Bien que certaines nominations aient été retardées et que l’annulation de la conférence de presse du premier ministre ait été inattendue, les prévisions de l’étude que nous avons publiée le 5 mars à l’ouverture des Deux Sessions se confirment.
Les décisions politiques et la logique institutionnelle correspondent aux prévisions de Neil Thomas et Jing Qian que nous vous invitons à relire pour une analyse du contexte général. Si vous pensez que ce travail d’analyse mérite d’être soutenu, nous vous invitons à vous abonner au Grand Continent
1 — L’action de Xi Jinping, entre signaux faibles et coups de forces (Neil Thomas)
Les Deux Sessions de cette année ont laissé entrevoir peu d’éléments concernant les stratégies du Parti visant à revitaliser l’économie chinoise qui traverse une phase complexe 1, mais ont permis de prendre la mesure de l’étendue du coup de force du Parti communiste chinois (PCC) et de son secrétaire général, Xi Jinping.
Xi a fait trois apparitions particulièrement intéressantes qui n’ont pourtant pas été largement médiatisées en Chine. Il a exposé sa vision des « nouvelles forces productives de qualité » afin de guider le développement de la Chine dans une nouvelle phase. Il a rendu visite à la délégation de l’Assemblée Nationale Populaire de la province de Jiangsu le 5 mars ; aux membres de la Conférence consultative politique du peuple chinois représentant le Comité Révolutionnaire du Kuomintang Chinois (RCCK), au secteur de l’environnement et des ressources et le secteur de la science et de la technologie le 6 mars ; et à la délégation de l’Armée Populaire de Libération (APL) et de la Police Armée du Peuple (PAP) le 7 mars. Les détails de ses visites sont absents des publications officielles, mais ont été inscrits dans plusieurs « notes secondaires ».
Xi a présenté son nouvel agenda économique avec un axe structurant : l’amélioration de la productivité par le recours aux innovations technologiques et par le renforcement de l’autonomie chinoise avec des nouveaux investissements dans le secteur industriel. Le président chinois a déclaré que son pays devait « saisir l’occasion d’accroître les efforts pour l’innovation » et a articulé les principes d’une politique industrielle en trois volets qui se concentre sur « la modernisation des industries traditionnelles, l’expansion des industries émergentes et le développement des industries de demain ». Pékin soutiendra les entreprises pour qu’elles deviennent « plus haut de gamme, plus intelligentes et plus vertes » et consacrera davantage de ressources aux innovations disruptives au lieu de se contenter d’essayer de combler le retard par rapport à l’Occident. Xi a toutefois mis en garde contre « les effets de ruée et les bulles », qui se développent lorsque le Parti indique des secteurs privilégiés, en sollicitant une plus grande attention centrale pour éviter le gaspillage, superviser les finances locales et donner la priorité à la qualité plutôt qu’à la quantité dans la croissance économique de la Chine.
On peut s’attendre à ce que le plan de Pékin visant à stimuler la production sans stimuler la consommation créera des surcapacités, inondera les marchés mondiaux, écrasera les concurrents étrangers et risquera de provoquer des guerres commerciales avec les pays occidentaux. Ce qui n’a pas paru préoccuper Xi Jinping qui s’est bien au contraire montré enthousiaste à l’égard d’un effort de production nationale : « Après la fondation de la Nouvelle Chine, nous étions sans ressources, nous devions repartir de zéro. Nous avons importé, digéré, absorbé, puis développé. Nous avons lutté avec acharnement pour l’autosuffisance et nous avons constitué une base de production indépendante et autonome. Le simple fait d’y penser suscite une fierté incomparable. Nos efforts — pour construire des automobiles, des véhicules à énergie nouvelle, des trains à grande vitesse, des métros, des navires et des avions — avancent, pas à pas, avec une production nationale constante, et nous permettront d’aller de l’avant au niveau international et de faire constamment des percées ». Xi a ainsi défini un plan stratégique visant à utiliser les technologies étrangères pour créer des industries locales qui deviendront dominantes au niveau international.
