Après les débats d’investiture et un premier vote perdu mercredi, aujourd’hui s’est déroulé le deuxième vote sur l’investiture de Feijóo au Congrès espagnol. Comme attendu, le président du PP n’a pas récolté les voix nécessaires pour constituer une majorité : il a obtenu 172 voix en sa faveur, 177 contre et une voix nulle — après une erreur d’un député de Junts qui s’est trompé au moment de son vote oral. 

Les différentes interventions du chef de la droite espagnole durant les débats de cette semaine ont été à l’image de l’ambiguïté stratégique dont le PP a fait preuve jusqu’à maintenant. 

  • Feijóo s’est présenté aux députés tour à tour comme un potentiel chef de gouvernement et comme le leader de fait de l’opposition à un nouveau et futur gouvernement Sánchez. Certaines de ses interventions en début de semaine demandaient le soutien du Congrès pour son projet présidentiel ; d’autres, comme aujourd’hui, étaient plus concentrées sur la critique du projet de gouvernement de Sánchez. 
  • Fait notable : le président en fonction Pedro Sánchez n’a aucun moment pris la parole au cours de ces sessions de débat. 

Sánchez avait préparé un nouveau coup de théâtre dont très peu de personnes — seulement cinq, selon son entourage — étaient au courant. 

  • Alors que Feijóo prononçait son premier discours mardi matin, il était attendu, comme le veut la coutume, que Sánchez lui réponde dans l’après-midi. À la surprise générale, au moment où il devait prendre la parole, c’est le député socialiste et ancien maire de Valladolid Oscar Puente qui s’est levé et rendu à la tribune. 
  • Puente est connu pour être un orateur offensif. Mais Sánchez l’a aussi mis en avant pour fragiliser le principal argument de Feijóo. 
  • Le candidat de la droite a maintes fois insisté sur le fait qu’il était le candidat ayant récolté le plus de voix aux élections, et qu’il était pour cette raison légitime qu’il puisse former un gouvernement. Puente a fini premier des élections à Valladolid mais n’est plus maire à cause d’une coalition du PP avec Vox. 

Après ce coup de théâtre, les débats se sont tendus au fur et à mesure de la séquence d’investiture et le ton est monté. 

  • Depuis mardi, la droite n’a donc eu pour seul interlocuteur socialiste au Parlement, qu’Oscar Puente. 
  • Le PP et Vox n’ont pas apprécié le silence de Sánchez : de nombreux députés populaires l’ont qualifié de « lâche ». Feijóo lui a reproché de manquer de respect aux Espagnols en refusant d’exposer son projet présidentiel et les négociations qu’il mène pour pouvoir l’appliquer. 
  • Le leader de Vox, Santiago Abascal, a tenu ces propos au PSOE au sujet de l’éventuelle amnistie accordée aux indépendantistes catalans : « Le peuple espagnol a le devoir et le droit de se défendre, et il le fera. Ne venez pas ensuite pleurnicher ».

Le roi d’Espagne va maintenant demander à Pedro Sánchez de tenter de former un gouvernement. Il a jusqu’au 27 novembre pour se présenter au Congrès. 

  • Pour obtenir la majorité, il doit s’assurer du soutien des indépendantistes catalans. Au cœur des négociations se trouve la question de l’amnistie pour les participants au référendum de 2017 déclaré illégal par le Tribunal constitutionnel espagnol. 
  • Cependant, depuis hier soir, ERC et Junts demandent, en échange de leur vote favorable à l’investiture de Sánchez, que ce dernier s’engage à travailler activement à la tenue d’un nouveau référendum en Catalogne. 
  • Si la question de l’amnistie faisait déjà débat, le référendum complique les plans du président sortant ; dans ce nouveau cas de figure, la tenue de nouvelles élections ne semble plus improbable même pour les députés socialistes. 
  • Face au nouvel échec de Feijóo, certaines voix de la droite — comme l’ancienne présidente de la communauté de Madrid, Esperanza Aguirre — demandent même au PP de donner les voix nécessaires à l’investiture de Sánchez afin que ce dernier puisse se passer du soutien des indépendantistes catalans. 
  • Ce scénario semble cependant peu probable. Feijóo lui-même a déclaré aujourd’hui au Congrès qu’il n’accorderait pas aux socialistes ce que ces derniers lui ont refusé. 
  • La tenue de nouvelles élections est la seule planche de salut pour Feijóo s’il veut survivre à la tête de son parti. Un nouveau vote général lui permettrait d’espérer obtenir de meilleurs résultats après les négociations du PSOE avec les indépendantistes catalans. 

Si Sánchez ne parvient pas non plus à former un gouvernement d’ici le 27 novembre, de nouvelles élections se tiendront a priori le 14 janvier.