Mercredi 17 décembre, aux alentours de 10h du matin, trois gardes-frontières russes ont franchi la frontière avec l’Estonie sans avoir reçu d’autorisation préalable. Le ministre de l’Intérieur, Igor Taro, s’est voulu rassurant en déclarant que cette incursion ne représentait « aucune menace pour la sécurité du pays », tout en précisant que les raisons de cette violation de la souveraineté de Tallinn étaient inconnues 1.

  • Les gardes-frontières russes se sont approchés du môle de Vasknarva, un petit village estonien situé sur la rive ouest de la rivière Narva, à l’aide d’un aéroglisseur. Ils sont par la suite descendus pour longer le quai à pied.
  • Ce mouvement a d’abord été repéré par des systèmes de vidéosurveillance, avant que Tallinn n’envoie du personnel sur place.
  • C’est dans cette même zone frontalière que des garde-côtes russes avaient retiré des bouées installées par l’Estonie pour délimiter la frontière entre les deux pays en mai 2024.
  • Le 10 octobre, sept militaires russes en uniforme avaient été observés le long de la frontière estonienne. 

Les autorités frontalières ont convoqué une réunion avec leurs homologues russes suite à l’incursion. Au cours de cette rencontre, qui s’est tenue hier, jeudi 18 décembre, et qui a duré plus de deux heures, les gardes-frontières russes ont nié avoir violé la frontière. Les représentants de Moscou ont déclaré qu’ils n’avaient ni l’autorité, ni les compétences pour répondre aux questions de Tallinn, qui a demandé une nouvelle réunion à un niveau supérieur 2.

Si cet incident pourrait être dû à la formation insuffisante des gardes-frontières russes, il contribue à la guerre hybride menée par Moscou contre l’Europe.

  • Comme le déclarait le ministre de la Défense estonien Hanno Pevkur, l’Estonie est confrontée « chaque jour à des dizaines, voire des centaines d’attaques hybrides ou de cyberattaques ».
  • De son côté, le CSIS note que le nombre d’attaques russes en Europe a presque triplé entre 2023 (12 attaques) et 2024 (34 attaques), après avoir quadruplé entre 2022 (3 attaques) et 2023 3.
  • Les agences russes ciblent notamment les infrastructures critiques, énergétiques, les nœuds logistiques et de transport, mais également des bases militaires américaines en Allemagne.

Au moins une quarantaine d’incidents impliquant des drones — aperçus, écrasés ou abattus — ont également eu lieu depuis cet été.

  • Des engins partis de Russie ont été aperçus ou se sont écrasés dans trois pays membres de l’OTAN : la Pologne, la Roumanie et la Lituanie.
  • Près de la moitié de ces incidents (19) ont eu lieu en Pologne.
  • Dans la grande majorité des cas, les autorités nationales n’ont pas été en mesure d’identifier la provenance de ces drones.

L’analyste Stéphane Audrand considère que la ville estonienne de Narva, à cinquante kilomètres au nord-est de Vasknarva, pourrait « faire l’objet d’une tentative de prise de gage territorial » en raison de sa position propice pour une attaque surprise. Sur le plan logistique, la Russie pourrait par ailleurs utiliser ses lignes intérieures et serait ainsi moins exposée à des manœuvres sur ses flancs.

Sources
  1. « Vene piirivalvurid ületasid kolmapäeval Vasknarvas Eesti-Vene kontrolljoone », ERR, 17 décembre 2025.
  2. Maria-Ann Rohemäe, « Taro : piiri rikkunud venelased ei saanud aru, kus kulgeb kontrolljoon », ERR, 18 décembre 2025.
  3. Seth G. Jones, Russia’s Shadow War Against the West, CSIS, 18 mars 2025.