De nombreux autres signaux faibles sont ressortis des visites de Xi au cours des Deux Sessions. Il a annoncé des améliorations de la protection sociale tout en déclarant que le Parti devait « motiver les masses à compter sur le travail de leurs propres mains pour construire les conditions d’une vie heureuse », en laissant entendre qu’une stimulation directe de la consommation demeurait peu probable en 2024. Par ailleurs, le slogan autrefois dominant de la « prospérité commune » semble désormais se cantonner aux politiques de redynamisation des campagnes, Xi ayant vanté les avantages des entreprises villageoises qui redistribuent les bénéfices aux membres des collectivités locales. Enfin, il a paru sur la défensive face à la lenteur des progrès de la Chine en matière d’environnement, déclarant « ne pas se contenter de critiquer et de pointer du doigt, mais d’agir réellement, car chaque petite solution compte », et en plaisantant sur le fait que le niveau de pollution des tempêtes de sable à Pékin lorsqu’il était jeune « n’était pas de PM2,5 mais de PM250 ».
Du point de vue plus strictement géopolitique, Xi a déclaré au Comité révolutionnaire du Kuomintang, l’un des huit partis politiques de la République populaire de Chine sous la direction du Parti communiste chinois, de promouvoir « l’unification pacifique » avec Taïwan par les échanges, la coopération et le développement — un langage relativement modéré qui laisse entendre que Xi pourrait ne pas vouloir aggraver les tensions entre les deux rives du détroit cette année, à moins qu’il ne se considère provoqué.
Soulignant les missions en zone grise de la marine chinoise, qui a été épargnée par les récents scandales de corruption au sein des forces armées, Xi a mis l’intégration de « la préparation aux combats militaires maritimes, de la sauvegarde des droits maritimes et du développement de l’économie maritime » au coeur de ses remarques concernant l’APL. Il a également plaidé en faveur d’une fusion militaire-civile approfondie par la « stimulation réciproque de nouvelles forces productives et de nouvelles forces de combat ».
L’attention se porte maintenant sur le troisième Plénum. Conformément à la charte du PCC, cette réunion du comité central du parti, qui a toujours approuvé les réformes économiques, devrait se tenir d’ici la fin de l’année. Ses décisions politiques seront plus importantes que celles annoncées lors des Deux Sessions.
Répétant une phrase prononcée lors de la Conférence sur le travail économique central et faisant écho au langage de son programme relativement libéral du troisième Plénum de 2013, le président chinois a déclaré à la délégation du Jiangsu que Pékin devait « planifier des initiatives majeures pour approfondir les réformes de manière globale ». Ce rapprochement explicite soulève la possibilité que le plénum de cette année dévoile des réformes économiques significatives. Toutefois, si tel est le cas, tout porte à croire qu’il s’agira d’une « réforme avec les caractéristiques de Xi Jinping », puisqu’il a déclaré lors des Deux Sessions que des réformes étaient nécessaires pour continuer à promouvoir sa stratégie économique actuelle de « développement de haute qualité ».
2 — Les élites du PCC face à l’extension de l’hégémonie de Xi (Christopher K. Johnson)
Au plus haut niveau de la politique du PCC, les réunions des deux sessions n’ont fait que souligner ce que nous savions déjà : Xi Jinping est le dirigeant incontesté de la Chine et qu’il ne peut pas y avoir l’ombre d’un doute sur cet état de fait. Pourtant, selon la conception léniniste du pouvoir qu’adopte Xi, son emprise doit être soit en déclin, soit en expansion. Dès lors, des moments stratégiques dans la vie politique chinoise comme les Deux sessions offrent une scène où sa suprématie doit ressortir renforcée en termes de pouvoir réel, de personnel et de stratégie politique.
Cette perspective léniniste permet de replacer dans leur contexte les moments les plus marquants des Deux sessions de cette année : l’annulation abrupte de la traditionnelle conférence de presse du Premier ministre et les modifications apportées à la Loi organique du Conseil d’État. Ces deux épisodes présentent une rupture fondamentale en matière de transparence et de gouvernance, mais s’inscrivent dans la continuité du mandat de Li Qiang qui, dès son entrée en fonction l’année dernière, avait laissé entendre qu’il resterait fermement dans l’ombre de Xi et avait déclaré que son cabinet était « un organe politique » et devait « parler politique », résumant ainsi de façon élégante la subordination formelle du Conseil d’État au PCC prévue par les modifications de la Loi organique. L’insistance de Xi sur la centralité du Parti — et sur le fait que lui et le Parti sont indissociables — ne laisse plus de place à l’appel de Deng Xiaoping à « séparer les fonctions du Parti et du gouvernement ». La soudure de l’État du Parti est toujours plus explicite.
