Points clefs
- La politique énergétique de l’Union a été fortement chahutée ces trois dernières années par les conséquences de la guerre en Ukraine, la montée des tensions inflationnistes, et la politique monétaire restrictive qui en a résulté.
- Cependant, malgré cet environnement défavorable, le mandat d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, se termine sur un bilan solide, en ayant réussi, malgré ce triple choc à poursuivre la construction d’un cadre législatif commun en faveur d’un modèle qui reste cohérent avec les engagements climatiques, gagne en souveraineté et demeure aussi compétitif que possible.
- Cette situation reste toutefois extrêmement fragile si les progrès inscrits dans les textes et l’ambition européenne ne sont pas assortis d’actes et d’investissements, et achevés par une révision profonde de notre approche communautaire des questions énergétiques dans le sens d’une plus grande intégration des politiques publiques de l’énergie.
Comme le résume la formule de Bruno Latour : « le sol européen change sous nos pieds ». Après l’invasion de l’Ukraine, entre l’écologie de guerre (Pierre Charbonnier) et le déploiement continental du Pacte vert, un nouvel ordre énergétique européen est en train de se dessiner. Pour suivre ses transformations, nous vous invitons à découvrir les travaux de la revue GREEN et à vous abonner au Grand Continent.
La version anglaise de cet article est consultable sur le site du Groupe d’études géopolitiques.
La Commission « géopolitique » présidée par Ursula von der Leyen avait un axe structurant et une matrice : le Pacte Vert. Sa mandature a débuté en décembre 2019 par la présentation de cet ensemble d’initiative et par l’adoption, en 2021, du plan Fit-for-55 (Ajustement à l’objectif 55), affichant une ambition européenne sur le climat très affirmée. Malgré les crises hétérogènes que l’Union a traversées — de la pandémie en 2020 à l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022 —, ce cap, au lieu de se contraindre, a été paradoxalement renforcé par le retour de la guerre sur le sol européen qui a mis en évidence l’étroite corrélation entre la dépendance aux énergies fossiles — plus de 70 % de nos besoins énergétiques —, la souveraineté politique — plus de 60 % de notre énergie est importée — et la compétitivité économique — en matière d’énergie, celle-ci est totalement tributaire de la variation des prix des matières premières sur laquelle nous n’avons pas de prise. En développant le plan d’urgence en réponse à l’attrition nécessaire du recours au gaz russe, « RePowerEU », l’Europe a renforcé encore son effort pour se diriger vers un modèle énergétique bas carbone et plus souverain.
La bascule enclenchée vers un modèle énergétique bas carbone
En combinant l’urgence — garantir la production industrielle et le chauffage des ménages — à la poursuite d’un agenda de long terme, les États-membres ont réussi, jusqu’à maintenant, à gérer la réorientation de leurs modèle énergétique dépendant des importations russes vers plusieurs sources d’approvisionnement, dont le GNL américain. Cela s’est fait au prix d’un renchérissement significatif des prix des marchés de l’électricité et du gaz, qui ont aussi probablement contribué à accélérer la réforme des marchés de l’électricité, et renforcé la pression pour une montée en puissance plus rapide des sources d’énergie renouvelables du continent qui, en maintenant la dynamique actuelle, devraient passer de 500 GW à 900 GW en 2030. Enfin, il est probable que la crise énergétique induite par la guerre russe ait renforcé les arguments français en faveur d’une relance de l’industrie nucléaire et de son traitement à quasi-neutralité avec les sources d’énergie renouvelables, même si l’agenda de son déploiement et son coût total restent des inconnues importantes.
En 2023, l’Europe a aussi continué de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 3 %, portant le bilan depuis 1990 à 32,5 %. La part des importations de gaz russe a baissé de 155 milliards de mètres cubes (bcm) en 2021 à moins de 50 bcm en 2023. Les importations de charbon en provenance de la Russie ont été complètement arrêtées et celles de pétrole réduites de 90 % par rapport à leur niveau d’avant guerre à grande échelle. Plus généralement, les efforts de sobriété énergétique ont permis de réduire la dépendance au gaz naturel de près de 20 %. L’Union a aussi réussi l’exploit de coordonner quelques achats groupés de gaz entre pays afin d’assurer les meilleurs prix, pour près de 30 % des besoins du continent, soit 44,7 bcm en 2023.
