Les secrets de Li Hui : au cœur de la doctrine russe de Xi Jinping

La première visite de Vladimir Poutine depuis sa réélection fabriquée sera en Chine. Il y rencontrera Xi pour la 43e fois. Pour comprendre sur quoi repose leur alliance particulière, nous traduisons et commentons pour la première fois en français le texte clef de Li Hui, artisan de la doctrine russe de Pékin pendant 44 ans—et aujourd’hui « super-diplomate » chargé de mettre en œuvre le plan chinois pour la paix en Ukraine.

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Le Grand Continent
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Li Hui, l'envoyé spécial de la Chine pour les affaires eurasiennes, quitte le ministère russe des Affaires étrangères à Moscou, Russie, le vendredi 26 mai 2023. © AP Photo/Alexander Zemlianichenko

Diplomate de premier plan, Li Hui (né en février 1953) est le Représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires eurasiennes depuis août 2019. Ambassadeur au Kazakhstan (1997-2000), il connaît une ascension fulgurante à la fin de l’ère Hu Jintao en devenant vice-ministre des Affaires étrangères en 2008, avant d’être nommé ambassadeur de Chine en Russie où il reste dans ce poste stratégique pendant une décennie cruciale pour les équilibres mondiaux (2009-2019).

C’est dans cette décennie qu’on assiste à la rupture progressive de la politique de rapprochement (engagement) sino-américaine commencée par Richard Nixon en 1972 et relancée par Bill Clinton. La crise financière de 2008 contribue à convaincre les élites chinoises que les États-Unis sont désormais une puissance en déclin inexorable et que la Chine peut assumer une rupture et un redéploiement géoéconomique. La politique étrangère chinoise sous Hu Jintao, prise dans une lutte entre une politique discrète et un activisme diplomatique beaucoup plus prononcé, bascule alors.

Le conseil proverbial est en vogue à l’époque est de « cacher sa force et d’attendre son heure ».

C’est sous cet angle qu’il convient d’étudier la figure de Li Hui. Pièce clef de l’engrenage qui conduira, avec la structuration d’une rivalité sino-américaine, à l’approfondissement des liens entre Moscou et Pékin — et donc entre Xi Jinping et Poutine — il remplit depuis l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022 le rôle d’une sorte de « représentant spécial du président chinois pour la paix ». La diplomatie chinoise cherche en effet à se positionner de plus en plus comme une puissance de médiation et c’est dans cette mise en scène diplomatique que s’inscrit la publication de la fameuse « position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne » que nous avions traduire et commentée dans nos pages.

C’est sous cette fonction qu’il avait d’ailleurs effectué il y a un an, en mai 2023, une tournée européenne en Pologne, en France, en Allemagne, en Ukraine — il avait été d’ailleurs la personnalité chinoise de rang le plus élevé à se rendre à Kiev depuis l’invasion — ainsi qu’en Russie, en cohérence avec le « plan de paix » sur la recherche d’un règlement politique de la crise ukrainienne. 

En 2019, alors qu’il quittait son poste d’ambassadeur à Moscou, il publiait un texte largement relayé par la principale agence de presse du Parti communiste chinois, Xinhua (en français, « Chine nouvelle »). 

À côté d’éléments canoniques et d’expression diplomatiques convenues, ce texte, inédit en français jusqu’à présente, propose un bilan et un état des lieux particulièrement sensible de la profondeur de la relation sino-russe : entre formats conjoints, initiatives communes et visites d’États, cette lecture permet de saisir les dimensions structurantes de la relation sino-russe.

En août 2009 je suis retourné dans la belle ville de Moscou en tant qu’ambassadeur de Chine en Russie. J’ai posé de nouveau le pied sur cette terre où j’ai travaillé pendant de nombreuses années. Je me suis senti à la fois honoré et chanceux, et encore plus profondément conscient de ma responsabilité et de ma mission. 

Lui Hui est un ancien élève de l’École de russe de l’Université des études étrangères de Beijing (BFSU), école fondée pendant la Seconde Guerre mondiale au sein de l’Université militaire chinoise, autrefois éloquemment nommée « Université chinoise anti-japonaise ». Dans les années 1980-1990, Li Hui a passé six ans en tout à l’ambassade de Chine en Russie, avant d’en prendre la tête en 2009.