Sur le plan des nominations, Xi a également « surpris » en se montrant, sans surprise, peu actif. Des rumeurs ont circulé avant le conclave indiquant qu’il aurait pu choisir un nouveau ministre des Affaires étrangères ou confier les fonctions traditionnellement attachées à ce ministère au nouveau ministre de la Défense Dong Jun. Ces suppositions reposaient toutefois sur des hypothèses concernant le retour à la normale de ces deux ministères, après les licenciements inattendus de leurs chefs l’année dernière. La position souveraine de Xi lui permet de décider de ce qui est exceptionnel ou normal. L’absence d’un compte rendu formel des transgressions commises par les ministres destitués, ainsi que la persistance d’un flot d’officiers supérieurs évincés dans l’armée, suggèrent que Xi considère que la situation est loin d’être rentrée dans la normalité. On peut faire l’hypothèse que Xi pourrait vouloir infliger une forme de punition provisoire au ministère des Affaires étrangères par le biais d’une inertie ou d’une rétrogradation de titres avec le levier inhérent au droit de rétablir magnanimement leur statut au moment où il choisira son nouveau ministre.
Il est également possible que Xi soit profondément satisfait de la situation actuelle du ministère des Affaires étrangères. Il exhorte fréquemment les fonctionnaires à travailler dur, à servir le peuple et à ne pas chercher à obtenir une promotion. Xi a maintenu à son poste le haut diplomate Wang Yi au-delà de la limite d’âge habituelle des membres du Politburo pour une raison bien précise — très probablement son obséquiosité. Son raisonnement pourrait être le suivant : il n’avait pas prévu que Qin Gang implose comme ministre des Affaires étrangères, mais si cela signifie que Wang porte deux rôles différents pendant un certain temps pour couvrir un épisode regrettable, alors qu’il en soit ainsi 2. Une dynamique comparable peut s’appliquer à Liu Jianchao, le chef de l’organe du PCC chargé de la liaison avec les étrangers. La tournée éclair de Liu aux États-Unis en janvier a été présentée comme sa fête de départ en tant que ministre des Affaires étrangères, mais il se peut qu’il n’ait fait qu’exécuter fidèlement la directive de Xi visant à accroître l’influence du Parti dans toutes les sphères importantes de l’État. Quelle que soit la suite des événements, le point reste le même : Xi fait ce qu’il veut, quand il veut, sans tenir compte des usages ou des protocoles.
3 — Eléments sur la politique économique et financière (Guonan Ma)
Le Rapport du gouvernement de de cette année a présenté une série d’objectifs économiques pour 2024 3. L’indicateur le plus important est l’objectif de croissance du PIB « d’environ 5 % », inchangé par rapport à l’année dernière.
Le Rapport du gouvernement a également annoncé un nouvel objectif visant à réduire l’intensité énergétique de 2,5 % cette année.
Au-delà de ces deux annonces qui ont été largement commentées, on peut retenir quatre points clefs.
- Bien que l’objectif de croissance du PIB pour 2024 soit le même que l’année dernière, il paraît ambitieux pour deux raisons. Premièrement, il sera plus difficile à atteindre en raison d’une base de comparaison plus élevée. Deuxièmement, la dynamique du marché cette année pourrait être moins favorable, l’euphorie initiale de l’ouverture du marché s’étant peut-être dissipée. L’objectif de PIB reste donc le même, mais il sera plus difficile à atteindre cette fois-ci.
- En outre, Pékin semble avoir évité de prendre des mesures de relance de type « bazooka » cette année. Cela est logique pour deux raisons. D’abord, Pékin doit exploiter prudemment sa marge de manœuvre politique limitée. Mais si l’économie chinoise a relativement bien résisté ces derniers mois, elle reste toujours suspendue dans un étrange équilibre entre un objectif de croissance ambitieux et des mesures de relance décevantes.
- Pékin émettra cette année encore 1 000 milliards de yuans d’obligations spéciales du gouvernement central. Ce qui est nouveau, c’est que ces obligations auront des durées « ultra-longues » de 30 à 50 ans et qu’elles seront émises à intervalles réguliers dans les années à venir. En apparence, l’objectif est de maximiser le bilan du gouvernement central afin d’aider les gouvernements locaux à court d’argent à se désendetter. Il s’agit d’une mesure concrète visant à résoudre les problèmes d’endettement des collectivités locales, plutôt que de se contenter d’un simple coup de pied dans la fourmilière.
- Enfin, le Rapport du gouvernement a souligné certaines campagnes de reprise pour le remplacement de biens de consommation durables usagés et la mise à niveau d’équipements usagés. Ce programme de type « prime à la casse » au sens large pourrait augmenter la croissance du PIB de 0,8 % en 2024 et stimuler de manière plus équilibrée la consommation et l’investissement. Toutefois, les effets de stimulation pourraient être transitoires, car ces programmes ont pour effet d’anticiper la demande normale de remplacement des biens de consommation durables et de l’équipement des entreprises.
