Riyad. Après trois semaines de tractations, les autorités saoudiennes ont finalement avoué la mort de Jamal Khashoggi et l’arrestation de 18 personnes. Le 2 octobre, le journaliste critique du pouvoir disparaissait après s’être rendu au consulat saoudien à Istanbul pour des démarches administratives en vue de son mariage avec une Turque. Ce dernier serait en réalité décédé suite à une altercation musclée, version que juge crédible le président américain Trump en estimant que les mesures adoptées sont un premier pas important. Le journal saoudien de référence Al Riyadh (1) affichait au matin du 20 octobre des mesures disciplinaires de taille afin de restaurer la réputation du prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), fer de lance d’une modernité à marche forcée du Royaume, durement entamée par les accusations d’assassinat commandité.

Trois décrets du Roi Salmane visent à sanctionner les personnes désignées comme responsables : le patron des renseignements Assiri et l’influent conseiller à la Cour royale Al-Qahtani, ainsi que plusieurs hommes clés de l’appareil sécuritaire sont remerciés. Un comité visant à la reconfiguration des services de renseignement est également créé, et placé sous la tutelle du prince héritier. Réunissant les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, le comité devra formuler ses propositions sous un mois (2).

La communauté internationale, structurée autour d’une initiative turco-américaine (4), a rapidement amené les différentes composantes du pouvoir à se réunir, d’autant que la l’importante conférence économique surnommée “Davos du désert” faisait face à une vague importantes de défections de représentants diplomatiques et économiques (3). La visite expresse du secrétaire d’État américain Mike Pompeo en Arabie saoudite et en Turquie a permis de faire pression sur la Cour. Réunis en conclave, les sage saoudiens sont finalement parvenus à un consensus. Cette crise risque toutefois d’affaiblir en interne le prince héritier, concentrant entre ses jeunes mains l’essentiel des pouvoirs politiques, économiques et militaires. Ce phénomène de concentration unique dans l’histoire contemporaine saoudienne pourrait bien trouver ici un brusque coup d’arrêt. L’affaire Khashoggi resterait alors comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la tolérance.

Perspectives :

  • Si le président Trump a réitéré son son soutien à son grand allié, la menace des sanctions et les investissements considérables nécessaires à la transition de l’économie saoudienne pourraient amener Mohammed Ben Salmane à calmer ses ardeurs et accueillir plus favorablement les demandes occidentales, que ce soit sur la guerre au Yémen ou le blocus du Qatar.

Sources :

  1. Al Riyadh, 20 octobre 2018.
  2. King Salman sets up ministerial committee headed by Crown Prince, Saudi Gazette, 20 octobre 2018.
  3. Saudis’ Economic Dreams Falter as Western Executives Quit Conference, The Wall Street Journal, 15 octobre 2018.
  4. How Turkey’s president pressured the Saudis to account for Khashoggi’s death, The Washington Post, 19 octobre 2018

Yannis Boustani