Au cours de ces dix années de travail en première ligne de la diplomatie avec la Russie, je n’ai jamais oublié la grande confiance mutuelle que nourrissent nos pays et nos peuples. J’ai continué à promouvoir activement une diplomatie à caractère chinois, ayant pour but le grand rajeunissement de la nation chinoise. J’ai continué à m’améliorer continuellement pour construire un nouveau type de relations internationales, une communauté avec un avenir commun pour l’humanité.

La spécificité des relations Chine-Russie, c’est de servir à la fois les enjeux nationaux et internationaux, de s’efforcer d’intensifier la construction de « la Ceinture et la Route », d’adhérer aux intérêts nationaux fondamentaux de la Chine pour sauvegarder pleinement la souveraineté nationale, la sécurité et les intérêts de développement, d’adhérer au principe de « mettre le peuple d’abord » et de « la diplomatie pour le peuple », de s’engager à sauvegarder la sécurité et les droits et intérêts légitimes des citoyens chinois d’outre-mer. En août 2019, je quitterai ce poste et je dirai au revoir à des amis de tous horizons qui ont travaillé avec moi pendant de nombreuses années. Bien que je sois réticent à dire au revoir, je peux dire avec fierté qu’il s’agit des dix années les plus inoubliables de ma carrière diplomatique et des dix années dorées au cours desquelles le partenariat stratégique de coordination Chine-Russie est progressivement entré dans une nouvelle ère.

En 2011, trois ans après ma visite en Russie, les relations Chine-Russie se sont transformées en un « partenariat stratégique global de coordination fondé sur l’égalité, la confiance, le soutien mutuel, la prospérité commune et l’amitié durable ». Cette année a coïncidé avec le dixième anniversaire de la signature du traité de bon voisinage, d’amitié et de coopération entre la Chine et la Russie. Depuis que le président Xi Jinping a effectué sa première visite d’État officielle en Russie en mars 2013, le président s’est rendu huit fois en Russie au cours des six dernières années. Les deux chefs d’État se sont fréquentés comme des parents et ont établi d’étroites relations de travail. Ils ont établi des relations de travail étroites et une profonde amitié personnelle, et ont conjointement orienté et planifié le développement des relations bilatérales de manière stratégique. Ce type de diplomatie de haut niveau, très fréquente et de grande qualité entre chefs d’État, est unique parmi les échanges entre grands pays. Il montre non seulement que les deux parties attachent une grande importance au développement du partenariat stratégique global de coordination Chine-Russie, mais aussi que la communauté internationale reconnaît généralement que les relations entre la Chine et la Russie jouent un rôle important dans la sauvegarde de la paix dans le monde. Après des années d’accumulation et de pratique, les relations Chine-Russie ont progressé régulièrement, étape par étape, et ont atteint de nouveaux sommets sans précédent. Au cours de la visite du président Xi Jinping en Russie en juin de cette année, les deux chefs d’État ont clarifié le positionnement et la teneur des relations bilatérales, en s’efforçant d’atteindre les objectifs d’assistance mutuelle, d’intégration profonde, d’innovation, et d’avantages mutuels pour développer une nouvelle ère de relations entre la Chine et la Russie.

Au cours des dix dernières années, les échanges de haut niveau entre la Chine et la Russie ont été extrêmement fréquents, non seulement grâce à l’instauration de la pratique des échanges annuels de visites de chefs d’État, mais aussi par l’établissement de réunions régulières entre les premiers ministres, des comités de coopération parlementaire et des mécanismes concernant l’énergie, l’investissement, les sciences humaines, l’économie et le commerce, les affaires locales, l’application de la loi et la sécurité stratégique. 

Les réunions régulières entre les premiers ministres en sont à leur 28e édition tandis que les rapports s’intensifient dans tous les domaines. La Russie est le premier pays visité par Xi Jinping devant les États-Unis, tandis que la Chine est le troisième pays le plus visité par Vladimir Poutine — après trois pays de l’ex-URSS. 

Grâce aux mécanismes de coopération à tous les niveaux, ainsi qu’aux deux principaux mécanismes de coopération régionale « Fleuve Yangtze — Fleuve Volga » et « Nord-Est — Extrême-Orient », de nombreux États, provinces et villes ont été jumelés entre les deux pays..