Le développement des projets d’énergie renouvelable ne s’est pas arrêté, et ce malgré la hausse des coûts et des taux d’intérêt, qui dégradent les conditions d’attractivité du secteur. En 2022, plus de 40 GW de nouvelles capacité solaires ont été installées (+ 60 % par rapport à 2021), et les capacités d’éolien offshore et onshore ont augmenté de 45 % sur l’année. La part d’électricité renouvelable dans le mix électrique européen a dépassé 39 % et le mois de mai 2022 a vu la production d’énergie renouvelable solaire et éolienne dépasser les productions de source fossile. Aujourd’hui, la part d’énergie renouvelable dans le mix énergétique européen est proche de 22 %, et l’objectif de 42,5 % en 2030 reste d’actualité, même si les prochaines étapes seront beaucoup plus délicates à mettre en œuvre car elles concerneront la décarbonation des secteurs les plus énergétiquement intensifs et les plus significatifs en termes d’investissements : les transports et l’industrie lourde notamment. La déclinaison des objectifs à l’échelle nationale paraît extrêmement ardue pour certains. Les montants nécessaires à l’évolution des infrastructures de transports et de distribution de l’électricité sont considérables, alors qu’elles doivent doubler de taille dans les décennies à venir. Les coûts et les investissements assortis aux changements de process industriels ou encore de motorisations dans le secteur des transports sont également à prendre en compte. L’ensemble des investissements nécessaires à l’échelle européenne dans les infrastructures et les transports, pour basculer vers un modèle bas carbone, est estimé en moyenne à 335 milliards d’euros par an durant la période 2021-2035, ce qui équivaut à 2,3 % par an du PIB de l’Union.
Des réglementations structurantes pour les nouveaux vecteurs énergétiques
Dans ce contexte, la montée en puissance de l’hydrogène comme vecteur complémentaire à l’électron pour décarboner les secteurs qui ne peuvent l’être à base d’électricité, mais sous forme de gaz — gaz de synthèse et e-fuels —, est l’une des grandes ambitions renouvelées par l’Europe dans le cadre du plan « REPowerUE ».
Avec cette stratégie, l’Europe prévoit de produire 10 MT d’hydrogène vert — et d’en importer 10 MT — pour décarboner les usages existants (8,5 MT) et les procédés industriels et de transports qui ne peuvent être décarbonés avec les seuls électrons. Même si, à ce jour, le rythme de déploiement de l’infrastructure ne permettra pas d’atteindre cette ambition avant 2035 au mieux, ce plan a permis la mise en œuvre de nombreux outils de soutien à la filière, notamment pour les équipementiers — 35 projets soutenus pour plusieurs milliards d’euros — et pour les premiers projets de fabrication d’hydrogène vert.
L’Union a également avancé sur un paquet réglementaire considérable pour préparer le continent à la mutation de son système énergétique et productif, au prix de négociations longues et très complexes, qui ont abouti à différents textes sur le développement de l’usage d’énergies renouvelable dans les grands secteurs des transports, de l’industrie et de l’énergie (directives RED 2 et 3), à une élimination progressive des quotas gratuits dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) assortie d’une protection à l’import contre des productions importées carbonées, à travers le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), ainsi qu’à la réforme du marché de l’électricité pour accompagner le financement des grands projets d’infrastructure et de production dans le renouvelable et le nucléaire par des mécanismes hors marché, et enfin à l’ensemble des directives accompagnant la décarbonation des grands secteurs des transports (RefuelEU Aviation, FuelEU Maritime, et les directives sur les normes d’émissions de véhicules, du véhicule individuel aux poids lourds).
