Violences impériales : l’actualité russe du passé soviétique

Un continuum de violences. Une chaîne de l’impunité. La guerre multiforme — armée, politique, symbolique et culturelle — menée par Poutine contre l’Ukraine rappelle d’autres périodes passées. Les peuples d’Europe centrale et orientale ayant fait l’expérience de l’impérialisme russe et des répressions soviétiques en conservent une mémoire vive, tandis que ceux d’Europe occidentale en ignorent souvent jusqu’à l’existence. 

Lancée l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, rupture majeure dans l’histoire du continent européen depuis la fin de la guerre froide, cette nouvelle série dirigée par Juliette Cadiot et Céline Marangé (Mémorial France) se propose d’aider les seconds à mieux comprendre les premiers en s’appropriant les connaissances historiques nécessaires pour apprécier les enjeux contemporains et les perceptions qui découlent de ces violences de masse.

Les « invasions barbares » : récits de racisme dans les camps du Goulag

Asie septentrionale
Long format

La présence de Zelensky aux commémorations du D-Day en Normandie a fait enrager le maître du Kremlin.

Dans son entreprise de propagande anti-historique, Poutine pourrait être en train d’orchestrer un tournant  : la «  nationalisation  » d’une victoire autrefois décrite comme soviétique — pour mieux occulter le rôle des Ukrainiens.

«  Peuples punis  », «  colonies spéciales  », banditisme, assassinat.

Cette semaine, notre série hebdomadaire nous plonge au cœur des relations de violence entre le pouvoir soviétique et des figures d’autorité tchétchènes. Dans une perspective micro-historique, Lina Tsrimova s’intéresse à une affaire pénale révélée par une archive inédite  : celle du procès de la «  bande du shaykh Hamid Gaziyev  » et de son bras droit condamné à mort—Bersanaka Gabayev.

La Russie est devenue le premier fournisseur d’armes sur le continent africain.

Cette politique d’engagement militaire — qui passe aujourd’hui par le nouveau masque de Wagner  : Africa Corps — ne date pas de Poutine. Dans une étude historique qui va de l’Angola à la Guinée-Bissau, Natalia Telepneva rend compte des raisons et du rôle de l’engagement soviétique en Afrique — pour traquer leurs réminiscences aujourd’hui.

Pour affirmer sa domination, l’URSS a mené une série de déplacements de population forcés tout au long de son existence. En Europe orientale, les mémoires de ces déportations constituent, à des degrés variables selon les pays, un socle commun des identités nationales.

Dans un nouvel épisode de notre série «  Violences impériales  », Céline Marangé interroge Alain Blum, Catherine Gousseff et Emilia Koustova sur les déportations staliniennes avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

1 600 morts par jour.

En Europe, les grandes Purges de 1937-1938 sont connues pour leurs procès truqués et médiatisés et marquent le tournant stalinien d’épuration du parti. Mais la Grande Terreur n’a pas simplement visé les cadres du PCUS  : elle a aussi et surtout éliminé des centaines de milliers de Soviétiques, considérés comme une menace selon des critères socio-ethniques. Dans cette étude fouillée, Nicolas Werth tente de retrouver qui ils furent.

L’Holodomor — l’extermination par la faim de 4 millions d’Ukrainiens — a façonné l’identité ukrainienne.

Mais elle n’est pas la seule famine de l’ère soviétique. Le règne de Staline a été marqué par les dernières grandes famines européennes, intentionnellement orchestrées pour certaines, oubliées pour la plupart. Dans une étude fouillée, Nicolas Werth fait le point et relève les dernières avancées de l’historiographie.

Soviétiser des espaces immenses, impossibles à parcourir.

Dans des travaux pionniers, Isabelle Oyahon a montré comment les famines intentionnelles et la sédentarisation forcée des nomades ont façonné brutalement l’Asie centrale. À partir du cas du Kazakhstan, elle dresse une vaste généalogie jusqu’à nos jours — et la longue absence de loi mémorielle sur cette histoire oubliée.

En 1988, 61 pays du Sud devaient à l’Union soviétique 150 milliards de dollars.

Pour promouvoir les intérêts russes en Afrique, les envoyés du Kremlin ont aujourd’hui une référence à faire valoir  : du Mozambique au Ghana, les liens économiques entre le continent africain et l’URSS ont été nourris. Entre recours massif au crédit et pression par le rouble, Elizabeth Banks nous replonge dans cette histoire trop méconnue.