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1 — Dimanche, suite à l’attaque contre Israël, l’Iran a fermé ses installations nucléaires. Téhéran craint-il une attaque ?
L’Iran serait certainement bien avisé de considérer sérieusement la perspective d’une frappe israélienne sur ses installations nucléaires. Il n’est pas surprenant que les Iraniens prennent des précautions supplémentaires sur ces sites car la longue histoire des sabotages israéliens les invite à se méfier.
En revanche, il semble peu probable qu’une action secrète immédiate à l’encontre d’un site nucléaire soit l’option privilégiée par les Israéliens, à l’image de l’attaque limitée conduite par Tsahal la nuit dernière. En effet, s’ils avaient créé une situation dans laquelle les Israéliens allaient exercer des représailles à très grande échelle, cela aurait, je pense, augmenté les chances d’une attaque immédiate contre le programme nucléaire iranien. Mais cela n’a pas été le cas.
Dans ce contexte, il est assez naturel que les Iraniens ferment ces sites. Toutefois, un arrêt complet d’un site semble très difficile à mettre en œuvre, notamment s’il faut enlever et déplacer les centrifugeuses. Il s’agissait probablement avant tout de mises à l’arrêt visant à protéger le personnel, car le véritable défi pour les Israéliens, s’ils devaient mener une attaque, n’est pas de détruire la machinerie physique du programme nucléaire iranien, mais les connaissances acquises.
2 — Quels sont les sites nucléaires iraniens qu’Israël pourrait cibler ?
Le programme nucléaire iranien comporte plusieurs sites essentiels à la fabrication d’une arme. La carte ci-dessous en présente les principaux : Natanz, Fordo, Arak et Ispahan.
Pour fabriquer une bombe nucléaire, il faut extraire de l’uranium du sol, le soumettre à des processus chimiques pour le rendre prêt à être enrichi, l’enrichir jusqu’à ce qu’il puisse être utilisé comme arme, puis transformer l’uranium de qualité militaire en une bombe. Il faut également un moyen de transporter la bombe.
Ispahan dispose d’une installation de conversion de l’uranium (UCF) qui transforme l’uranium en hexafluorure d’uranium, une substance beaucoup plus facile à travailler pour l’enrichissement. Cette installation est une cible assez facile : il s’agit d’une usine qui pourrait être mise hors d’état de fonctionnement avec quelques bombes seulement.
Natanz et Fordo sont des usines d’enrichissement. Elles prennent l’hexafluorure d’uranium sous forme gazeuse et le placent dans des centrifugeuses qui font tourner l’uranium suffisamment vite pour séparer les isotopes et l’enrichir.
La photo ci-dessous montre quelques centrifugeuses iraniennes lors d’une exposition, probablement le modèle de base IR-1. Il s’agit d’un équipement de précision : le gaz d’hexafluorure d’uranium s’y déplace à des vitesses extrêmement élevées. Il en faut également beaucoup, car l’uranium naturel contient moins de 1 % de l’isotope recherché, et chaque étape de l’enrichissement n’augmente que de façon limitée ce pourcentage.
Natanz dispose de deux halls principaux pour l’enrichissement. C’est une cible plus délicate. Les Iraniens y ont creusé de grands trous dans le sol, construit les centres d’enrichissement, puis les ont enterrés. Il faut donc des bombes capables d’atteindre ces grandes cavités.
Le site de Fordo est encore plus difficile d’accès, car il se trouve dans un tunnel situé à l’intérieur d’une montagne. Les images satellites disponibles ne permettent d’en voir que quelques entrées. Un petit hall d’enrichissement se trouve au plus profond de la montagne.
Le site d’Arak héberge un réacteur au plutonium. Le plutonium est une autre voie d’accès à la bombe. Nous ne savons pas à quel point il serait une cible prioritaire, mais il n’est probablement pas aussi difficile à atteindre. Le principal avantage du plutonium est qu’il n’est pas nécessaire d’en utiliser autant que l’uranium, ce qui permet de réduire la taille de l’ogive et donc de l’intégrer dans des missiles.
Il existe quelques installations secondaires, comme le réacteur de recherche de Téhéran et le réacteur de puissance de Bouchehr. Mais c’est Natanz/Fordo/Arak/Ispahan qu’il faut frapper si l’on veut faire reculer le programme nucléaire iranien.
