Téhéran. Il y a quelques semaines, La Lettre faisait l’état des relations indo-iraniennes à travers le cas du port de Chabahar (4). Les États-Unis étaient intervenus auprès du Premier ministre indien, Narendra Modi, pour l’inviter à ne plus importer de pétrole iranien sous peine de sanctions. Cependant, contrairement à ce que les Américains souhaitaient, les deux États ont continué à se rapprocher. “Il a été convenu de maintenir l’élan de la coopération bilatérale, à multiples facettes, mutuellement avantageuse” a indiqué Sushma Swaraj, la ministre indienne des Affaires étrangères (3).

D’avril à juin 2018, l’Iran est devenu le deuxième plus grand fournisseur de pétrole de l’Inde derrière l’Irak, avec de 5,67 millions de tonnes, l’Iran profitant de ce rapprochement pour doubler son rival saoudien. Les raffineurs indiens souhaitent, pour cette année, doubler les importations pétrolières en provenance d’Iran, qui leur octroie la quasi gratuité des frais d’exportation (5).

Par ailleurs, en début de semaine, l’Iran a décidé que les citoyens indiens, comme les ressortissants de la plupart des pays (sauf notamment, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan), pourraient obtenir des visas à leur arrivée dans un aéroport iranien. Près de 73.000 Indiens ont visité l’Iran l’année passée (dans le calendrier iranien, elle s’étend de mars 2017 à mars 2018), ce qui représente une baisse de 6 % par rapport à l’année précédente, et seulement 2 % du total des visiteurs. Il s’agit là de la poursuite de l’ouverture entre les deux pays, inaugurée par la visite de Hassan Rohani en Inde en février (1).

Les menaces et les sanctions américaines pourraient bien redessiner le jeu des alliances internationales. Du côté de l’Union, Jean-Claude Juncker a indiqué que “les effets des sanctions américaines annoncées ne resteront pas sans conséquences. […] Nous avons le devoir de protéger les entreprises européennes.” (2). Du côté iranien et indien, le rapprochement entre les deux États s’opère alors que l’Inde, depuis une dizaine d’années, essaie de ménager à la fois les États-Unis et l’Iran. Pour rappel, en 2005, l’Inde avait voté une résolution contre l’Iran auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique, mais avait refusé de se joindre aux sanctions occidentales contre la République islamique.

Perspectives :

  • Ce fut au cours du mois de juin que Nikki Haley s’est rendue en Inde pour mettre la pression sur l’achat de pétrole iranien. Le fait que l’Iran soit son deuxième plus grand fournisseur concerne la période allant d’avril à juin. Il sera intéressant de voir si l’Inde continue d’en importer dans les prochains mois.
  • 4 novembre : d’ici cette date, fixée par les États-Unis, tous les pays qui importent du pétrole iranien doivent ramener ces importations à zéro.

Sources :

  1. Iran Offers On-Arrival Visa to Indian Citizens, Financial Tribune, 22.07.2018.
  2. SHINKMAN Paul D., Trump Administration to World on Iran : ‘We Aren’t Kidding’, U.S. News, 26.06.2018.
  3. HAIDAR Suhasini, India, Iran pledge to maintain trade levels, The Hindu, 16.07.2018.
  4. RAMOND, Pierre, L’application par l’administration américaine du concept d’Indo-Pacifique aux relations entre l’Iran et l’Inde, La Lettre du Lundi, °01.07.2018
  5. VERMA Nidhi, Iran becomes India’s No.2 oil supplier, ahead of Saudi Arabia, Reuters, 23.07.2018.