Géopolitique des élections polonaises : le PiS et l’extrême droite vers l’hégémonie ?

Les élections parlementaires polonaises auront lieu le 15 octobre 2023 et le PiS apparaît comme le grand favori au sein de sa coalition, la Droite unie. La perspective géopolitique des élections reste une question clef alors que la guerre fait rage de l’autre côté de la frontière. La situation du pays paraît aujourd’hui très fragile alors que la position délicate de la Pologne est devenue un argument du parti au pouvoir pour obtenir une nouvelle victoire. Il semble que celui-ci porte auprès du public : à l’heure actuelle, et malgré un léger renforcement des partis d’opposition, le PiS domine les sondages, plusieurs points devant la Plateforme civique¹.

Selon la Constitution polonaise, le Président polonais fixe la date des élections législatives 90 jours avant la fin du mandat du Parlement. Le mandat actuel dure jusqu’au 12 novembre 2023. Le Parlement de la République de Pologne se compose de deux chambres : le Sejm et le Sénat. Le dernier scrutin, de 2019, a été un succès pour le PiS dans des élections marquées par le taux de participation le plus élevé après 1989 (61,74 %). À leur issue, le Pis a obtenu 43,59 % des voix et la Plateforme civique 27,40 %.

Si l’avance du parti s’est réduite au cours de la dernière législature, il semblerait que l’incertitude géopolitique lui ait été profitable. Alors que l’écart entre le PiS et la Plateforme civique s’était réduit en juillet 2023, le parti au pouvoir a repris une avance certaine². 

La situation évolue peu, restant stable depuis plusieurs semaines. Les sondages donnent une certaine image de l’état d’esprit politique à l’approche des prochaines élections d’automne en Pologne, qui ne devraient pas beaucoup changer sur la scène politique intérieure. Le 6 septembre, la Commission électorale polonaise a achevé l’enregistrement de 90 commissions électorales. Les plus grands et les plus importants d’entre eux sont représentés par les groupes politiques les plus forts, qui ont une chance de remporter des sièges dans les deux chambres du Parlement. 

Il existe 5 commissions électorales qui ont soumis des candidats aux deux chambres du parlement : (1) Droit et Justice qui se compose de : Droit et justice, Pologne souveraine, Parti républicain, son slogan électoral « Avenir sûr des Polonais » ; (2) Coalition civique qui se compose de  : Plateforme civique, Agrounion, Verts, Moderne, Initiative Pologne, son slogan électoral « La Pologne dans nos cœurs » ; (3) La troisième voie qui se compose de  Pologne 2050, Parti populaire polonais, son slogan électoral « Assez de disputes, en avant » ; (4) Confédération de la Liberté et de l’Indépendance qui se compose de Confédération de la Liberté et de l’Indépendance, Mouvement National, Confédération de la Couronne Polonaise, Nouvel Espoir, pas de slogan électoral ; (5) Nouvelle Gauche qui se compose de Nouvelle Gauche, Gauche Ensemble, Parti Socialiste Polonais son slogan électoral « J’ai un cœur à gauche ».

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Alors que la Pologne est en pleine campagne électorale, sa situation géopolitique demeure précaire en raison de la guerre en Ukraine. La scène politique polonaise attire l’attention de ses partenaires ainsi que de pays étrangers, notamment de ses voisins, la Russie et le Bélarus³. Il est impératif que les élections à venir ne diminuent pas le poids international de la Pologne, bien que cette dernière soit déjà vulnérable face aux tactiques de guerre hybride initiées par ces deux pays. La Stratégie de sécurité de 2020 soulignait que la plus grande menace pour la Pologne provenait de la politique néo-impériale de la Russie⁴.

La Pologne est actuellement en première ligne d’une guerre hybride menée par la Russie et le Bélarus. Plusieurs incidents le prouvent. D’abord, il y a eu la crise migratoire à la frontière polono-bélarusse, orchestrée par le pouvoir à Minsk. Ensuite, des exercices militaires russo-bélarusses ont eu lieu du 29 au 31 juillet 2023 sur le terrain d’entraînement de Gożski près de Grodno, non loin du corridor de Suwałki. De plus, le groupe paramilitaire Wagner a été repéré sur le terrain d’entraînement de Brest au Bélarus, près de la frontière polonaise. Le 8 septembre 2023, des informations ont émergé sur les sites Web du gouvernement bélarusse concernant une possible suspension du Traité sur les forces armées conventionnelles qui concerne la Pologne et la République tchèque. C’est un accord majeur qui délimite les armes que les pays peuvent posséder. Le Bélarus accuse la Pologne de violer ce traité. Au niveau cyber, l’Académie des Arts de la Guerre, la plus grande université militaire de Pologne, a subi une attaque le 10 juillet 2023 par le groupe CyberTriad, lié à la Russie. Les mois de juillet et août 2023 ont également vu des cyberattaques contre les chemins de fer polonais. D’autres institutions gouvernementales, banques et entreprises, dont la Bourse de Varsovie et l’entreprise Grupa Azoty, ont aussi été ciblées. Dans le contexte de la campagne électorale, il est à craindre que la Russie intensifie ses campagnes de désinformation et autres formes d’ingérence. 

