Le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, était à Kiev mercredi 12 février pour rencontrer Volodymyr Zelensky. Selon le Telegraph, ce dernier aurait présenté à Zelensky un projet de contrat pré-décisionnel marqué « Privileged & Confidential » et daté du 7 février 2025.

  • Par celui-ci, les États-Unis exigent un remboursement par l’Ukraine de 500 milliards de dollars, une somme qui dépasse les réparations imposées à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale — et qui est 4,5 fois supérieure à l’aide octroyée à date par Washington (114 milliards d’euros, soit autour de 119 milliards de dollars).
  • Le contrat proposé par les États-Unis prévoit une prise de contrôle économique de l’Ukraine couvrant ses ressources minières, son pétrole, gaz, ports et ses infrastructures. Il serait régi par la loi de New York.
  • Les États-Unis prendraient 50 % des revenus récurrents de l’Ukraine provenant de l’extraction de ses ressources et auraient un droit de préemption sur les minéraux exportables. Ils prendraient également 50 % de la valeur financière de « toutes les nouvelles licences délivrées à des tiers » en vue de la monétisation future des ressources.
  • Washington bénéficierait d’une immunité souveraine et acquerrait un contrôle quasi total sur une partie essentielle de l’économie ukrainienne : les matières premières et les ressources minérales.
  • Les États-Unis seraient en position de piloter l’économie ukrainienne en obtenant « le droit exclusif d’établir la méthode, les critères de sélection, les termes et les conditions » de toutes les licences et de tous les projets futurs.

Le contrat semble avoir été rédigé « par des avocats de droit privé », et non par les juristes des départements d’État ou du Commerce des États-Unis. Ce n’est pas la première fois que l’administration Trump envisage d’imposer une solution business à une crise géopolitique.

  • Dans la lignée du plan élaboré au cours de son premier mandat par son gendre, Jared Kushner, Donald Trump envisage désormais d’annexer Gaza pour y conduire une grande entreprise de développement immobilier, tout en menant une politique de nettoyage ethnique en forçant les Palestiniens à l’exil.
  • L’un des intellectuels de l’ombre de J.D. Vance, Curtis Yarvin, propose de faire de Gaza une entreprise cotée : « La stratégie de sortie de GAZA est d’être la première entreprise souveraine à rejoindre l’ONU ».
  • Selon une source diplomatique européenne de premier plan qui a parlé avec la revue, la tenue des négociations en Arabie saoudite implique la triangulation entre la guerre ukrainienne et la crise au Moyen-Orient, avec « un aspect foncièrement business ».

La proposition a provoqué la consternation et la panique à Kiev. Le pays est aujourd’hui pris en étau entre la tentative militaire de conquête russe et le projet américain de colonisation économique.

  • Le président ukrainien avait évoqué en septembre la possibilité de mettre sur la table un accès privilégié américain aux terres rares et aux minéraux critiques en échange du soutien de Donald Trump.
  • Selon des sources ukrainiennes, les engagements américains étaient extrêmement vagues : le projet initial n’en comportait aucun, ce qui l’aurait rendu inapplicable en vertu de la loi de New York.
  • Comme l’écrit le Telegraph : « La demande de Trump est une coercition exercée par une puissance néo-impériale sur une nation plus faible qui se trouve dos au mur, et tout cela pour une manne qui n’existe que dans la tête de Trump ».
  • Les termes de l’accord semblent impossibles à respecter. L’économie ukrainienne est sous perfusion et la reconstruction du pays nécessite des investissements d’un montant supérieur à 200 milliards de dollars — dont plus de la moitié reste à financer.

Trump envisage d’imposer cette demande pour justifier la poursuite du soutien américain tout en menaçant l’Ukraine d’être livrée à la Russie si elle refuse les termes.

  • L’Ukraine ne paraît pas en position d’accepter cette proposition — à deux reprises, le président Zelensky a refusé de signer ce contrat. Les réserves minérales et les ressources de l’Ukraine sont surestimées et leur valeur réelle, placée par des responsables ukrainiens à 26 000 milliards dont 12 000 uniquement pour les minéraux, est incertaine.
  • L’armée russe occupe par ailleurs de vastes territoires ukrainiens riches en ressources dans le sud et l’est du pays : Moscou avait déjà pris le contrôle d’un des quatre principaux gisements ukrainiens de lithium en 2022, à Balka Kruta, dans l’oblast de Zaporijia, et en janvier, Kiev a dû suspendre ses activités à la mine d’extraction de charbon à coke de Pokrovsk en raison de la progression de l’armée russe.
  • Donald Trump pourrait utiliser ce refus pour affirmer que les États-Unis ont été traités injustement et présenter une cession à la Russie comme la conséquence d’un acte volontaire.