Jeudi 7 avril, la directrice du FMI Kristalina Georgieva a prononcé un discours précisant la politique du Fonds face à l’endettement de certains pays et le positionnant par rapport à la rivalité sino-américaine. Faisant référence aux tensions croissantes entre Pékin et Washington, elle a mis en garde contre les répercussions économiques d’une fragmentation économique accrue. 

  • La présidente du Fonds a déclaré que la fragmentation du commerce à long terme — y compris les restrictions sur les migrations, les flux de capitaux et la coopération internationale — pourrait réduire le produit intérieur brut mondial de 7 %, soit l’équivalent de la production annuelle combinée de l’Allemagne et du Japon (7 000 milliards de dollars). Les interruptions du commerce des technologies pourraient entraîner des pertes allant jusqu’à 12 % du PIB pour certains pays. 
  • Le FMI prévoit que la croissance mondiale se maintiendra autour de 3 % au cours des cinq prochaines années — la prévision de croissance à moyen terme la plus basse depuis 1990,  en deçà de la moyenne de 3,8 % des deux dernières décennies.

Kristalina Georgieva a aussi abordé le problème des pays les plus endettés. 

  • Environ 15 % des pays à faible revenu sont déjà en situation de surendettement et 45 % sont très vulnérables à la dette ; de plus, environ un quart des économies émergentes présentent un risque élevé et sont confrontées à des écarts de taux d’emprunt similaires à ceux d’un défaut de paiement.
  • Fin 2020, le Club de Paris, composé principalement de pays occidentaux créanciers traditionnels, s’était associé à la Chine, à l’Inde et à l’Arabie saoudite, nouveaux bailleurs de fonds, pour convenir d’une feuille de route appelée « Cadre commun » visant à restructurer la dette des pays pauvres au cas par cas. 
  • Le processus a cependant connu des retards, Pékin se montrant réticent à accorder des allègements. La Chine, qui est aujourd’hui le plus grand créancier officiel du monde, s’oppose à une réduction de la valeur nominale des dettes qu’elle possède.

Parmi les pays affectés par le blocage chinois, la Zambie attend depuis plus de deux ans la restructuration de sa dette.

  • La Zambie a été le premier pays africain à faire défaut sur sa dette depuis la pandémie ; le 31 août 2022, le Fonds avait approuvé un plan de sauvetage de 1,3 milliards de dollars, dont 185 millions seraient immédiatement disponibles.
  • Le pays est cependant contraint d’obtenir l’aval de ses créanciers officiels pour alléger sa dette. Ces derniers étant sous la houlette de la Chine et de la France, la présidente du FMI a ainsi déclaré qu’elle ferait pression sur les deux pays pour obtenir un accord. 
  • Conséquence des retards de restructuration, la monnaie zambienne (le kwacha) a perdu 45 % de sa valeur par rapport à l’euro ; l’inflation, qui a atteint un niveau record de 9,9 % ces trois derniers mois, décourage aussi les investissements. 

Le FMI avait déjà mis en garde en janvier dernier contre les risques de fragmentation de l’économie, dans un rapport1 avec les auteurs duquel nous nous étions entretenus au sujet de la gouvernance de la mondialisation.  

Les réunions de la semaine prochaine sont également les premières de plusieurs sessions qui vont avoir lieu cette année et au cours desquelles les institutions financières multilatérales devraient clarifier leur rôle pour répondre aux défis posés par le changement climatique. Parmi les propositions aujourd’hui sur la table, l‘initiative de Bridgetown se place au cœur des débats. 

Sources
  1. Disponible à cette adresse sur le site du FMI.