3 — Quels seraient les vecteurs d’une telle attaque israélienne ?
L’armée de l’air israélienne serait de loin le principal acteur de l’attaque. Deux avions seraient au cœur d’une telle opération : le F-16I Sufa (ci-dessous) et le F-15I Ra’am (en dessous du F16). Il s’agit de deux modèles dérivés des F-16 et F-15E américains.
Ces appareils sont tous deux spécialisés dans les frappes à longue distance. Sur les deux photos, on peut voir qu’ils transportent des grands réservoirs de carburant gris et qu’ils sont équipés de réservoirs de carburant fixés sur le côté de leur fuselage.
D’autres avions joueraient un rôle de soutien. Il y en a deux principaux : les ravitailleurs israéliens dérivés du Boeing 707 (ci-dessous) et les chasseurs F-35I (encore en-dessous).
Les 707 fournissent du carburant supplémentaire aux avions de combat, ce qui leur permet d’aller plus loin en transportant plus et, si nécessaire, de brûler beaucoup de carburant pour voler très vite ou effectuer des manœuvres, ce qui s’avère nécessaire lorsque l’on est confronté à des chasseurs ou des défenses aériennes ennemies. Les F-35I sont furtifs : ils sont invisibles, ou du moins difficilement visibles pour les radars ennemis. Ils sont également dotés de systèmes électroniques et de communication avancés qui leur permettent de recueillir des informations et de les transmettre à d’autres aéronefs pour qu’ils les exploitent. Leur principale limite est qu’ils ne peuvent pas transporter d’objets.
De nombreux autres aéronefs seraient également utilisés. Il y aurait probablement un certain nombre de F-15 et de F-16 chargés de protéger les avions de chasse, des drones pour distraire les défenses aériennes, surveiller les cibles et évaluer les dégâts causés par les bombes, ainsi que des avions radars pour dresser un tableau de l’ensemble de l’espace aérien et guider les chasseurs dans leur lutte contre les menaces. D’autres avions ou hélicoptères pourraient également être déployés pour aider à sauver les pilotes abattus. Mais les avions de chasse constituent le noyau ; tout le reste est construit autour d’eux.
L’arme principale serait la GBU-28, la bombe israélienne la plus sophistiquée, connue sous le nom de « bunker buster » (dédiée à détruire des cibles enterrées en profondeur). Ces bombes sont énormes : elles pèsent environ deux tonnes et mesurent près de 6 mètres de long. C’est une bombe capable de s’enfoncer profondément dans le sol et de traverser du béton à haute résistance.
L’énorme taille des bombes limite le nombre que les avions peuvent transporter, d’autant plus qu’ils devront transporter beaucoup de carburant supplémentaire pour se rendre en Iran. D’après mes calculs, le mieux que l’on puisse faire est d’en placer 2 sur un F-15I et peut-être 2 — probablement 1 — sur un F-16I. Aux dernières nouvelles, les Israéliens disposaient de 25 F-15I et, je crois, d’environ 50 F-16I. Il est également possible que les Israéliens aient modifié certains de leurs nombreux autres F-16 et F-15 pour être en mesure de faire le voyage.
C’est à Natanz et à Fordo que le nombre limité de munitions risque de poser problème. Natanz est grand, donc pour être sûr d’atteindre le site, il faut que les bombes frappent dans tous les halls de centrifugeuses, et éventuellement larguer plusieurs bombes sur chaque point de visée. En outre, les centrifugeuses sont des équipements de précision dotés d’une tuyauterie très complexe… et elles sont chargées d’hexafluorure d’uranium, qui n’est pas seulement radioactif, mais aussi hautement toxique.
Fordo étant de plus petite taille, il suffirait de quelques bombes pour pénétrer dans le hall d’enrichissement. Mais le problème est de les y faire entrer : elles doivent traverser une grande épaisseur de roches, de terre et de béton. Il semblerait que le guidage de précision pourrait permettre de larguer une série de bombes successivement sur un point de visée, en creusant des tunnels de plus en plus profonds, mais cela semble assez complexe et risqué. Par exemple,dans quelle mesure les débris dans le « tunnel » créé par la première explosion gêneront-ils les bombes suivantes ? Il a également été question d’effectuer un raid commando sur ce site, mais la capacité d’Israël à effectuer ce genre d’opérations à longue distance et à grande échelle est beaucoup plus limitée. De plus, il s’agit de sites hautement fortifiés qui sont désormais en état d’alerte maximale.