En 2013, les pays ont lancé un mécanisme visant à renforcer la coopération régionale entre 14 provinces fédérales russes situées le long de la Volga et les 5 provinces chinoises situées le long du fleuve Yangtze. Le partenariat porte sur la production électrique, l’automobile ou encore l’agriculture. 

En juin 2022, lors du conseil de coopération entre les régions de la Volga et le Yangtze, les deux pays ont fait vœu de relancer leurs relations. Un projet de gazoduc est en cours pour livrer du gaz de l’extrême-orient russe au nord-est de la Chine et la Russie a autorisé la Chine à utiliser le port de Vladivostok.

À l’heure actuelle, ce nombre s’élève à 140 jumelages. En outre, les deux parties ont également utilisé l’exposition Chine-Russie, le forum de coopération locale Chine-Russie, ainsi que les forums et expositions organisés par les deux pays comme plateformes pour mettre en relation les entreprises et renforcer la coopération locale entre les deux pays. Au cours des dix dernières années, j’ai visité 42 sujets de la Fédération de Russie, du nord au sud et de l’ouest à l’est, sur une distance d’un million de kilomètres, et j’ai inspecté de nombreux projets majeurs de notre pays en Russie. L’ambassade a également organisé des séminaires promotionnels pour 12 entités constitutives de la Fédération de Russie, telles que la République de Bouriatie, la région d’Oulianovsk, le kraï de Khabarovsk, la République de Carélie, la République du Bachkortostan, la région de Toula et ainsi de suite.

C’est sous la forte garantie de ces mécanismes et des efforts conjoints des deux parties que la coopération pratique entre les deux pays dans divers domaines a été continuellement améliorée et renforcée. Le volume du commerce bilatéral entre les deux pays s’élevait à 38,8 milliards de dollars américains en 2009, et a atteint le chiffre record de 107,06 milliards de dollars l’année dernière. La Chine a été le premier partenaire commercial de la Russie pendant neuf années consécutives, représentant 15,5 % du commerce extérieur de la Russie. Aujourd’hui, les deux pays se rapprochent de l’objectif ambitieux de 200 milliards de dollars de volume commercial fixé conjointement par les chefs d’État des deux parties. 

Si les chiffres évoqués datent bien sûr de 2019, le volume commercial total entre les deux pays a même fini par atteindre le record de 240 milliards de dollars en 2023. Le déséquilibre en faveur de la Chine est cependant visible : alors que la Chine est le premier partenaire économique de la Russie, la Russie n’est que dixième partenaire de la Chine. Cette asymétrie rend la Chine réticente à miser entièrement sur la Russie au détriment de ses autres partenaires : bien que la Chine soit le principal soutien d’une Russie isolée, les entreprises chinoises mondialement intégrées ont préféré mettre en pause leurs activités en Russie pour se concentrer sur leur marché occidental.

Dans le même temps, l’ampleur, le niveau et la portée des échanges culturels entre les peuples de la Chine et de la Russie n’ont cessé d’augmenter, et des activités de niveau national telles que l’« Année des langues », l’« Année du tourisme », l’« Année des échanges entre jeunes », l’« Année des échanges avec les médias » et l’« Année de la coopération et des échanges locaux » ont été organisées à tour de rôle. Les échanges interpersonnels entre les deux pays battent leur plein. Le Centre culturel chinois de Moscou a organisé des centaines d’activités culturelles chaque année depuis sa création en 2012. Les instituts Confucius et l’enseignement du chinois sont très populaires en Russie. 

Le rayonnement de la culture chinoise se développe en Russie, qui compte 19 instituts Confucius. Ce chiffre est comparable au nombre d’implantations en France ou en Allemagne, mais l’on est bien loin des 85 instituts aux États-Unis ou des 30 instituts du Royaume-Uni. Les années 2024 et 2025 ont d’ores et déjà été baptisées « Années de la  culture de la Russie et de la Chine » par le Conseil de la Fédération de Russie.

Cette année, la Russie a officiellement inclus le chinois comme matière d’examen d’entrée à l’université. Le nombre total d’étudiants qui étudient dans les deux pays est passé de plus de 30 000 en 2009 à environ 90 000 aujourd’hui. 