4 — Les « nouvelles forces productives » et la stratégie technologique chinoise pour la suprématie globale (Lizzi C. Lee)
Lors des réunions des Deux Sessions, Xi Jinping a approfondi sa priorité principale en matière de politique technologique. Dans ses dialogues avec la délégation du Jiangsu il a souligné l’impératif d’encourager les « nouvelles forces productives ». Il a vivement encouragé les gouvernements locaux à adapter leurs stratégies de développement économique à leurs spécificités et à promouvoir la transformation des industries traditionnelles par des technologies innovantes afin de favoriser la croissance économique.
La nouvelle initiative politique en matière de développement technologique, résumée par l’expression « nouvelles forces productives », envisage un plan audacieux destiné à stimuler les progrès scientifiques nationaux. Le gouvernement a alloué 370,8 milliards de yuans à la recherche dans le domaine des technologies au cours de la prochaine année fiscale. Cet effort témoigne d’une mobilisation nationale des ressources en faveur des secteurs qui devraient être ceux de l’économie du futur : les véhicules électriques, l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables, les infrastructures de pointe, les semi-conducteurs et l’informatique quantique, etc. Elle incarne la vision ambitieuse de la Chine qui souhaite se hisser au premier rang de l’innovation mondiale et des avancées technologiques.
Au cœur de cette stratégie se trouve un double objectif : accélérer la relance économique de la Chine en encourageant de nouveaux moteurs de croissance et, à long terme, s’assurer un avantage stratégique international en contournant les obstacles étrangers, notamment les sanctions et les contrôles à l’exportation de technologies avancées. Cette approche est conçue pour dépasser les limites des stimuli économiques traditionnels grâce à des réformes de l’offre tournées vers l’avenir.
Car l’initiative des « nouvelles forces productives », défendue par le président chinois, est plus qu’un simple stimulus économique — elle sert également de discours idéologique. En s’opposant fermement à la soi-disant culture de la dépendance aux aides sociales associée aux politiques de relance occidentales, Xi promeut la vertu de la résilience et de l’endurance collective face aux difficultés économiques. Cette initiative est considérée comme une contribution essentielle à la théorie économique marxiste-léniniste, destinée à avoir un effet durable sur les aspects théoriques et pratiques du socialisme, conformément à l’objectif principal déclaré du PCC, qui est de favoriser la prospérité économique de la population.
Cependant, cette perspective, tout en valorisant l’autonomie chinoise, pourrait occulter les besoins immédiats et les vulnérabilités de la population, impliquant une rigidité idéologique qui pourrait ne pas être en mesure de prendre pleinement en compte les dynamiques complexes des besoins pour une relance économique.
Malgré l’investissement notable dans les secteurs de pointe et les réalisations significatives de l’initiative, on observe un décalage dans la prise en compte des enjeux globaux du marché du travail qui s’appuie principalement sur le secteur des services. Par ailleurs, l’accent mis sur l’élévation technologique ne tient pas compte du besoin urgent de réformes structurelles pour débloquer la consommation intérieure. Les contraintes du marché immobilier et l’insuffisance des services sociaux, tels que les soins de santé et les pensions, incitent les ménages chinois à privilégier l’épargne plutôt que la consommation. En l’absence d’un cadre solide pour revigorer la demande intérieure, la Chine risque d’intensifier involontairement les déséquilibres commerciaux mondiaux, en produisant plus que ce que son marché intérieur peut absorber.
Cette situation a des implications pour l’équilibre économique de la Chine, mais elle pourrait aussi susciter des réactions protectionnistes au niveau mondial, les partenaires commerciaux craignant que les exportations chinoises ne sapent leurs industries et leurs emplois. Le changement du sentiment mondial à l’égard de la Chine, qui est passé d’une adhésion initiale à une méfiance croissante, met en évidence l’évolution du contexte géopolitique. La perspective de droits de douane et d’autres barrières commerciales est le signe d’une montée des inquiétudes concernant le modèle économique chinois, axé sur les exportations et piloté par l’État.