Il faut donc larguer beaucoup de bombes et le nombre d’avions capables de le faire est limité. C’est là que l’Iran peut avoir un impact : la marge de manœuvre devient très étroite si l’on perd quelques appareils ou si l’on empêche certaines munitions d’atteindre leur cible. Compte tenu des portées et des charges extrêmes, l’Iran pourrait être en mesure de mettre certains avions hors de combat simplement en les harcelant, ce qui les obligerait à accélérer, à prendre de l’altitude, et à brûler un surplus de carburant pour survivre.
4 — Quel est le niveau de capacité des systèmes de défense anti aérienne iranien ? À quel point est-il possible de voler des centaines de kilomètres sur le territoire iranien sans essuyer de pertes ?
Ce serait une opération très difficile. Les défenses aériennes de l’Iran constituent principalement une menace en termes de harcèlement de l’opération israélienne, sans pour autant être capable d’abattre complètement les avions de chasse israéliens.
Il est possible de faire face à cette situation pour Israël. D’une part, tous les avions qui opéreraient en Iran sont capables de combattre en vol. Il s’agit d’appareils très performants, dotés d’une électronique de pointe qui leur donnerait une capacité considérable à se protéger contre certaines défenses aériennes iraniennes. Je note qu’Israël n’a pas perdu beaucoup d’appareils dans ses campagnes de frappes en Syrie. Par ailleurs, une grande partie des systèmes iraniens antiaériens sont d’origine russe. Or, les performances de ces systèmes en Ukraine, même s’ils sont plus avancés que ceux dont disposent les Iraniens, n’ont pas été très bonnes ou du moins pas aussi impressionnantes que ce que l’on pensait avant la guerre.
La principale difficulté me semble donc être la planification d’une telle opération. Lorsque les avions de combat se défendent contre les défenses aériennes — et si leur électronique ou autres méthodes de défense ne fonctionnent pas —, ils sont contraints de voler d’une manière très agressive : changement de direction, d’altitude, accélération… Tout cela entraîne une consommation plus élevée de carburant, qui est une contrainte majeure. S’ils veulent rendre ces manœuvres aussi dynamiques que possible, ils voudront se débarrasser de tout ce qu’ils transportent de lourd, comme les bombes ou les réservoirs de carburant, afin de permettre à l’avion de s’échapper, ce qui mettrait en péril l’opération.
5 — Pourquoi Israël ne recourrait-pas plutôt à des tactiques déjà éprouvées, et des actions plus clandestines, comme l’utilisation d’un virus informatique comme Stuxnet, ou l’assassinat ciblé de scientifiques iraniens ?
C’est aux Israéliens de décider ce qui est dans leur intérêt national. En tant qu’Américain, je suis mal placé pour dire quelle serait la ligne de conduite la plus sage pour eux. Mais il y a certainement plus de risques, militairement et politiquement, et de conséquences négatives à mener une attaque ouverte à grande échelle sur le programme nucléaire iranien. En revanche, dans le cas d’une action secrète à plus petite échelle, si de nombreux acteurs occidentaux pourraient s’inquiéter, ils ne seraient pas aussi préoccupés.
En outre, sur le plan opérationnel, une opération clandestine ne comporte pas le même risque de désastre militaire. Pour les Israéliens, la pire des situations serait qu’un pilote soit capturé par exemple.
Toutefois, Israël pense aussi à un autre type de risque, à savoir le risque que l’Iran se dote d’une arme nucléaire. Or, alors que tout le monde dans la région analyse la signification de l’attaque iranienne du 13-14 avril, on peut se demander dans quelle mesure l’Iran a encore confiance dans ses capacités de dissuasion conventionnelles. Car si l’Iran a perdu confiance dans sa dissuasion conventionnelle, cela pourrait pousser Téhéran à se doter d’une dissuasion nucléaire. Les risques restent donc réels et accrus depuis l’opération iranienne.
6 — Quels pourraient être les bénéfices et les risques d’une telle attaque pour Israël ?
La vraie question est de savoir ce que l’attaque accomplit, même si elle réussit à détruire tous les sites nucléaires. Il pourrait également y avoir des sites nucléaires inconnus, bien que les nombreux assassinats et actions de sabotage israéliens très médiatisés contre le programme nucléaire iranien suggèrent qu’ils ont une bonne connaissance de la réalité de celui-ci.