L’ensemble de ces directives, d’une très grande complexité, et adoptées au prix de lourdes négociations en trilogue, montre les limites actuelles du modèle européen et du volontarisme communautaire face aux logiques de souveraineté nationale, aux choix de politiques industrielles différents entre la France, les pays nordiques et ceux de l’Europe Centrale qui suivent l’impulsion allemande, et à la montée des mécontentements des citoyens européens devant la hausse des prix et la multiplication des conflits d’usage des sols nécessaires au déploiement massif d’énergie renouvelable — qui contribue en partie aussi à alimenter la colère agricole en cours.
Enfin, le coût financier des programmes d’ajustement et de protection de la population contre la hausse brutale des prix de l’énergie — estimé en Europe à plus de 650 milliards d’euros — la crise d’offre liée à la reprise des consommations en Chine concomitante à la sortie de la période Covid, qui a généré des tensions inflationnistes fortes, ont accru la pression sur les coûts.
Pour accélérer la dynamique de bascule, la Commission place les européens devant une situation existentielle, dont la résolution sera probablement fondatrice ou non de son futur et qui se manifeste aujourd’hui aussi sous les angles agricole, militaire et digital.
Insuffisamment intégré pour être puissant, trop imbriqué pour être efficace
D’un point de vue énergétique, l’Europe est particulièrement fragile en ce qu’elle ne dispose pas — et ne disposera jamais — d’une capacité d’indépendance énergétique totale, et devra donc approvisionner encore demain une partie toujours significative de ses besoins pour rester compétitive sans pour autant renoncer à ses ambitions climatiques. Sa souveraineté ne sortira renforcée que si elle parvient à agréger la somme de ses faiblesses nationales en une force d’approvisionnement communautaire.
En 2021, l’Union a produit environ 44 % de ses besoins énergétiques et importé 56 %. En terme de volume, à l’échelle mondiale, l’Union Européenne est la troisième plus grande consommatrice, derrière la Chine et les États-Unis et de loin la première région importatrice de sources extra européennes pour le gaz naturel, le GNL et le pétrole. En matière de nouvelles énergies, d’après le rapport du Conseil mondial de l’hydrogène, l’Europe sera en 2050 la zone géographique, avec la Corée et le Japon important le plus d’hydrogène et de dérivés, comme l’ammoniaque avec au moins près de 20 MT provenant hors du continent.
Seule puissance industrielle de dimension continentale ne pouvant pas se passer de l’énergie des autres, l’Europe doit assumer le fait d’être le principal artisan et donneur d’ordre du marché mondial de l’énergie, notamment décarboné. Elle doit fédérer les forces et les besoins des marchés européens permettant,en sus de dicter quelques règles, de mieux piloter les conditions d’accès à ceux-ci.
Trois défis principaux
Supporter le coût de la transition énergétique
Les enjeux financiers de la transition sont trop importants pour être pris en charge par les budgets nationaux sans grever significativement les ressources budgétaires existantes. Celles-ci sont déjà soumises à de fortes tensions sociales dans un climat de défiance qui n’acceptera pas une baisse ou une réduction des transferts sociaux, et encore moins une hausse des prix de l’énergie sous prétexte d’une transition dont nul ne verrait immédiatement les bénéfices.
La transformation de nos modèles énergétiques requiert des ressources financières de plusieurs centaines de milliards dans la décennie. Elle marque la bascule d’un modèle où le prix de l’énergie était au premier ordre un dérivé du prix de matières premières fossiles — et du coût du marché des quotas carbone — vers un modèle où elle est au premier ordre un dérivé du coût du capital et du coût du foncier : l’économie du renouvelable — tout comme le nucléaire — et le développement des sources de gaz et combustibles liquides « non carbonés » (e-fuels, hydrogène, ammoniaque, méthanol etc.) sont toutes des économies d’infrastructures, intensives en capitaux, de nature patrimoniale sur le long terme, dont le coût de financement est essentiellement dépendant du coût de la dette et du coût du capital. La hausse des taux d’intérêt a l’effet structurellement inverse sur les prix de l’énergie en période de forte demande de capitaux pour déployer une infrastructure énergétique de substitution à l’infrastructure fossile existante.