Entre 30 et 50 000 étudiants chinois étudient dans les universités russes contre 20 000 étudiants russes en échange dans des universités chinoises — et ces chiffres sont en augmentation.

L’année dernière, le nombre total de touristes des deux pays qui se sont rendus dans l’autre pays a dépassé les 3 millions. Selon les derniers sondages russes, la cote d’amitié de la Chine auprès des Russes est passée de la troisième place en 2009 à la première aujourd’hui.

La note de sympathie moyenne que les Russes attribuent à la Chine est de 6,14 sur 10, ce qui en fait le premier pays cher aux Russes, suivi par les Pays-Bas et la République Tchèque — les notes les plus basses visant l’Ukraine et les États-Unis.

Avec un record de 1,4 millions de touristes chinois en 2019 en Russie, le flux de touristes a drastiquement diminué en 2020 avec le Covid et en 2022 après l’invasion de l’Ukraine, avant de remonter légèrement. Il n’est toujours que de 22 % par rapport au niveau de 2019. Quant aux nombres de touristes russes en Chine, il est passé de 2 millions en 2019 à 17 000 en 2022.

Le potentiel de la coopération économique entre les deux pays est de plus en plus exploité, et les populations des deux pays en bénéficient de plus en plus. En particulier, l’initiative « la Ceinture et la Route » est profondément cohérente avec la construction de l’Union économique eurasienne, ce qui favorisera la coopération pratique entre les deux pays à un niveau plus élevé et permettra un plus grand développement. 

En mai 2015, les deux chefs d’État ont signé conjointement la « Déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie sur l’accostage et la coopération dans la construction de la ceinture économique de la Route de la soie et la construction de l’Union économique eurasienne » établissant un nouveau plan pour le développement des relations entre les deux pays d’un point de vue stratégique. Le président Poutine a assisté au premier et au deuxième forum du sommet sur la coopération internationale de « la Ceinture et la Route », soulignant la nature particulière des relations entre la Chine et la Russie. La coopération en matière d’amarrage mentionnée ci-dessus a obtenu des résultats précoces. Les deux parties sont entrées dans la voie rapide de la coopération sur de grands projets dans les domaines de l’énergie, de l’énergie nucléaire, de l’aérospatial et d’autres domaines. Ils ont construit le premier pont ferroviaire transfrontalier et le premier pont routier transfrontalier — « Binhai No. 1 » et « Binhai No. 2 ».

Un pont autoroutier a été inauguré en 2022 entre la Russie et la Chine sur le fleuve Amour à l’initiative de la Russie pour répondre à l’augmentation des échanges commerciaux, ainsi qu’un pont ferroviaire sur le même fleuve 500 kilomètres à l’est.

Les projets d’infrastructure de transport tels que le corridor de transport international, le corridor économique Chine-Mongolie-Russie et le chemin de fer express Chine-Europe progressent régulièrement. L’ouverture de vols directs entre de nombreuses villes de Chine et de Russie a facilité les échanges amicaux entre les peuples des deux pays et favorisé la coopération touristique sino-russe. Les trois principaux opérateurs de télécommunications chinois — China Telecom, China Unicom et China Mobile — se développent sur le marché russe. Les deux parties explorent activement de nouveaux domaines de croissance dans le commerce des produits agricoles, le commerce des services, le commerce électronique transfrontalier, le développement de l’Arctique, la coopération en matière de haute technologie et d’autres domaines encore.

À l’heure actuelle, la Chine et la Russie sont toutes deux confrontées aux tâches historiques que sont le développement de leurs économies, l’amélioration des conditions de vie de leurs populations et la revitalisation du pays et de la nation. Elles ont des intérêts communs extrêmement profonds. Dans le même temps, elles sont confrontées à une série de nouvelles menaces et de nouveaux défis. Le protectionnisme commercial et l’intimidation sont en hausse.

