Cette visite n’est pas inédite. Andrew Hsia s’était notamment rendu en Chine en août 2022, peu de temps après la visite sous haute-tension de Nancy Pelosi, précédée d’importants exercices militaires chinois dans le détroit de Taïwan. Entre-temps, la défaite du Parti démocrate progressiste (PDP) aux élections municipales de novembre et l’arrivée du nouveau Congrès américain en janvier ont contribué à reconfigurer le paysage politique taïwanais.

  • Le Kuomintang (KMT) est traditionnellement considéré comme un parti « pro-Chine », en faveur d’un rapprochement voire d’une réunification des deux pays.
  • Le positionnement de l’île vis-à-vis de la Chine a été central au cours des municipales de novembre, qui a vu la victoire du KMT dans 13 des 21 circonscriptions taïwanaises, dont la capitale Taipei.
  • La stratégie de Tsai Ing-wen — présidente de l’île et ancienne présidente du Parti démocrate progressiste (PDP) — était claire : voter pour le PDP revenait à se prononcer en faveur de la souveraineté de Taïwan vis-à-vis de la Chine.

Le KMT est pourtant une formation moins monolithique. S’il existe une frange du parti en faveur de la réunification avec la Chine, d’autres groupes considèrent que le maintien d’un équilibre entre rapprochement avec Pékin et distanciation vis-à-vis de Washington serait dans le meilleur intérêt de Taïwan1. Cette position coïncide avec les résultats de récents sondages réalisés par l’université de Chengchi qui indiquent que la conservation temporaire du statu quo vis-à-vis de la Chine (28,5 %) est désormais au même niveau que la demande d’indépendance « aussi vite que possible » (28,7 %).

Tandis que l’actuelle présidente taïwanaise a atteint la limite de mandats et ne pourra se représenter en 2024, son vice-président Lai Ching-te demeure en tête des sondages.

  • Les scénarios pour 2024 varient cependant considérablement en fonction du candidat présenté par le KMT.
  • Hou Yu-ih remporterait le premier tour de l’élection présidentielle face au candidat du PDP Lai Ching-te, tandis qu’Eric Chu (président du KMT) n’obtiendrait que 12,8 % des voix — contre 42,6 % pour Lai Ching-te.
  • Si la position vis-à-vis d’une éventuelle réunification avec la Chine varie au sein du KMT, tous les membres du parti pressentis pour se présenter en 2024 souhaitent se détacher de Washington. Hou Yu-ih a notamment déclaré le 1er janvier que les Taïwanais « ne devaient pas être les pions d’un pays puissant »2.

Cette dynamique va à contre-courant de l’opinion désormais dominante à la Chambre des représentants américaine. Depuis l’annonce par Kevin McCarthy d’une éventuelle visite à Taïwan au printemps 2023 — que Pékin souhaite décourager3 —, le président de la commission des Affaires étrangères, Michael McCaul, a lui aussi annoncé le 7 février la visite, séparée de celle du speaker, d’une délégation congressionnelle qui pourrait comprendre des élus démocrates4.

Dans le même temps, des auditions ont débuté hier au sein de la Commission des services financiers de la Chambre — au cours d’une session intitulée « Combattre la menace économique de la Chine » — concernant plusieurs propositions de loi.

  • Trois concernent directement Taïwan : le Taiwan Non-Discrimination Act, Taiwan Conflict Deterrence Act et PROTECT Taiwan Act5.
  • La défense de Taïwan demeure pour les Républicains le fer de lance d’une politique plus ferme à l’encontre de la Chine.
Sources
  1. Chieh Yen, « Why Taiwan’s Main Opposition Party Can’t Shake Its Pro-China Stance », The Diplomat, 18 janvier 2023.
  2. Liu Yixuan, « 侯友宜元旦致詞:我們絕不是強國棋子 », United Daily News, 2 janvier 2023.
  3. Nick Robertson, « China urges McCarthy not to visit Taiwan », The Hill, 30 janvier 2023.
  4. Jenny Leonard, « GOP House Panel Chair to Lead Taiwan Trip as China Tensions Rise », Bloomberg, 7 février 2023.
  5. Meeting : Combatting the Economic Threat from China, Commission des services financiers de la Chambre des représentants, 7 février 2023.