Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011, environ un millier de cuves pouvant contenir au total jusqu’à 1,25 millions de mètres cubes d’eau ont été mises en place par l’opérateur de la centrale, TEPCO (Tokyo Electric Power Company), pour refroidir le combustible et les débris de combustible fondus. Tandis que cet espace de stockage sera bientôt plein, le gouvernement japonais a présenté en 2021 un plan visant à rejeter ces eaux en mer.

  • Afin d’appuyer les travaux de l’équipe spéciale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) constituée pour conduire un examen du plan du gouvernement japonais, des experts originaires de 11 pays ont été missionnés pour fournir leur expertise sur des volets techniques.
  • Ces experts proviennent majoritairement des principales puissances nucléaires civiles (États-Unis, Chine, France principalement), mais également d’États de la région (Vietnam, Australie, Corée du Sud, qui exploite plusieurs centrales).

Tandis que la communauté scientifique s’accorde sur le fait que les risques posés par le rejet en mer de l’eau utilisée pour refroidir la centrale — qui sera filtrée via un système avancé de traitement des liquides (ALPS)1 — sur la santé seront très faibles, des États, ONG et experts critiquent le manque de transparence du gouvernement japonais et de TEPCO2. Les inquiétudes concernent avant tout la présence de tritium dans cette eau, bien que les centrales nucléaires en relâchent régulièrement dans le cadre de leurs procédures d’exploitation habituelles, parfois à des niveaux bien supérieurs à ceux estimés pour la centrale de Fukushima3.

La Chine dénonce un « plan irresponsable, impopulaire et unilatéral » et considère que le Japon et les États-Unis ont conjointement organisé une campagne visant à « marginaliser les voix s’opposant à ce projet »4.

  • Pékin, qui a annoncé vendredi 7 juillet la mise en place d’un embargo sur les produits alimentaires en provenance de Fukushima et de neuf autres préfectures du Japon « afin d’empêcher les aliments contaminés d’entrer dans le pays et de protéger les consommateurs chinois », s’oppose vigoureusement au plan de Tokyo et mène une campagne visant à pointer du doigt l’impopularité de celui-ci en Asie orientale et du Sud-Est5.
  • Quelques heures en amont du début de la visite du directeur de l’AIEA Rafael Mariano Grossi au Japon, le Global Times publiait les résultats d’un sondage conduit par le tabloïd dans 11 pays de la région. Selon celui-ci, 86 % des sondés perçoivent négativement la décision de Tokyo et 53 % ont déclaré qu’ils n’achèteraient et ne mangeraient plus de produits de la mer pêchés au Japon6.
  • Ces résultats sont similaires aux réponses apportées à un sondage conduit en Corée du Sud par l’Institut Gallup, selon lequel 78 % des sud-coréens se disent « inquiets » vis-à-vis du rejet en mer des eaux de Fukushima7. Les opinions sont plus divisées au Japon où 45 % de la population soutient le plan et 40 % s’y oppose.

Tandis que la Corée du Sud et Taïwan s’opposaient initialement au plan de Tokyo8, les récentes déclarations du gouvernement de Séoul ainsi que du Conseil de l’énergie atomique taïwanais indiquent que les deux pays considèrent dorénavant que le plan est « conforme aux normes internationales »9.

L’opposition est désormais menée par Pékin ainsi que par le Forum des îles du Pacifique (FIP), qui regroupe 18 États océaniens et deux collectivités françaises : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. En juin, le secrétaire général du Forum et ex-Premier ministre des îles Cook, Henry Puna, appelait à un délai plus long avant le début de la mise en application du plan — qui pourrait commencer dès cet été — afin de procéder à plus « d’évaluations scientifiques indépendantes et vérifiables »10.

Sources
  1. Fukushima Daiichi ALPS Treated Water Discharge, Agence internationale de l’énergie atomique.
  2. Motoko Rich et Choe Sang-Hun, « Scientists Say Fukushima Water Is Safe, but Radiation Fears Persist », The New York Times, 4 juillet 2023.
  3. Bianca Nogrady, « Is Fukushima wastewater release safe ? What the science says », Nature, 22 juin 2023. Le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) estime que les essais d’armes nucléaires conduits entre 1945 et 1980 ont conduit à la libération d’environ 200 000 pétabecquerel (PBq) de tritium, tandis que les rejets annuels moyens de tritium des installations nucléaires sont compris entre 12 et 16 PBq, cf. IAEA Comprehensive Report on the Safety Review of the ALPS Treated Water at TEPCO’s Fukushima Daiichi nuclear Power Station (FDNPS), Agence internationale de l’énergie atomique, 4 juillet 2023.
  4. « How Japan plans to release Fukushima water into the ocean », Reuters, 4 juillet 2023 et « International community cannot tolerate Japan’s nuclear-contaminated water dumping : Global Times editorial », Global Times, 3 juillet 2023.
  5. « China to ban imports of food products from Fukushima in Japan : GAC », Xinhua, 7 juillet 2023.
  6. « GT survey : Over 80 % of respondents think Japan’s nuclear-contaminated water dump plan ‘irresponsible’ », Global Times, 4 juillet 2023.
  7. « Poll : Nearly 80 % of S.Koreans worried about Fukushima treated water release », NHK, 30 juin 2023.
  8. Aaron Clark, « U.S. Friends Join China in Ripping Japan Plan on Fukushima Water », Bloomberg, 12 avril 2021.
  9. Jessie Yeung, Mayumi Maruyama et Emiko Jozuka, « Japan will soon release Fukushima radioactive water into the ocean. How worried should we be ? », CNN, 5 juillet 2023 et Hyunsu Yim et Soo-Hyang Choi, « South Korea says Japan’s water release plan meets standards », Reuters, 7 juillet 2023.
  10. Pacific Islands Forum Secretary General Henry Puna On the Fukushima Treated Nuclear Wastewater, Forum des îles du Pacifique, 26 juin 2023.