Istanbul. Depuis sa réélection en juin pour une nouvelle présidence, Erdoğan est devenu, plus que jamais, le premier orateur du gouvernement auprès des 81 millions d’habitants de la Turquie. Avec l’effondrement de la lire turque au cours des dernières semaines, les économistes ont déclaré que la crise économique de la Turquie était principalement causée par la mauvaise gestion de Erdoğan : dette insoutenable, copinage et grands projets de travaux publics à faible rendement économique (1). Il semble maintenant que le Président porte presque seul le fardeau de l’édification de la nation. Erdoğan n’a peut-être pas de solution aux problèmes du pays, mais, jusqu’à présent, il a détourné le blâme en s’appuyant sur le nationalisme, le ressentiment envers l’Occident, sa forte emprise sur les médias et son extraordinaire popularité et sa capacité politique.

D’autre part, en imposant des sanctions et par ses attaques publiques contre la Turquie, le président américain Donald Trump pourrait en fait aider Erdoğan au niveau national, lui donnant des raisons de faire appel à la fierté nationale tout en s’opposant à une superpuissance. Le président turc continue d’accuser Fethullah Gülen, en exil aux États-Unis, d’être à l’origine de l’échec du coup d’État de 2016 et s’accroche à la suspicion que le gouvernement américain tente de le destituer du pouvoir (2).

Il convient également d’ajouter que les frictions géopolitiques avec les États-Unis vont s’intensifier dans les mois à venir, d’autant plus que la Turquie fera l’objet d’un examen minutieux pour avoir violé les sanctions iraniennes.

Perspectives :

  • La Turquie étant en équilibre avec les grandes puissances, Ankara est susceptible de solliciter une assistance financière auprès d’autres sources que le Fonds monétaire international, notamment la Chine, le Qatar et le Koweït.
  • Le paradigme présidentiel d’interprétation de la crise économique, prétendant que le pays serait confronté à une conspiration étrangère pour affaiblir l’État, s’avère efficace dans la construction de la ferveur nationaliste, lui donnant l’occasion d’élever son jeu pour les élections municipales qui se tiendront en novembre et en attendant de garder la pression économique à distance.
  • La Turquie semble vouloir maintenir son amitié avec l’Occident et ne pas abandonner une alliance stratégique comme l’Otan. Mais elle essaie aussi d’équilibrer sa position entre l’Est et l’Ouest. Elle est donc susceptible de se concentrer sur l’établissement de ses liens stratégiques avec la Chine, en gérant soigneusement ses relations avec d’anciens ennemis/amis géopolitiques, comme la Russie.

Sources :

  1. KOKSAL Mehmet Haluk, OZGUL Engin, The relationship between marketing strategies and performance in an economic crisis, Marketing Intelligence and Planning, Vol. 25 No.4, 2007, pp. 326-342.
  2. WEARDEN Graeme, Turkish financial crisis : Erdoğan says ‘attacks will continue’ – as it happened, The Guardian, 14 août 2018.