La guerre n’est pas un problème d’ingénierie ni de mathématiques. Elle vise, comme nous l’a dit Clausewitz, à faire en sorte que l’ennemi se plie à notre volonté. La destruction de ces capacités nucléaires y contribuerait à court terme, mais elles pourraient être reconstruites. Il sera plus difficile pour Israël de tuer les connaissances qui sous-tendent le programme nucléaire. Une telle attaque pourrait conduire à une situation similaire dans quelques années.
Les Israéliens pourraient créer une situation qui leur serait défavorable à moyen terme. Les Iraniens ne déclareront probablement pas leurs nouveaux sites nucléaires. En effet, Natanz et Fordo étaient à l’origine des sites secrets, avant d’être révélés par les services de renseignement occidentaux.
De plus, la Russie et la Chine auraient la possibilité de fournir à l’Iran de nouvelles technologies défensives susceptibles de rendre de nouvelles attaques plus difficiles. Moscou a attendu des années avant de fournir des missiles antiaériens S-300 à Téhéran et dispose de systèmes beaucoup plus avancés que la Russie pourrait fournir à l’avenir.
7 — Une attaque contre des sites nucléaires ne représenterait-elle pas un risque majeur de radiation en Iran et dans la région, et ainsi nuire à la réputation d’Israël ?
Je laisse aux experts nucléaires le soin d’en décrire les conséquences exactes qu’une telle attaque pourrait avoir. Cela amplifierait de façon certaine les conséquences politiques pour les Israéliens. Le monde entier sait ce qu’est Tchernobyl, et il y aurait donc, je pense, un mécontentement immédiat dans de nombreux pays voisins en cas d’émission importante de radiations. À plus long terme, je pense qu’il y aurait également un coût politique de réputation pour les Israéliens en raison des conséquences pour les personnes vivant dans ces zones d’exposition aux radiations. La République islamique s’assurerait probablement que ces cas soient rendus publics et médiatisés.
Mais encore une fois, les Israéliens doivent considérer les deux côtés de l’équation. Il y a également des risques pour eux à permettre la poursuite de l’avancée du programme nucléaire iranien.
8 — Quelle serait la réaction des alliés d’Israël à une telle attaque ? Dans la mesure où les Français, les Britanniques et les Américains ont contribué à la défense d’Israël, Israël n’est-il pas désormais tenu de prendre en compte leur avis dans les suites de cette escalade ?
On peut considérer cyniquement que l’aide de ces partenaires a pu être en partie motivée par le fait qu’il est plus difficile d’ignorer les demandes de retenue émanant de partenaires qui viennent de vous aider à vous défendre. Dans l’histoire d’Israël, il est très rare que le pays ait bénéficié directement de l’utilisation de la force armée par d’autres pays pour sa défense. Ce sera donc certainement un facteur dans leur prise de décision.
Toutefois, le gouvernement israélien va continuer à regarder les images que nous avons tous vues à la télévision samedi soir de missiles passant au-dessus de leurs villes, et considérer qu’ils ne peuvent pas laisser de telles attaques sans réponse.
En ce qui concerne la réaction des États-Unis et le risque d’une crise plus profonde dans les relations entre les pays, en dépit des tensions des deux derniers mois, je ne pense pas que Joe Biden cherche à provoquer une crise politique avec Israël à l’approche des élections. Ils risquent plutôt de favoriser une riposte de nature désescalatoire.
9 — Une réponse israélienne sur le territoire d’autres pays que l’Iran est-elle envisageable ?
Il a été dit qu’ils envisageaient de frapper des sites en Syrie. Il s’agirait en quelque sorte d’une option de désescalade par rapport aux autres, car il est tout à fait habituel pour les Israéliens de mener des frappes sur ces cibles en Syrie. Ils l’ont fait littéralement des centaines de fois. Il pourrait s’agir de frappes d’une ampleur nouvelle, afin que l’armée israélienne puisse dire à sa population que, face à un changement de comportement iranien, Israël a également changé de comportement.
Les Iraniens sont en train d’essayer de définir une nouvelle ligne rouge, à savoir qu’ils réagiront chaque fois que leur personnel, leur territoire ou leurs intérêts seront pris pour cible. C’est ce qu’ont déclaré plusieurs responsables iraniens. Les Israéliens ont déclaré à leur tour qu’ils n’accepteraient pas cette nouvelle ligne rouge.
