Politique

Traité de Barcelone : texte intégral

Après l'Allemagne et l'Italie, l'Espagne vient de signer en grande pompe un « traité d'amitié et de coopération » avec la France. Que dit ce traité de Barcelone ? Qu'implique-t-il ? Par quelles logiques et quelle actualité est-il sous-tendu ? Pour le comprendre, il faut en faire une lecture minutieuse — nous en proposons la première version commentée ligne à ligne.

Auteur
Pablo del Amo
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© AP Photo/Emilio Morenatti

La France et l’Espagne ont signé un important traité d’amitié, à l’image des grands traités franco-allemands ou encore franco-italiens, sur le modèle du traité du Quirinal. 

Paris et Madrid y notent l’importance de développer leurs liens et d’exercer un front commun au sein de l’Union pour lutter ensemble pour leurs intérêts. Après le refroidissement des relations avec Rome depuis l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, Emmanuel Macron signe une nouvelle alliance bilatérale avec un État membre méditerranéen. Paris continue ainsi de chercher des alternatives à Berlin sur des questions telles que l’énergie et les règles budgétaires. Pedro Sánchez poursuit également son objectif de renforcer le rôle de l’Espagne en Europe en vue de la prochaine présidence espagnole de l’Union. Le lieu choisi pour le sommet franco-espagnol — Barcelone — ne doit rien au hasard. La capitale catalane sera une charnière du nouveau gazoduc, avec Marseille. En choisissant cette ville, Pedro Sánchez veut montrer que le processus d’indépendance catalane est terminé : c’est un retour à une « normalité » dans les relations entre Madrid et Barcelone. 

Ce traité peut être considéré comme une relance importante des relations franco-espagnoles et la confirmation de Madrid comme l’un des principaux centres d’influence en Europe.

La République française et le Royaume d’Espagne,

Ci-après dénommés conjointement « les Parties »,

Attachés aux valeurs fondamentales et universelles du respect de la dignité humaine et des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’état de droit, de la liberté, de la justice et de la solidarité, de la protection de l’environnement et du climat, qui leur sont communes, et unis dans leur volonté d’œuvrer à leur promotion et à leur défense ;

Réaffirmant leur attachement aux principes de la Charte des Nations Unies, et à un ordre mondial fondé sur le droit, le multilatéralisme, le rôle central des Nations Unies et le dialogue entre les nations ;

Souhaitant s’enraciner dans la profondeur historique de leur relation bilatérale, façonnée depuis des siècles par leur relation de voisinage, leurs destins croisés et leur grande proximité culturelle ;

Rappelant la densité et la profondeur des liens humains qui les unissent, et qui résonnent dans la mémoire personnelle des descendants d’Espagnols, dont les réfugiés et combattants de la liberté lors de l’exil républicain, qui ont fait de la France leur foyer ;

Le traité fait ici un clin d’œil symbolique aux centaines de milliers d’exilés républicains qui se sont réfugiés en France après la fin de la guerre civile espagnole. Des républicains espagnols ont également combattu dans la résistance française contre le nazisme et ont fait partie de la France libre.

Soulignant que ces liens s’expriment au quotidien, par la contribution à la prospérité et au rayonnement des deux pays, des Français établis en Espagne et des Espagnols résidant en France ;

Se félicitant que ces liens aient été consacrés par la convention relative à la nationalité signée entre la République française et le Royaume d’Espagne le 15 mars 2021 ;

Déterminés à renforcer leur relation exceptionnelle d’amitié et de coopération et à lui donner une nouvelle impulsion, alors que le continent européen fait face à une conjonction de crises et de menaces inégalées depuis la seconde guerre mondiale, à une compétition stratégique et technologique mondiale exacerbée et à une dégradation du contexte stratégique dans son voisinage et au-delà ;

C’est l’une des clefs qui sous-tend cet accord : l’Europe est en crise et un projet européen plus fort est nécessaire ; l’Union est mise au défi par la concurrence entre les puissances et surtout par la guerre en Ukraine.

Convaincus que leur amitié et coopération étroites prennent leur pleine signification dans, par et pour l’Europe et qu’elles contribuent fondamentalement à la construction d’une Europe démocratique, unie, souveraine et prospère et qui place la solidarité au cœur de son action ;

Rappelant qu’en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, les peuples d’Europe ont librement choisi de partager un avenir de paix fondé sur la prospérité et des valeurs communes ; et réitérant leur conviction que l’approfondissement de cette union nourrit le sentiment d’appartenance et de fraternité européenne ;

Désireux de renforcer leur coopération au niveau européen pour œuvrer au respect des droits fondamentaux, au progrès et à la justice sociale, à la sécurité, à la préservation de l’environnement

et de la biodiversité, à la lutte contre le changement climatique, notamment à travers le respect de l’Accord de Paris, à l’approfondissement du marché intérieur et de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice, ainsi qu’à la promotion de la diversité culturelle européenne ;

Paris et Madrid mettent en évidence deux questions essentielles dans le débat européen : la crise climatique et le marché intérieur convulsé par la crise énergétique et l’inflation.