Il est essentiel de développer une politique de taux différenciée pour les actifs climatiques, mettant ainsi en pratique les objectifs initiaux du développement européen d‘une taxonomie des actifs bas carbone, pour flécher les investissements en priorité vers ces actifs durables.
Enfin, sur le plan des infrastructures, il est difficilement envisageable de piloter un plan de transformation et de déploiement sans développer une politique de financement dédiée, centralisée et pilotée au niveau européen. Il s’agit de déployer des infrastructures destinées à accueillir une part croissante d’électricité, d’installer des centaines de milliers de bornes de recharge et des milliers de stations hydrogène et de GNL, conformément aux dispositions adoptées par l’Union dans le règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR). Il faut également mettre en œuvre des réseaux de distribution d’hydrogène paneuropéens et des terminaux d’imports permettant la distribution des énergies vertes du futur que seront l’ammoniaque et les autres vecteurs propres importés en partie, en substitution progressive du gaz, du GNL du pétrole et du charbon, ou encore des réseaux de CO2 pour mettre en œuvre à l’échelle au plus vite les potentialités des solutions de CCS (Capture et Stockage du carbone).
Nous avons pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, la possibilité de construire des réseaux énergétiques conçus à l’échelle continentale qui peuvent offrir à nos économies un accès aux différentes sources d’approvisionnement, du Sud au Nord, de l’Est à l’Ouest. Cette occasion ne se reproduira plus, et constitue peut-être le moyen de doter l’Union de la vraie puissance de sa profondeur.
Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir une politique budgétaire centralisée au niveau européen pour l’ensemble des infrastructures paneuropéennes et les stratégies de terminaux desservant l’ensemble du continent.
Il faut également repenser la gouvernance de notre politique énergétique, pour qu’elle dépasse les logiques nationales qui peinent à mutualiser les avantages et à compenser les fragilités des différents territoires. Doter l’Europe d’une capacité de planification énergétique continentale intégrée, sans préjuger de l’usage des principes de subsidiarité, et l’abonder par un budget européen dédié à des plans de déploiement d’infrastructure de réseaux et de distribution collectifs, constituerait un outil majeur de consolidation de la place de l’Europe dans le nouvel ordre énergétique mondial.
Reconquérir une influence géopolitique significative
L’enjeu est aussi géopolitique. L’Europe doit actuellement sourcer une grande partie de ses approvisionnements actuels en énergie fossile, mais ne disposera pas des espaces et des ressources, ni de l’agilité nécessaire pour accélérer facilement sa capacité de production de renouvelables dans les temps requis. Elle devra aller chercher aussi une partie de ses besoins d’énergies propres autour d’elle. À moins de laisser chaque État membre développer une géopolitique de l’énergie en ordre dispersé, au risque de laisser les puissances exportatrices jouer les unes contre les autres, l’Union a la capacité de structurer le marché mondial des énergies vertes, qui circuleront par pipeline sous forme d’hydrogène ou d’électron, ou par bateaux sous forme d’ammoniaque ou de méthanol fabriqués dans les zones les plus compétitives en sources d’énergie renouvelable. Plutôt que de développer des modèles d’approvisionnement isolés et compétitifs les uns des autres, une approche véritablement européenne nous rendra collectivement plus résilients.
