Contrairement à d’autres régions du monde, notamment en Europe occidentale, les frontières délimitant les territoires des ex-républiques soviétiques ont fait l’objet d’accords relativement récemment, à partir de la chute de l’URSS en 1991. Si l’âge des traités sur la délimitation des frontières n’immunise pas les parties contre le risque de contestations ou de disputes territoriales, il en réduit généralement le risque.

Dans la nuit du 22 au 23 mai, des garde-côtes russes ont pourtant retiré des bouées installées par l’Estonie pour délimiter la frontière entre les deux pays, sur le fleuve Narva.

  • Tous les ans au printemps, à mesure que le lit du fleuve évolue avec les saisons, les garde-côtes estoniens installent des bouées afin que les pêcheurs et autres navires ne « s’égarent pas accidentellement dans les eaux russes »1.
  • Jusqu’au lancement de l’invasion de l’Ukraine de février 2022, les parties russe et estonienne s’accordaient conjointement pour délimiter l’emplacement de chacune de ces bouées.
  • Cependant, depuis 2023, la Russie conteste leur emplacement et n’a plus donné son accord à leur installation. Ainsi, lundi 13 mai, l’Estonie a installé 50 premières bouées à l’emplacement défini par le dernier accord conclu en 2022.
Source  : Office estonien de la police et des gardes-frontières. © Eesti Rahvusringhääling

Cependant, comme le montre la photo ci-dessus, les garde-côtes russes ont retiré 24 de ces 50 bouées dans la nuit du 22 au 23. Selon la Première ministre estonienne Kaja Kallas, « la Russie utilise les questions frontalières pour susciter la peur et l’anxiété »2. Quelques jours auparavant, le ministère de la Défense russe publiait un document proposant de modifier unilatéralement les frontières maritimes de la Russie — avant d’être retiré du portail gouvernemental russe quelques heures plus tard.

  • Le projet de loi visait à revenir sur les frontières maritimes fixées en 1985 par le Conseil des ministres de l’URSS dans le golfe de Finlande et dans la mer Baltique, au large de Kaliningrad.
  • Selon le document3, qui n’est désormais plus accessible en ligne, le gouvernement russe revendique des eaux situées à proximité des îles de Jähi, Rodsher et Malyy Tyuters notamment, ainsi que des villes de Baltiisk et Zelenogradsk, près de la frontière avec la Lituanie4.

Le rapprochement de ces deux événements suggère que Poutine souhaite « tester » la réaction des pays concernés par ces revendications — principalement l’Estonie, la Finlande et la Lituanie — ainsi que l’unité de l’Alliance atlantique. Les renseignements de plusieurs pays européens dont l’Allemagne, le Danemark et l’Estonie considèrent que la Russie se prépare d’ores et déjà à un potentiel affrontement avec l’OTAN dans les années à venir.