L’Ukraine est un acteur important sur la carte géopolitique de la Pologne. Comme Zbigniew Brzeziński  le décrivait déjà dans Le Grand échiquier (1997), l’Ukraine montre sa capacité à changer la géopolitique de l’Europe centrale et orientale, y compris en Pologne, en agissant comme une force de défense contre l’agression impériale russe, ainsi que comme un centre de gravité. Le conflit armé en Ukraine dure depuis 2014 et la Pologne soutient les efforts de l’Ukraine pour rejoindre l’OTAN et l’Union depuis la révolution orange. Elle soutient son voisin, veillant ainsi à sa propre sécurité et à celle du continent européen. En dépit du récent revirement de Varsovie sur l’envoi d’armes, qui peut s’expliquer pour des raisons de politique interne, il est dans l’intérêt de l’Ukraine que la coalition actuelle remporte les élections.

Les États-Unis restent le principal allié de la Pologne. Les États-Unis et l’OTAN sont les deux piliers sur lesquels la Pologne fondent sa sécurité, aux côtés de l’Union européenne. Joe Biden a souligné l’importance de ce partenaire en Europe centrale en se rendant à Varsovie à deux reprises — en février et, de nouveau, en mars — au cours de l’année. Les États-Unis misent aussi sur le maintien au régime du PiS, car il garantit une forme de stabilité et de prévisibilité politiques qui contribuent au renforcement du flanc oriental de l’OTAN : en février 2023, les sociétés américaines Westinghouse Electric Company et Westinghouse Electric Poland ont signé un contrat avec Polskie Elektrownie Jądrowe pour les travaux de conception préalable pour la première centrale nucléaire polonaise ; en 2020, un autre contrat de 4,6 milliards de dollars a été signé pour l’achat de 32 avions de combat multirôles F-35 de cinquième génération pour l’armée de l’air polonaise. Ces avions devraient notamment être livrés en 2024. De fait, depuis des années, la Pologne est l’un des plus gros acheteurs d’armements et d’équipements militaires américains, des avions de combat aux chars en passant par les systèmes anti-aériens et les fusées d’artillerie — elle ambitionne de devenir la première puissance militaire conventionnelle en Europe. Elle s’efforce également d’accroître la présence militaire américaine sur son territoire.

De son côté, Berlin, bien consciente des forts sentiments anti-allemands de la coalition au pouvoir, regarde la scène politique polonaise avec inquiétude, notamment sur la question des demandes des réparations de guerre. Dans son voisinage, les alliances régionales, que la Pologne a constamment construites depuis 1989 et auxquelles elle participe activement, en étant à plusieurs reprises l’initiatrice, restent un élément géopolitique important. Parmi eux, le Groupe de Visegrád — un partenariat régional clef qui combine les intérêts communs de quatre pays (malgré des périodes de turbulences) et d’autres organisations régionales de diverses natures (Initiative des Trois Mers, Coopération de défense de l’Europe centrale, Conseil des États de la mer Baltique, Initiative de Neuf de Bucarest, Triangle de Lublin, Triangle de Weimar, Triangle de Kaliningrad, Initiative Centre-européenne). La Pologne tente de renforcer son rôle de leader tout en renforçant sa position dans la région et par rapport aux autres pays de l’Union européenne, en tirant parti de ses bonnes relations avec l’Ukraine.

La situation géopolitique fragile et compliquée de la Pologne affecte la campagne électorale et les choix de la société polonaise. Le slogan électoral du PiS « Un avenir sûr pour les Polonais » face à la guerre en Ukraine, à la guerre hybride et à la confusion de la société face aux enjeux géopolitiques est de plus en plus d’actualité. La poussée du PiS dans les sondages le démontre. La sécurité, sur laquelle le parti se concentre fortement durant cette cette campagne, est très importante au vu de la situation géopolitique actuelle des Polonais. La guerre en Ukraine et ses conséquences resteront permanentes et se feront sentir tant sur l’Ukraine et ses habitants que sur son voisin immédiat, à savoir la Pologne. Les acteurs géopolitiques importants : les États-Unis, la Russie et l’Ukraine surveillent les élections parlementaires en Pologne avec beaucoup d’attention et avec leurs propres intérêts. Ce pays situé au bord de la Vistule, au centre de l’Europe, et doté d’un potentiel géopolitique important, reste un leader régional avec une chance de leadership en Europe. Le 15 octobre 2023 les Polonais se rendront à des élections libres pour la dixième fois dans leur Histoire après 1989, votant pour la place de la Pologne dans une Europe sans guerre.