Cette attaque va ainsi conduire à des négociations portant sur la définition même de ces lignes rouges. Cela peut s’avérer très dangereux, même si aucune des deux parties ne souhaite que cela débouche sur une guerre. La tentative de redéfinition des lignes rouges en l’absence de relations diplomatiques — et qui plus est dans une situation de fortes tensions — est très dangereuse. Il ne s’agit pas d’un processus rationnel que les deux parties contrôlent.
10 — Quelles sont les options dont disposent les Iraniens en cas d’attaque pour monter d’un cran dans l’escalade ? Les militaires iraniens disent que l’attaque du 13-14 avril était limitée et qu’elle aurait pu être beaucoup plus importante.
Le défi pour les Israéliens et pour les autres acteurs qui se sont associés à eux est de quantifier le nombre d’intercepteurs de missiles balistiques dont ils disposent et de déterminer à quelle vitesse ils peuvent les recharger pour être prêts à être utilisés à nouveau.
Ils ont certainement utilisé un grand nombre de ces systèmes lors de cette attaque. Or, ces derniers sont très coûteux car ils doivent être en mesure d’aller dans l’espace et atteindre une cible qui se déplace rapidement. Une telle opération est très complexe, et donc très coûteuse. Généralement, lorsqu’une arme coûte cher, on l’achète en quantité limitée. Je pense donc qu’à un moment ou à un autre, la question de la profondeur des réserves de défense antiaérienne israélienne se posera.
Par ailleurs, les attaques que nous avons vues le week-end dernier en disent très peu sur la capacité d’Israël à se défendre contre le Hezbollah, qui se trouve juste à côté d’Israël. Une attaque du Hezbollah ne permettrait pas d’avoir plusieurs heures pour se préparer à l’arrivée de projectiles.
Il y a lieu de se demander si le Hezbollah se suiciderait au nom de l’Iran en entrant dans une guerre totale avec Israël qu’il pourrait autrement éviter. Mais l’organisation représente toujours une énorme menace pour Israël. Je pense qu’à bien des égards, il représente une menace plus importante que la menace iranienne car il peut lancer un très grand nombre de roquettes et de missiles contre le sol israélien beaucoup plus rapidement
Face à cette situation, les Israéliens ont prévenu depuis de très nombreuses années que, dans le cas d’une attaque massive, ils riposteraient très rapidement, très agressivement, en acceptant de prendre le risque de faire des victimes civiles et de détruire des infrastructures au Liban. Une telle guerre sur le sol libanais pourrait faire passer celle de Gaza pour une plaisanterie en termes de dévastation. Les destructions pourraient être colossales. Il s’agit de la possibilité la plus préoccupante.
Enfin, les Iraniens disposent d’autres options que le Hezbollah. Si la guerre dégénère, ils pourraient tenter d’exercer une pression sur le passage du pétrole dans le détroit d’Ormuz, en dirigeant des missiles balistiques vers le sud, vers les Saoudiens, les Émiratis et les Bahreïnis en particulier, contre certaines infrastructures pétrolières essentielles de la région, comme cela avait été le cas il y a plusieurs années. Une telle opération serait la plus lourde de conséquences au niveau international. Ils pourraient également activer des proxies en Irak et en Syrie pour mener certaines de ces frappes, que ce soit les milices irakiennes, qui pourraient également mener des frappes sur l’Arabie saoudite, ou les Houthis.
Enfin, la dernière option serait de poursuivre l’embrasement à l’échelle mondiale. Historiquement, le Hezbollah et l’Iran sont connus pour mener des actions de représailles contre, par exemple, l’ambassade d’Israël en Argentine en 1992 ou contre le centre communautaire juif de Buenos Aires en 1994. Des agents ont été pris en flagrant délit de repérage de toutes sortes de sites israéliens ou juifs dans le monde entier. En représailles des assassinats de scientifiques nucléaires en 2010, les Iraniens avaient pris pour cible, en 2011, des diplomates israéliens en Géorgie et en Inde, et avaient tenté un attentat qui a échoué en Thaïlande. Ils sont donc capables d’agir à l’échelle mondiale, notamment dans les pays moins développés qui ne disposent pas de services de sécurité parmi les plus efficaces. C’est un autre terrain sur lequel la guerre actuelle pourrait s’étendre.