Alors que Biden poursuit une politique ferme envers la Chine qui semble dans la continuité de celle de Trump, elle tire profit du jeu d’alliances — avec le G7, l’OTAN et un renforcement des liens avec l’Inde — que les sorties isolationnistes ou agressives de Trump avaient mis à mal. Mais les Chinois appréhendent tout autant le retour de Trump et d’une politique anti-Chine faite d’annonces radicales, notamment la menace sur des droits de douane à 60 % qui, considèrent-ils, déstabiliserait l’économie des deux pays. 

Les questions de sécurité énergétique mondiale sont devenues de plus en plus importantes, la menace terroriste persiste et les problèmes de points chauds régionaux sont fréquents. En tant qu’ambassadeur, j’ai toujours fait de la mise en œuvre du consensus stratégique atteint par les deux chefs d’État ma priorité absolue, et il est de ma responsabilité de promouvoir l’approfondissement et le développement continus des relations entre les deux pays. Heureusement, sous la direction stratégique et la promotion personnelle des deux chefs d’État, la Chine et la Russie, sur la base d’une confiance politique solide, ont travaillé côte à côte, dos à dos, main dans la main et cœur à cœur, mettant en place une assistance mutuelle, une confiance mutuelle et une coopération gagnant-gagnant. C’est en 2013 que le président Xi Jinping a mis en avant les concepts importants de « communauté d’avenir commun » et de « nouveau type de relations internationales » dans son discours à l’Institut des relations internationales de Moscou.  Il les a profondément mis en œuvre dans les relations entre les deux pays, créant des conditions favorables au développement stable de chaque pays. Nous avons répondu efficacement aux divers défis et menaces traditionnels et nouveaux en matière de sécurité, sauvegardé conjointement la paix mondiale, la stabilité et l’équité internationale, et promu le développement de l’ordre international dans une direction plus juste et plus raisonnable.

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Je me suis attaché à la Russie en raison de la langue russe et j’ai travaillé en Russie (ex-Union soviétique) à trois reprises pendant 16 ans au total. J’ai une véritable affection pour ce pays et son peuple. Pendant cette période de travail, j’ai été profondément attiré et influencé par la littérature et l’art russes, tels que les célèbres œuvres de Pouchkine, Lermontov, Gogol, Dostoïevski, Tchekhov, Tolstoï, Gorki et d’autres. Je la lis souvent et m’émerveille de son charme et de ses idées. J’aime l’immensité des forêts russes, la largeur des plaines, l’épaisseur de la Volga, la pureté du lac Baïkal et la froideur de l’Arctique. Cela me fait prendre conscience du caractère tenace, de l’esprit persévérant et de l’attitude optimiste du peuple russe. J’ai toujours insisté sur la nécessité de comprendre la Russie, d’avoir de l’empathie pour elle et de la respecter. En conséquence, je me suis fait de nombreux collègues et amis admirables, qui ont une personnalité noble, qui sont bien informés et qui sont sincèrement engagés dans la cause de l’amitié sino-russe. J’ai appris d’eux beaucoup de choses qui me seront utiles tout au long de ma vie. Bien que certains d’entre eux nous aient quittés à jamais, leur contribution aux relations entre les deux pays restera toujours gravée dans mon cœur, et je penserai toujours, de temps en temps, à chaque détail de mes interactions avec eux. Il y a quelques jours, j’ai fait un voyage spécial au cimetière de Novodevichy et dans d’autres lieux pour me recueillir sur les tombes de ces vieux amis décédés et leur dire au revoir.

Dans le même temps, alors que les relations entre la Chine et la Russie continuent d’atteindre de nouveaux sommets, le nombre de citoyens chinois venant en Russie pour étudier, faire des affaires et voyager augmente également. 

Ces informations sont vraies jusqu’en 2019 — année de publication de ce texte. Comme indiqué plus haut, le Covid et la guerre en Ukraine ont fortement restreint les échanges.

