ce qui concerne la stabilité financière de l’Union », a conclu M. Kurz en rappelant la nécessité d’un « non » de la Commission (1).

Perspectives :

  • Le jeu dans le Tyrol du Sud n’est pas encore terminé. Il sera intéressant de voir si la Svp décidera d’inclure pour la première fois la Ligue dans la majorité du gouvernement de la Province de Bolzano, en vue de faciliter le dialogue traditionnel avec Rome.
  • L’opposition de Kurz, investi de la présidence semestrielle du Conseil de l’Union, au budget italien ne devrait pas aboutir à un refroidissement définitif des relations avec l’Italie, car il reste dans le cadre du débat au niveau européen.

Sources :

  1. GROENDAHL Boris, WABL Matthias, Austria’s Kurz Raises Pressure on EU to Reject Italy’s Budget, Bloomberg, 22 octobre 2018.
  2. KOMPATSCHER Stefanie, Drei Lehren aus der Südtirol-Wahl, Die Presse, 22 octobre 2018.
  3. MAGNANI Alberto, Kurz : « Manovra da cambiare, l’Italia non può diventare una seconda Grecia », Il Sole 24 Ore, 26 octobre 2018.

Simone Ros