Le nouveau commandant des forces armées ukrainiennes, Oleksandr Syrsky, semble déterminer à avoir recours à Avdiivka à la même stratégie employée à Bakhmout, qui lui avait valu son surnom de « boucher » : tenir la ville coûte que coûte, peu importe les pertes humaines.

  • Mardi 13 février, Syrsky a déclaré sur Telegram que Kiev faisait tout son possible « pour empêcher l’ennemi de pénétrer plus profondément dans notre territoire et pour conserver les positions que nous occupons », alors qu’il visitait des postes de commandement près d’Avdiivka aux côtés du ministre de la Défense Roustem Oumierov1.
  • Le même jour, le porte-parole de la 110e brigade mécanisée ukrainienne, Ivan Siekach, annonçait le retrait de certaines unités pour une rotation — la première depuis presque deux ans2.
  • Une semaine plus tôt, le chef de l’administration militaire de la ville d’Avdiivka, Vitalii Barabash, décrivait une « situation très difficile » dans ce secteur de la ligne de front, à mesure que l’armée russe progresse au nord de la ville.

Avdiivka est, à bien des égards, semblable à Bakhmout. La ville — qui compte aujourd’hui moins de 1 000 habitants, contre 32 000 avant la guerre — est avant tout un symbole à défaut d’être une cible stratégique : brièvement occupée en 2014 par les séparatistes soutenus par Moscou, sa capture ouvrirait la voie à une progression russe dans l’oblast de Donetsk — qui fait partie des quatre régions « officiellement » annexées par la Russie en septembre 20223. La capture d’Avdiivka serait également présentée comme une « victoire majeure » par Vladimir Poutine en amont de l’élection présidentielle du 15 mars.

  • Le commandement ukrainien semble déterminé à y mener une guerre d’attrition contre la Russie en opérant un changement d’une « position offensive à une position défensive », selon un entretien donné mardi 13 février par Syrsky à la chaîne allemande ZDF4.
  • La grande majorité des experts s’accordent cependant à dire que l’Ukraine n’a pas les moyens de mener une guerre d’attrition à Avdiivka, et ce peu importe les niveaux élevés de pertes russes (humaines comme matérielles)5.
  • Si Franz-Stefan Gady et Michael Kofman considèrent qu’une guerre d’attrition serait « le moyen le plus efficace pour l’Ukraine de reprendre l’avantage est de mettre en place une défense en profondeur efficace », celle-ci nécessite des ressources suffisantes en munitions : entre 75 000 et 90 000 obus par mois « pour soutenir la guerre de manière défensive », plus du double pour une offensive majeure6.

Aujourd’hui, les pays de l’Union européenne et les États-Unis peuvent conjointement produire environ 55 000 obus d’artillerie par mois, soit trois fois moins que la Russie (aux niveaux de 2023)7.

Sources
  1. Aliaksandr Kudrytski et Ellen Milligan, « Ukraine Reinforces Embattled Stronghold as Russia Advances », Bloomberg, 14 février 2024.
  2. Dinara Khalilova, « Ukraine reinforcing Avdiivka as Russia continues its offensive » The Kyiv Independant, 13 février 2024.
  3. Dan Peleschuk et Andrew Osborn, « Why is Avdiivka important and why does Russia want to capture it ? », Reuters, 8 février 2024.
  4. Ексклюзивне інтерв’ю з новим головнокомандувачем Збройних Сил України I auslandsjournal, ZDFheute Nachrichten, YouTube, 13 février 2024.
  5. Mick Ryan, « Ukraine’s Campaigns : A February 2024 Update », 13 février 2024.
  6. Franz-Stefan Gady et Michael Kofman, Making Attrition Work : A Viable Theory of Victory for Ukraine, Institute for Strategic Studies (IISS), 9 février 2024.
  7. Jack Watling et Nick Reynolds, Russian Military Objectives and Capacity in Ukraine Through 2024, Royal United Services Institute for Defence and Security Studies, 13 février 2024.