Quelques jours après l’élection de Donald Trump en novembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, explorait déjà la possibilité de remplacer le GNL russe par du GNL américain « moins cher » qui contribuerait à « faire baisser les prix de l’énergie » 1. À Davos, le commissaire européen Valdis Dombrovskis a surenchéri jeudi 23 janvier en suggérant une augmentation des importations de gaz américain ainsi que de l’armement acheté par les Européens auprès d’entreprises américaines 2.
- Trump n’a pas encore annoncé de tarifs douaniers contre les pays européens, mais a signalé à plusieurs reprises qu’il souhaitait réduire le déficit commercial des États-Unis avec l’Union.
- Ce déficit (dans le commerce des biens) a considérablement augmenté en 2024, les données de la Commission indiquant qu’il s’élevait à 183 milliards d’euros au cours des 11 premiers mois de l’année, contre 157 milliards pour l’ensemble de 2023, et 149 milliards pour 2022.
- Les États-Unis conservent toutefois une balance commerciale positive avec l’Union dans le domaine des services et chacun est la plus grande source d’investissements directs étrangers de l’autre.
Les États-Unis ont déjà été le premier fournisseur de GNL pour les pays européens en 2021, 2022 et 2023, et en 2024, l’Europe représentant au total 55 % des exportations américaines totales de GNL.
- Les États-Unis devraient largement disposer de la capacité de fournir aux Européens les 21,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié russe importés en 2024, selon les données de Bruegel, si ces derniers se détournent de la Russie.
- En l’absence de sanctions, les acheteurs européens sont actuellement libres de se fournir auprès de vendeurs russes : sur les 15 premiers jours de l’année 2025, les importations européennes de GNL russe ont ainsi augmenté par rapport à la même période l’année précédente, passant de 760 100 tonnes métriques à 837 300 3.
- Trump, qui entend tirer profit des ressources énergétiques massives des États-Unis, a déjà commencé à supprimer les régulations mises en place par les administration précédentes afin de « libérer l’énergie américaine ».
- Parmi ses premières actions, le président républicain a signé un décret lundi 20 ordonnant de reprendre le traitement des demandes de permis d’exportation pour les nouveaux projets de gaz naturel liquéfié, mises en pause par Biden début 2024.
- Les entreprises américaines Cheniere, Commonwealth LNG et Energy Transfer ont d’ores et déjà annoncé reprendre leurs projets de terminaux de liquéfaction de gaz en Louisiane et au Texas 4.
- À eux seuls, les projets de GNL américains actuellement en construction pourront exporter une quantité quatre fois supérieure aux 21,5 milliards de mètres cubes de gaz russe importé l’an dernier. Les nouveaux terminaux américains ayant commencé à fonctionner en décembre permettraient à eux seuls de couvrir 1,5 fois les importations européennes de GNL russe 5.
Selon nos estimations, le remplacement des achats de GNL russe par du GNL américain ne permettrait de combler que 6 % du déficit commercial (environ 9,9 milliards d’euros) entre l’Union et les États-Unis, en se basant sur le volume importé en 2024, la moyenne annuelle du prix d’achat de GNL en Europe du nord-ouest ainsi que la moyenne du déficit commercial sur les trois dernières années. Ce calcul ne prend cependant pas en compte les fluctuations de prix ainsi que la nature des contrats d’achat.
Sources
- « EU may consider replacing Russian LNG imports with those from US, von der Leyen says », Reuters, 8 novembre 2024.
- Marta Fiorin et Cecile Mantovani, « EU open to US energy, arm sales talks to stave off tariffs », Reuters, 23 janvier 2025.
- Gabriel Gavin et Giovanna Coi, « EU devours Russian gas at record speed despite cutoff », Politico, 16 janvier 2025.
- Curtis Williams, « LNG companies hail Trump decision to lift freeze on export permits », Reuters, 22 janvier 2025.
- The EU does not need new US LNG to replace Russian gas, Zero Carbon Analytics, 17 janvier 2025.