En somme, l’initiative des « nouvelles forces productives » symbolise l’aspiration de la Chine à devenir le leader mondial de l’innovation technologique. Toutefois, la priorité donnée aux principes idéologiques sur les approches pratiques des défis économiques et sociétaux soulève des inquiétudes quant à la capacité de l’initiative à résoudre les problèmes complexes du développement économique contemporain et de l’intégration mondiale de la Chine. Pour la Chine, la recherche d’un équilibre entre des progrès technologiques ambitieux, des réformes structurelles approfondies et une compréhension détaillée des spécificités de l’économie nationale et internationale est cruciale pour la recherche d’une croissance durable et du progrès technologique.
5 — Entre pause et industrie verte : à la recherche d’un nouvel équilibre pour la politique climatique et environnementale chinoise (Li Shuo)
Une tendance se dégage : compte tenu des défis économiques de la Chine, les questions environnementales et climatiques semblent désormais reléguées au second plan. Bien que le Rapport du gouvernement de cette année fasse référence aux questions environnementales et climatiques — ce qui n’était pas le cas les années précédentes — le manque de repères chiffrés concernant les objectifs pour l’année à venir et les résultats de l’année écoulée est patent.
Cette contradiction souligne la difficulté pour le PCC à tenir les promesses faites par le passé en la matière et les incertitudes qui planent sur les actions futures. L’absence d’objectifs quantifiables en matière de pollution atmosphérique et de couverture forestière dans le Rapport du gouvernement, par exemple, pourrait représenter un frein objectif aux progrès de l’action climatique. Le seul objectif environnemental notable et quantifiable figurant dans le Rapport concernant le climat est celui d’une réduction de l’intensité énergétique de 2,5 %. Cela implique en clair que la Chine n’est pas en mesure d’atteindre la réduction prévue dans le 14e plan quinquennal (2021-2025) de 13,5 %.
D’un point de vue plus positif, le Rapport a renforcé l’accent récemment mis par les autorités sur les « trois nouvelles industries chinoises mondialement compétitives » (xin san yang) :
- les technologies solaires photovoltaïques
- les batteries au lithium
- les véhicules électriques.
Ces trois secteurs ont apporté une contribution significative à une économie en perte de vitesse, aggravée par l’instabilité persistante du secteur de l’immobilier.
Un nouveau discours a ainsi émergé depuis le début de l’année 2023, qui souligne l’alignement de plus en plus positif entre les intérêts économiques et environnementaux de la Chine. Comme l’a confirmé le Rapport, ce discours recueille l’adhésion des élites politiques chinoises, une dynamique qui pourrait favoriser les actions climatiques du pays en dépit de ses difficultés économiques.
Dans l’ensemble, le Rapport présenté par Li Qiang représente d’une manière exacte l’équilibre instable de la dynamique climatique de la Chine contemporaine. Les défis économiques intérieurs et les conflits géopolitiques à l’extérieur continueront d’exercer une influence négative sur l’action de la Chine en faveur du climat. De nouveaux moteurs de l’ambition climatique émergent, tels que la croissance des industries à faibles émissions de carbone et la vulnérabilité de la Chine aux impacts climatiques, mais ils devront faire face à une résistance importante de la part des industries lourdes et du charbon.
6 — Politique étrangère et sécurité nationale : face à une guerre étendue (Lyle Morris)
Lors des Deux Sessions, les dirigeants chinois ont souligné la poursuite de leur politique étrangère et ont maintenu les priorités de sécurité nationale, tout en insistant sur la nécessité pour les forces armées chinoises de s’adapter aux nouveaux domaines et terrains stratégiques.
Premièrement, en ce qui concerne la politique étrangère, le rapport de travail de Li Qiang a réaffirmé l’adhésion totale aux objectifs de la politique étrangère de Xi. Il s’agit notamment d’insister sur le caractère « indépendant » de la politique étrangère de la Chine, sur le « développement pacifique », sur les « stratégies gagnant-gagnant mutuellement bénéfiques » et sur la défense d’un ordre mondial « inclusif et multipolaire » exempt « d’hégémonie ». Dans la même veine, le premier ministre Li a soutenu les mesures phares de la politique étrangère de Xi, à partir de ses trois Initiatives (Global Development Initiative, Global Security Initiative et Global Civilization Initiative) afin de promouvoir ce que la Chine appelle la « construction d’une communauté avec un futur partagé pour le genre humain ».
Deuxièmement, concernant les objectifs de modernisation militaire, le premier ministre Li a salué les « nouvelles réalisations et les progrès accomplis » et a appelé l’armée à continuer à mettre en œuvre les objectifs stratégiques militaires de Xi pour la nouvelle ère. Lors d’une réunion plénière avec les délégués de l’APL au sein de l’Assemblée Nationale Populaire, le président chinois a souligné la nécessité de renforcer les « capacités stratégiques dans les domaines émergents » et a appelé l’armée à se concentrer sur la « transformation » (zhuanxing) pour relever les nouveaux défis. Ces objectifs et ces thèmes sont intimement liés au sujet général abordé par Xi durant les Deux Sessions, à savoir la création de « nouvelles forces productives ».