La France y trouverait sa part, valorisant de manière plus nette son programme nucléaire, non plus pour son seul service mais pour le bénéfice structurel des autres États partenaires à son pourtour. Elle utiliserait sa position de transit comme une opportunité de réindustrialiser une partie de ses territoires les plus proches de zones d’approvisionnement énergétiques pertinentes — Fos, la vallée du Rhône depuis l’Afrique du Nord et l’Espagne, et les grands ports atlantiques qui sont bien positionnés pour accueillir les nouvelles énergies de demain. L’Allemagne y trouverait conforté son modèle industriel rhénan sous réserve que les modèles alternatifs d’énergie à base d’hydrogène puissent rapidement être mis en œuvre par l’accès aux sources compétitives d’électrons verts du Nord, ou du Sud, par pipeline. Le modèle intégré, agrégeant les besoins de tous les États membres, lui permettra de mieux encadrer les règles de définition des sources bas carbone éligibles. Un tel modèle permettra aussi de grouper les besoins pour une meilleure capacité à garantir les positions d’achat des premiers volumes significatifs de ces nouvelles énergies vertes, avant que le marché ne fonctionne seul — ainsi qu’un renforcement significatif de son poids géopolitique de principale puissance d’importation d’énergies propres, face au Japon ou à la Corée du Sud, ou encore Singapour qui sont dans les mêmes difficultés d’accès.
Déployer de nouveaux outils : vers une véritable Europe de l’énergie
Les développements encore embryonnaires de la banque de l’hydrogène, qui constitue la base d’un financement pluriannuel du delta de coûts des énergies bas carbone comparé aux énergies fossiles — pour des montants relativement faibles — pourrait devenir l’un des outils structurant de la politique énergétique européenne. Pour cela, il faut que ses moyens, son périmètre et son déploiement, aux côtés ou en complément des outils nationaux, soient rapidement révisés pour atteindre des montants cohérents avec les enjeux, avec, si nécessaire, la mise en place d’outils de financement européens dédiés sous pilotage de la banque centrale européenne.
Dans la dynamique des initiatives conjointes développées pour faire face à la guerre en Ukraine en termes d’approvisionnement en gaz naturel, il est souhaitable de développer des approches diplomatiques plus systématiquement coordonnées au niveau européen sur ces nouvelles énergies. Ces évolutions, qui peuvent parfois être vécues comme des abandons de souveraineté à court terme, seraient au contraire des outils de renforcement de nos forces sur la scène internationale, aux effets plus protecteurs pour les citoyens européens. Plus nous irons vite dans le déploiement des projets de développement de ces énergies propres, plus les impacts sur les investissements et les emplois seront rapidement tangibles.
L’Europe constitue la principale puissance d’importation d’énergie à l’échelle globale et le demeurera durablement, même dans un monde post-carbone. La fragilité consubstantielle de l’Europe, liée à son histoire, ne changera pas avec un basculement vers un modèle énergétique durable, mais elle lui offre la possibilité de diversifier ses sources et ses vecteurs d’approvisionnements. Cette bascule constitue une opportunité pour renforcer son poids géopolitique dans le pourtour méditerranéen, pour relancer sa position vis-à-vis des pays du Moyen-Orient, tributaires de sa demande pour une bonne part de leurs exportations. L’Union pourrait ainsi continuer à réduire sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes et à compléter le socle d’importation du gaz de schiste américain qui a ses propres problèmes environnementaux à l’extraction.
L’Europe est à la croisée des chemins pour sa politique énergétique, qui détermine en partie aussi sa politique industrielle. Si on laisse chaque État développer un souverainisme peu efficace à nous protéger, l’Union se perdra et eux avec. Le déploiement massif d’une économie bas carbone va certes contribuer à réduire une partie de notre dépendance énergétique extérieure et à remodeler notre stratégie d’importation, mais c’est la profondeur de l’espace européen qui lui donnera sa puissance.
Si l’Europe parvient à harmoniser son approche en matière d’infrastructure, son financement et sa stratégie d’approvisionnements qui constituent le cœur de ses dépendances géopolitiques, alors elle peut jouer son rôle intelligemment dans le monde qui vient, et construire le socle de politiques énergétique et industrielle puissantes, attractives et protectrice pour ses citoyens. L’énergie peut ainsi redevenir le foyer d’un nouveau souffle européen, comme la CECA amorça, en son temps, l’histoire de la construction européenne.