Les compatriotes qui viennent en Russie rencontreront inévitablement des difficultés dans la vie et le travail parce qu’ils ne sont pas familiarisés avec les conditions nationales et locales et les manières de vivre locales. Les ambassades et les consulats chinois sont la maison des citoyens chinois à l’étranger. En tant que chef de famille, j’ai la responsabilité et l’obligation de bien servir mes compatriotes. À cette fin, l’ambassade en Russie a activement construit une grande muraille de protection consulaire qui bénéficie et réconforte la population grâce à six piliers : soutien juridique, évaluation des risques, alerte précoce en matière de sécurité, publicité préventive et réponse aux situations d’urgence. La protection consulaire de l’ambassade et d’autres activités connexes sont toujours disponibles 24 heures sur 24 et sont toujours prêtes à répondre aux problèmes et aux besoins urgents des compatriotes, afin que ces derniers puissent ressentir la chaleur de leur foyer. En outre, nous avons lancé la campagne « les consuls se rendent dans les campus, les consuls se rendent dans les entreprises, les consuls se rendent dans les zones locales » pour résoudre rapidement et correctement des problèmes tels que les décès de citoyens chinois en Russie, les conflits du travail et les difficultés des  touristes.

Ces dix années ont été marquées par des moments inoubliables. Le 23 mai 2019, le président Poutine m’a personnellement remis la « Médaille de l’amitié » au Kremlin, qui restera à jamais gravée dans mon cœur. Cette précieuse médaille n’est pas seulement un honneur que m’a fait le président Poutine, elle reflète aussi l’amitié du peuple russe envers le peuple chinois. En même temps, cet honneur appartient aussi à tous mes collègues de l’ambassade de Chine en Russie qui ont travaillé sans relâche avec moi pour approfondir les relations entre la Chine et la Russie. Cette médaille m’encouragera à me consacrer avec plus d’enthousiasme à la grande cause de l’approfondissement de la coopération amicale et du bon voisinage entre la Chine et la Russie.

Je suis né au bon moment. En tant qu’ambassadeur, j’ai l’honneur d’être le témoin des changements et des améliorations considérables des relations sino-russes au cours des dix dernières années, et d’y apporter ma contribution. Quelle chance ! Le célèbre écrivain russe Ostrovsky a écrit dans Et l’acier fut trempé, un livre célèbre qui a inspiré des générations de Chinois : « La chose la plus précieuse pour les gens est la vie. Chacun n’a qu’une seule vie. Sa vie doit être vécue de la manière suivante : lorsqu’il se souviendra du passé, il ne regrettera pas d’avoir gaspillé ses années, et il n’aura pas honte de n’avoir rien fait… » Je voudrais dire qu’au cours des dix dernières années nous avons vécu une ère de grands changements et remercier tous mes collègues et amis qui m’ont soutenu. C’est vous qui m’avez permis de mener à bien ma mission.

Et l’acier fut trempé est un roman picaresque qui met en scène la guerre civile russe, de la Révolution à la mort de Lénine, dans le pur style du réalisme socialiste. Fortement inspiré de la vie de son auteur — mort à 32 ans — il fut lu et inspira les générations révolutionnaires de la Chine populaire.

Alors que je m’apprête à quitter la Russie à la fin de mon mandat, je suis fermement convaincu qu’à l’occasion du 70e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie, et sous la direction stratégique des deux chefs d’État, cet « âge d’or » sera encore plus glorieux. J’espère qu’à l’occasion du 100e anniversaire de la fondation de la Chine nouvelle et du 100e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie, les relations entre nos deux pays traverseront le vent et les vagues pour mieux profiter aux deux pays et à leurs peuples, et pour mieux promouvoir la paix et le développement dans le monde. 

Li Hui renvoie au centenaire de la République populaire de Chine en 2049, date ultime de la planification actuelle chinoise. Ses objectifs visent une extension considérable du soft power chinois à destination des pays d’Afrique, d’Asie centrale et d’Europe. La RPC a élaboré quatorze plans quinquennaux depuis 1953. Ces politiques constantes s’appuient sur une stratégie planificatrice et un goût des projets pharaoniques empruntés à l’URSS, que la Russie contemporaine n’a pas non plus totalement abandonné.

Peu importe où je serai à l’avenir ou quel poste j’occuperai, je me consacrerai, comme toujours, de tout cœur à la cause de l’amitié sino-russe et je continuerai à mettre à profit mes 44 années d’expérience dans le travail diplomatique avec la Russie pour promouvoir le développement des relations entre les deux pays. Je souhaite que la Russie et la Chine, pays pacifiques, stables, heureux et en bonne santé, travaillent ensemble et marchent main dans la main sur la voie de la coopération et du développement communs dans la nouvelle ère !

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