Le 17 mars, Ursula von der Leyen et cinq chefs d’État et de gouvernement européens — Giorgia Meloni, Kyriakos Mitsotakis, Alexander de Croo, Kar Nehammer et Níkos Christodoulídis — se sont rendus au Caire où ils ont signé un accord de « partenariat stratégique global » 1 avec le président égyptien Al-Sissi.

  • 7,4 milliards d’euros seront versés à l’Égypte au titre de l’accord, dont 5 milliards d’euros d’assistance macrofinancière, 1,8 milliards d’euros d’investissements et 600 millions d’euros de subventions. 
  • 200 millions d’euros de subventions seront dédiés au contrôle des migrations. 
  • Le gouvernement égyptien s’est félicité de cet accord dans un contexte de grave crise économique et de crise de la dette. D’après les autorités, l’Égypte devra débourser 32,79 milliards de dollars pour le service de sa dette en 20242
  • Le gouvernement a conclu début mars un accord de prêt avec le FMI, portant le montant total de l’aide du Fonds à 8 milliards de dollars.

L’accord a été élaboré sur fond de réorientation du Pacte européen sur l’asile et les migrations, dont la délégation de la gestion des migrations à des « pays tiers » est un pilier majeur.

  • Il s’agit du deuxième du genre après un accord avec la Tunisie en juillet 2023 prévoyant le versement de 105 millions d’euros aux autorités tunisiennes pour la lutte contre les migrations vers l’Europe depuis ses côtes. 
  • Ces accords sont les héritiers de l’accord emblématique signé avec la Turquie il y a huit ans jour pour jour, le 18 mars 20163, qui conditionnait la gestion des migrations par les autorités turques au versement de 6 milliards d’euros de la part de l’Union à destination des réfugiés présents en Turquie — en majorité Syriens. 
  • L’Union a par ailleurs versé 700 millions d’euros à la Libye entre 2014 et 2020, dont 59 millions pour la gestion des frontières, auxquels se sont ajoutés 84,85 millions d’euros entre 2021 et 2023.
  • Un accord de partenariat global sur le modèle des accords tunisien et égyptien serait en discussion avec le Maroc. 

Ces accords sont controversés et font l’objet de critiques à l’intérieur de l’Union de la part de plusieurs ONG et qui dénoncent le mauvais traitement des migrants dans les pays tiers.

  • Les Nations Unies ont notamment alerté dans un rapport de 2023 sur des présomptions de crimes contre l’humanité vis-à-vis de migrants passant par la Libye. 
  • Le rapport notait que « le caractère continu, systématique et généralisé des crimes documentés par la mission suggère fortement que le personnel et les fonctionnaires de la Direction de la lutte contre les migrations illégales, à tous les niveaux, sont impliqués »4

Le risque d’instrumentalisation des migrations et de pressions de la part de ces pays tiers est également pointé du doigt dans ces accords signés pour la plupart avec des dirigeants autoritaires — au regard par exemple du bras de fer initié par la Turquie d’Erdoğan en 2020.

Giorgia Meloni est au cœur de ces initiatives diplomatiques, en parallèle du déploiement de son « Plan Mattei » pour l’Afrique, présenté comme un moyen de développer « une alternative à la migration de masse ». Meloni s’est entretenue avec le président turc Erdoğan le 20 janvier au sujet de la gestion bilatérale des flux migratoires. L’Italie et la Turquie chercherait à conclure un accord avec la Libye d’ici l’été 20245.

Sources
  1. European Commission, Joint Declaration on the Strategic and Comprehensive Partnership between The Arab Republic Of Egypt and the European Union, 17 mars 2024.
  2. Egypt State Information Service, « Finance Minister : Moody’s Downward Revision for Egypt Ignores Gov’t Efforts », 19 janvier 2024.
  3. Déclaration conjointe Union-Turquie, 18 mars 2016.
  4. Human rights Council, « Report of the Independent Fact-Finding Mission on Libya », 27 février–31 mars 2023.
  5. Bloomberg, « Meloni Seeks to Boost Ties with Turkey in First Trip as G-7 Head », 21 janvier 2024.