Conscients de l’importance d’associer la jeunesse de leurs pays respectifs aux projets de coopération, dans un objectif de meilleure connaissance mutuelle, d’ouverture culturelle et de rapprochement dans le cadre d’une identité européenne commune ;

Soucieux de contribuer au renforcement de la politique étrangère et de sécurité européenne, d’agir pour l’autonomie stratégique européenne, de promouvoir un commerce mondial durable, équitable, et fondé sur des règles et de porter une attention particulière au voisinage méridional et à la Méditerranée ;

La France et l’Espagne sont favorables à une plus grande autonomie stratégique qui donnerait à l’Union une plus grande proactivité en matière de politique étrangère. En ce sens, les deux pays soulignent leurs intérêts convergents en Méditerranée, notamment sur les questions d’immigration et de sécurité.

Souhaitant que la dense coopération bilatérale existant entre leurs deux États, voisins, amis et alliés sur la scène européenne comme internationale, s’articule autour d’un cadre structuré qui permette de l’élever à son plein potentiel ;

Agissant conformément à leurs règles constitutionnelles et juridiques nationales respectives et dans le cadre juridique de l’Union européenne ;

Soulignant la pertinence de la coopération transfrontalière pour promouvoir et renforcer le bien-être, la croissance et le progrès dans ces zones, qui font face à des défis communs, notamment démographiques ;

Reconnaissant l’importance de la coopération entre leurs parlements respectifs dans l’approfondissement du lien entre leurs pays et souhaitant la renforcer ;

Sont convenus des dispositions suivantes :

TITRE PREMIER

CADRE DES RELATIONS D’AMITIÉ ET DE COOPÉRATION

Article 1er

Afin d’approfondir et structurer leurs relations déjà étroites, les Parties s’engagent par le présent Traité à intensifier leur dialogue politique et leur coopération bilatérale dans tous les domaines et entre leurs sociétés, œuvrant par là même au renforcement du projet européen.

Article 2

Dans ce but, les Parties ont recours aux mécanismes et instruments suivants :

1. Conformément à la déclaration commune franco-espagnole du 9 juillet 1985, les Parties tiennent un Sommet bilatéral annuel, présidé par le président de la République française et le président du Gouvernement espagnol, accompagnés des membres qu’ils désignent de leurs gouvernements respectifs. Le Sommet, qui constitue le principal cadre politique de consultation et de coopération entre les Parties, se tient en France et en Espagne, alternativement.

Cet article montre une dynamique dans les relations franco-espagnoles : la volonté d’approfondir la coopération entre les deux pays avec des rencontres bilatérales et d’établir une feuille de route. L’effet recherché est ici assez symbolique.

2. La déclaration conjointe, adoptée à l’issue de chaque Sommet, fait un point d’étape sur la relation franco-espagnole ainsi que sur la mise en œuvre du présent Traité, et définit les orientations stratégiques de la relation bilatérale. Une feuille de route opérationnelle, pluriannuelle et révisable régulièrement par les Parties, précise les projets à mettre en œuvre en application de ces orientations stratégiques et du présent Traité.

3. Les ministères chargés des Affaires étrangères des Parties assurent, par des consultations régulières, au niveau de leurs secrétaires généraux ou équivalent, le suivi de la mise en œuvre du présent Traité, des orientations et priorités définies lors du Sommet bilatéral ainsi que de la feuille de route prévue à l’alinéa 2.

4. Un membre du gouvernement d’une des Parties est invité au Conseil des ministres de l’autre Partie, au moins une fois tous les trois mois et par alternance.

5. Afin de promouvoir leur coopération, les Parties peuvent établir d’autres dialogues structurés, regroupant un ou plusieurs ministères en fonction des enjeux et dans le cadre de leurs compétences respectives.

6. Des échanges et rencontres d’agents publics sont organisés entre leurs administrations publiques, ainsi qu’entre leurs écoles du service public.

7. Des mécanismes structurés de dialogue entre les parlements, les sociétés civiles, les entreprises et les partenaires sociaux des deux Parties sont favorisés, afin de promouvoir des initiatives sur des questions d’intérêt commun, et de renforcer les liens humains déjà intenses entre les deux pays.

