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Si une majorité des pays ont appelé à la désescalade et à la retenue, nous observons deux nuances dans leurs positionnement : un groupe qui exprime son soutien à Israël, condamne l’attaque et appelle à la désescalade ; et un autre qui appelle à la retenue et fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de la stabilité régionale, mais sans condamner l’attaque ni soutenir Israël. 

Fait remarquable : aucun pays n’a explicitement exprimé son soutien à l’Iran. Seulement l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie et la Malaisie ont insisté sur le droit du pays à la « légitime défense » revendiquée par Téhéran via son invocation samedi 13 avril de l’Article 51 de la Charte des Nations unies1.

En Europe, la majorité des pays membres de l’Union ont exprimé leur soutien à Israël à l’exception de l’Irlande — l’un des pays européens les plus favorables à la cause palestinienne — qui a uniquement appelé à la désescalade.

  • La France et le Royaume-Uni2 — et dans une moindre mesure l’Allemagne3 — ont participé directement à la défense du territoire israélien4.
  • Ces positionnements se reflètent également dans la déclaration du G7 dont la présidence italienne a condamné fermement l’attaque, a réitéré son soutien total à la sécurité d’Israël et a appelé à la désescalade suite à une réunion qui s’est tenue dimanche 14 avril5.
  • La Russie de Poutine a appelé à la retenue, alors que l’Ukraine a condamné l’attaque de l’Iran, la qualifiant d’« inacceptable » et d’« irresponsable ».

Au niveau régional, plusieurs responsables américains ont indiqué que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avaient joué un rôle dans la défense du territoire israélien en partageant des informations sur les plans iraniens avec Washington et Jérusalem.

La majorité des pays de la région — à l’exception du Yémen, dont le territoire est en partie contrôlé par les Houthis et le Liban, dont la politique étrangère est contrôlée par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah – ont appelé à la désescalade.

En Amérique latine, le Brésil de Lula a appelé à « un maximum de retenue » et a exhorté la communauté internationale à mobiliser ses efforts pour éviter une escalade de la confrontation. Le pays n’a pour autant pas condamné l’attaque.

  • L’Argentine de Milei a exprimé « sa solidarité et son engagement indéfectible envers l’État d’Israël ». De même pour le Paraguay et l’Équateur.
  • Les déclarations de la Colombie et du Venezuela ont mis en avant la responsabilité des États-Unis et du leadership de Tel-Aviv : Caracas a declaré qu’en « raison du génocide en Palestine et de l’irrationalité du régime israélien, ainsi que de l’inaction du système des Nations unies, la situation d’instabilité dans la région s’est considérablement aggravée au cours des dernières semaines ».
  • Bogota a ajouté que « le soutien des États-Unis, dans la pratique, à un génocide [à Gaza], a enflammé le monde ».

En Asie, les grands pays musulmans — le Pakistan et l’Indonésie — ont appelé à la désescalade.

  • Dans sa déclaration, le Bangladesh s’est concentré sur la guerre à Gaza : « Nous espérons que tous les pays qui sont censés jouer un rôle prendront immédiatement des mesures efficaces pour résoudre la tension entre l’Iran et Israël et mettre fin au massacre aveugle de la population de Gaza ».
  • L’Afghanistan et la Malaisie ont tous les deux insisté sur le droit de l’Iran à la « légitime défense ».
  • La Chine a appelé à la retenue, alors que le Taiwan, le Japon et la Corée du Sud ont condamné l’attaque. 

Parmi les pays ayant ratifié les Accords d’Abraham, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc ont appelé à la désescalade. Le Soudan, au bord de la famine après un an de guerre civile, ne s’est pas encore prononcé. 

Le 7 octobre, 12 pays avaient déclaré leur soutien au Hamas : le Venezuela, la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, la Syrie, l’Irak, le Yémen, l’Iran, le Nicaragua, la Corée du Nord et l’Afghanistan.

  • Cinq pays ont exprimé leur soutien à l’Iran, soulignant le droit du pays à la « légitime défense » : l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie et la Malaisie. Si la Malaisie s’ajoute au groupe, aucun de ces quatre pays ne reconnaît Israël.
  • Le Venezuela, la Tunisie, l’Irak ont insisté plutôt sur le besoin d’arrêter la guerre à Gaza.
  • Le Nicaragua, la Mauritanie, la Corée du Nord et la Libye ne se sont pas encore prononcés. 
  • L’Algérie a appelé au Conseil de sécurité des Nations unies à la retenue, soulignant les causes profondes de l’escalade : « l’occupation israélienne » et le conflit à Gaza. 

La Jordanie, qui avait appelé à la désescalade le 7 octobre, a participé à la défense du territoire israélien. 

Concernant les prises de position des pays qui avaient soutenu Israël le 7 octobre, on remarque que les mêmes expriment leur soutien par rapport à l’attaque iranienne, à quelques exceptions près : l’Inde – ainsi que la Suisse et l’Irlande – appellent cette fois-ci plutôt à la désescalade et une partie importante de l’Afrique ne s’est pas encore prononcée.

Le 15 avril à 20h30 (Paris), les pays ayant appelé à la désescalade ou à la retenue sans apporter de soutien à Israël représentaient 58,8 % de la population mondiale et 35,2 % du PIB. Les pays soutenant Israël et/ou ayant contribué à la défense de son territoire (États-Unis, France, Royaume-Uni, Jordanie) représentent quant à eux plus de la moitié du PIB mondial (52,4 %) mais seulement 16,3 % de la population.

Sources
  1. Ambassadors Letter to UNSC Regarding Iran’s Response to Israeli Regimes Aggressions, Représentation permanente de la République islamique d’Iran auprès des Nations unies, 13 avril 2024.
  2. Selon Rishi Sunak, le Royaume-Uni a abattu « un certain nombre » de drones iraniens.
  3. Un appareil de la Luftwaffe a ravitaillé en vol un avion de chasse français.
  4. Emmanuel Macron a déclaré que l’armée française avait contribué à l’interception de drones iraniens « à la demande de la Jordanie ».
  5. G7 Leaders’ Statement on Iran’s attack against Israel.