L’appel de Xi à bâtir une force de combat interarmées moderne et technologiquement compétente est à mettre en parallèle avec les thèmes abordés lors des Deux Sessions tels que l’insistance sur « l’innovation », la « technologie de pointe » et les « nouvelles forces industrielles ».
Xi a clairement identifié la technologie comme la clef d’une réforme militaire réussie. Mais avec les sanctions américaines de ces dernières années qui limitent les transferts de haute technologie à destination de la Chine, l’appel de Xi à « s’adapter » à une nouvelle révolution scientifique du secteur de la défense peut aussi indiquer à quel point il est urgent pour le pays de contrebalancer les barrières commerciales et technologiques imposées par les États-Unis.
Enfin, le premier ministre Li a annoncé une augmentation de 7,2 % du budget de la défense chinoise par rapport à l’année précédente. Compte tenu des besoins croissants de l’Armée populaire de libération et de son objectif affiché de modernisation pour le centenaire de 2027, cette augmentation, sommes toutes, modeste était attendue.
7 — La politique taiwanaise de la Chine : continuités, nuances, stabilité (Rorry Daniels)
La section du Rapport des Deux Sessions consacrée à Taïwan était brève et s’en tenait aux politiques habituelles, même si quelques nuances méritent d’être notées. Tout d’abord, le rapport mentionne le « développement pacifique » comme voie politique, mais pas la « réunification pacifique », utilisant plutôt l’expression « réunification de la Chine ». Cette distinction peut refléter — comme signal politique — la crainte de Pékin que le recours à la force pour parvenir à la réunification ne soit déclenché par des soi-disant militants de l’indépendance à Taïwan, mais ne constitue pas, en soi, une intention d’unifier la Chine par la force. Il est rassurant de constater que l’expression « réunification pacifique » est réapparue dans la conférence de presse de Wang Yi. Sa position et ses antécédents sur la question de Taïwan confirment que la « réunification pacifique » reste l’objectif ultime de Pékin.
Toutefois, Wang Yi a étendu l’appel à la mobilisation en déclarant que « toutes les personnes d’origine chinoise » devaient s’opposer à l’indépendance de Taïwan et soutenir la réunification pacifique, ce qui laisse entendre que la question de Taïwan sera encore plus étroitement liée à la volonté de la Chine de rechercher la loyauté de toutes les personnes d’ascendant chinois.
Le Rapport a rappelé la politique traditionnelle de Taïwan, à savoir l’adhésion au consensus de 1992 — « une seule Chine mais différentes interprétations » — et l’opposition à l’indépendance. L’idée de l’adhésion au consensus est morte lorsqu’elle est arrivée dans le discours public taiwanais parce qu’elle a été assimilée à « un pays, deux systèmes » — ce qui est considéré comme la raison pour laquelle la répression politique brutale à Hong Kong a pu avoir lieu. La question de l’indépendance gèlera le dialogue entre Taipei et Pékin tant que le Parti démocrate progressiste au pouvoir ne retirera pas l’objectif de l’indépendance dans son programme. C’est une exigence de longue date pour le dialogue, que Pékin ne s’attend pas à voir satisfaite.
Et pourtant, le « pas de surprises » est probablement le meilleur scénario qui puisse être espéré en cette période de transition politique à Taïwan et d’élections imminentes aux États-Unis. Avec autant d’autres problèmes à résoudre en interne, et face aux préoccupations internationales concernant la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan, Pékin ne cherche pas à provoquer une crise entre les deux rives du détroit.
Sources
- Les réunions concomitante du principal organe consultatif politique de la Chine, la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), du 4 au 10 mars, et de l’organe législatif du pays, l’Assemblée Nationale Populaire nationale (ANP), du 5 au 11 mars, n’ont guère été surprenantes sur le plan politique. Le Government Work Report (GWR) du Premier ministre Li Qiang avait déjà été en grande partie détaillé lors de la Central Economic Work Conference (CEWC) de décembre 2023.
- Wang a repris son ancien poste de ministre des Affaires étrangères lorsque Qin a été démis de ses fonctions l’année dernière, en plus de son rôle principal de directeur du Bureau Central des Affaires étrangères du PCC.
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