Après des mois de négociations et deux propositions de lois rejetées depuis novembre dernier, l’accord qui sera présenté au Parlement espagnol par le PSOE, ERC et Junts sera la troisième version de la loi d’amnistie — et a priori la dernière. 

  • Sur cette loi repose l’accord fondamental qui a permis à Pedro Sánchez de se maintenir au pouvoir et de former un gouvernement après les élections de juillet 2023. Depuis l’investiture officielle du socialiste le 15 novembre dernier, la législature est bloquée car aucun accord précis n’avait été trouvé entre les négociateurs attitrés du Parti socialiste d’une part et de Puigdemont de l’autre.
  • Des « questions techniques » avaient été invoquées pour expliquer les échecs précédents. Ces différends portaient notamment sur le nombre de personnes qui pourraient bénéficier de l’amnistie — et sur les conditions pour avoir le droit à cette dernière, notamment pour les personnes accusées de « terrorisme » dans l’affaire de la déclaration d’indépendance de la Catalogne, parmi lesquelles figure Puigdemont.

La nouvelle proposition de loi comble a priori les attentes de toutes les parties qui ont respectivement présenté ce dernier accord comme une victoire. Junts prévoit même un retour de Puigdemont en Espagne en juin en annonçant que ce dernier pourrait être tête de liste aux élections européennes. 

  • La mesure d’amnistie devrait pouvoir être appliquée à tous ceux mis en cause dans le procès. Selon les négociateurs, il serait question de plus de 400 personnes.
  • Le texte — en particulier le passage sur le « terrorisme » — ne fait plus référence au Code pénal espagnol mais au droit européen et à la jurisprudence internationale. Selon les négociateurs, la nouvelle proposition respecte les recommandations de la commission de Venise. 
  • L’organe du Conseil de l’Europe a étudié la proposition de la loi d’amnistie après une demande du Sénat et du Parti populaire espagnols. Si l’urgence avec laquelle est traitée la loi a été critiquée par la commission, celle-ci a approuvé le texte en considérant que « la réconciliation sociale et politique est un objectif légitime » de la mesure en question.

Sánchez présente effectivement la loi d’amnistie comme un moyen qui permettra la réconciliation et la résolution de la crise catalane. Cependant, le retard qu’ont pris les négociations semble au contraire avoir attisé les tensions sur le sujet.

  • L’opposition menée par le PP en a notamment profité pour relancer et accentuer ses nombreuses attaques contre le gouvernement accusé de corruption à cause des accords passés avec les indépendantistes.
  • Dans ce délai, des juges espagnols ont décidé d’ouvrir de nouvelles procédures judiciaires impliquant Puigdemont en fonction de ce qui le protégeait dans les propositions de loi précédentes. Le nouveau texte devrait empêcher toute autre mise en cause de l’ancien président de la généralité de Catalogne par la justice espagnole. 
  • Entre-temps, un scandale qui touche le gouvernement a éclaté dans les rangs du PSOE. Le caso Koldo est une affaire de corruption concernant des contrats millionaires d’achats de masques pendant la pandémie de Covid-19 dont l’ancien ministre des Transports, Jose Luis Abalos, est au cœur. 

Le temps et les délais sont donc cruciaux pour un gouvernement socialiste en crise et qui cherche à fermer ce dossier le plus vite possible.

  • Le projet de loi sera présenté jeudi prochain au Congrès, avant d’aller au Sénat — où le PP est majoritaire. La droite espagnole prévoit de faire durer le plus longtemps possible le processus. Il faudra sans doute attendre quelques mois avant que le texte ne revienne finalement au Congrès pour la validation finale.
  • Après cette victoire du PSOE, Sánchez pourra enfin débloquer sa législature en faisant voter le budget — qui a absolument besoin du vote des indépendantistes catalans.

Bien qu’il paraisse tanguer, pour le moment le gouvernement Sánchez ne semble pas en danger. 

  • Il faudra cependant surveiller avec attention les résultats des élections européennes et, surtout, les élections catalanes — qui devront être convoquées avant février 2025. 
  • Tant que le PP ne sera pas en mesure de se mettre d’accord avec PNV et Junts sur la fin de la législature — ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui —, il semble peu probable que le gouvernement tombe.