Le 30 juin 2018, les tarifs douaniers sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de l’Union européenne annoncés par le président américain Donald Trump quelques mois plus tôt pour une série de pays entraient en application, justifiés par des craintes liées à la « sécurité nationale » des États-Unis1. En réponse, l’Union introduisit des taxes sur des produits américains pour un montant de 3 milliards de dollars.

Après l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, Washington et Bruxelles annonçaient le 31 octobre 2021 avoir trouvé un accord temporaire ouvrant des négociations en vue d’un accord mondial sur l’acier et l’aluminium durables (GASSA).

  • Celui-ci prévoit la création d’un groupe d’États souhaitant instaurer un ensemble de mesures visant à restreindre les importations d’acier et d’aluminium à forte intensité carbone (notamment en provenance d’Inde et de Chine) ainsi qu’à lutter contre les pratiques anti-concurrentielles.
  • Pendant la durée des négociations, les États-Unis annonçaient qu’ils « n’appliqueront plus les droits institués au titre de la section 232 sur un certain volume d’exportations d’acier et d’aluminium de l’Union », tandis que Bruxelles a suspendu ses « mesures de rééquilibrage introduites en réaction aux droits de douane imposés par les États-Unis »2.

Alors que les négociations sur cet accord doivent être conclues dans un délai de deux ans (jusqu’en octobre 2023 donc), l’Union a rejeté mercredi 28 juin une proposition américaine visant à « fixer des normes d’émission et imposer des tarifs douaniers à ceux qui ne les respectent pas »3. De son côté, Bruxelles veut privilégier son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en le combinant avec des instruments de défense commerciale comme base du GASSA.

Malgré le constat partagé entre Européens et Américains sur la nécessité de décarboner l’industrie de l’acier et de l’aluminium (qui représentent 90 % des émissions de CO2 générées par la production des principaux métaux) et de limiter les importations de métaux en provenance de pays aux pratiques jugées anticoncurrentielles — notamment la Chine —, les deux blocs privilégient une approche différente.

  • Aux États-Unis, l’administration Biden n’est pas favorable à l’instauration de taxes supplémentaires sur l’industrie métallurgique, notamment car celle-ci est concentrée dans les États qui lui ont permis de remporter l’élection présidentielle de 2020 — Pennsylvanie, qui représente 5 % de la production nationale, Illinois (4 %) et Michigan (3 %) notamment4.
  • L’Union quant à elle ne veut pas qu’un tel accord contribue à « faire dérailler ses progrès vers un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui s’appliquerait à un plus grand nombre de secteurs » et s’oppose également à ce que celui-ci puisse enfreindre les règles de l’OMC en matière de libre concurrence.
  • Pendant ce temps, les dernières projections indiquent que la Chine pourrait exporter cette année jusqu’à 77 millions de tonnes d’acier — soit un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2016 —, dont les prix sont retombés en mai à leur niveau d’avril 20205.

Le sujet sera à l’agenda du voyage à Washington prévu la semaine prochaine du commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis. 

Sources
  1. La justification de ces craintes s’appuyait notamment sur un rapport de janvier 2018 du Département du Commerce américain intitulé « The Effect of Imports of Steel on the National Security », qui concluait que l’importation d’acier « bon marché » nuisait à la base industrielle américaine. En septembre 2022, un think-tank américain bipartisan, la Tax Foundation, observait que : « Les droits de douane au titre de l’article 232 sur les importations d’acier et d’aluminium ont augmenté les coûts de production des fabricants, réduisant l’emploi dans ces industries, augmentant les prix pour les consommateurs et nuisant aux exportations ».
  2. EU-US negotiations on trade on steel and aluminium, Commission européenne, 31 octobre 2021.
  3. Andy Bounds, « EU rejects US offer to end steel tariff dispute », Financial Times, 28 juin 2023.
  4. Iron and Steel. U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, USGS, janvier 2022.
  5. Amy Lv et Dominique Patton, « China steel exports seen surging to seven-year high as home demand wilts », Reuters, 29 juin 2023.