TITRE II

CONCERTATION EUROPÉENNE

Article 3

1. Les Parties rappellent que leur amitié et leur coopération prennent leur sens dans, par et pour l’Europe. Par leur participation active à une Union européenne souveraine, démocratique, forte et unie, elles entendent assurer la protection de leurs citoyens, défendre leurs valeurs et leurs intérêts, renforcer l’autonomie stratégique européenne, réussir la nécessaire transition écologique et numérique de leurs économies, approfondir l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice, et renforcer la sécurité et la cohésion de leurs sociétés.

Paris défend ardemment l’idée d’une Europe plus souveraine et stratégique, tant dans le domaine de la sécurité que dans celui de la technologie. En ce sens, les deux capitales européennes s’engagent à développer l’autonomie stratégique de l’Europe dans tous les domaines.

2. Les Parties réaffirment leur détermination, engagement et solidarité pour défendre dans le cadre des Traités européens leurs intérêts et valeurs communes au travers d’une Europe plus souveraine, notamment grâce à une défense européenne plus forte et autonome. À cet égard, les Parties s’engagent à maintenir une concertation étroite sur les questions d’actualité relatives aux fondements et à l’avenir de l’Union européenne.

3. Les Parties coopèrent étroitement à la mise en place d’un espace de dialogue politique et de coopération à l’échelle du continent européen dans le cadre de la Communauté politique européenne.

4. Les Parties dialoguent étroitement au sujet du processus d’élargissement de l’Union européenne, en prenant en compte le principe des mérites propres et la capacité de l’Union européenne à intégrer de nouveaux membres.

La question de l’élargissement de l’Union fait l’objet d’un débat animé et permanent. Avec la guerre en Ukraine, elle est revenue sur le devant de la scène, mais les avis divergent toujours.

5. Partageant la qualité d’États ultramarins, les Parties se coordonnent pour faire reconnaître les caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques de l’Union européenne, telles que reconnues par les Traités. Elles rappellent également l’importance de la politique de cohésion européenne pour contribuer au développement de ces régions.

Article 4

Tant au niveau politique que des hauts fonctionnaires, les Parties se consultent régulièrement avant les grandes échéances européennes sur les questions d’intérêt commun, afin de chercher à établir des positions communes et les porter ensemble au sein des institutions européennes et auprès des autres États membres. Durant le processus de négociation des nouvelles normes de l’Union ainsi que pour leur transposition postérieure, les Parties s’efforcent de se coordonner.

La France et l’Espagne s’engagent à mener des consultations avant les sommets européens. En d’autres termes, les deux pays tiendront compte des points de vue et des intérêts de chacun afin d’établir une position commune. Dans l’Union, ce type d’alliance est important lorsqu’il s’agit de faire entendre sa voix. En ce sens, Paris et Madrid constatent la convergence des intérêts et de l’influence qu’ils peuvent avoir en Europe.

Article 5

Les Parties favorisent les initiatives conjointes visant à promouvoir la transparence et la participation des citoyens aux processus décisionnels européens. En ce sens, elles s’engagent à soutenir les initiatives visant à consolider la démocratie européenne de même qu’à encourager le débat d’idées sur l’Europe, y compris entre leurs sociétés civiles, pour notamment renforcer le sentiment d’appartenance européen.

TITRE III

POLITIQUE ÉTRANGÈRE, DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

Article 6

1. Les Parties promeuvent un ordre mondial fondé sur le droit international et reposant sur le rôle central des Nations Unies. Elles œuvrent pour la paix, la stabilité, la prospérité et le progrès humain, social et économique, sur la base des principes de la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l’Homme.

2. Elles considèrent les engagements pris dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris comme une feuille de route commune pour favoriser la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.

3. Elles portent une attention particulière à l’égalité femmes-hommes et à la promotion d’une diplomatie féministe. Les Parties promeuvent l’égalité de genre dans les enceintes internationales.

Article 7

1. Les Parties reconnaissent l’importance stratégique de la Méditerranée, de l’Afrique, de l’Indopacifique et la priorité que ces régions représentent pour leur dialogue bilatéral en matière de politique étrangère, de développement, de défense et de sécurité. À cette fin, elles se consultent, tant en administration centrale que dans leur réseau diplomatique, pour partager leurs analyses, définir des positions communes et promouvoir leurs intérêts conjoints dans ces régions, en particulier sur le renforcement des liens entre l’Union européenne, la Méditerranée et l’Afrique.

La France et l’Espagne ont de multiples intérêts dans la zone méditerranéenne, notamment en Afrique du Nord. En outre, cet article fait écho au dossier sahélien, une région en proie aux crises, où Paris et Madrid ont appelé à un plus grand rôle de l’OTAN. Sur l’Indo-Pacifique, il faut noter que la France y est présente grâce à ses territoires d’outre-mer. Paris cherche à jouer un rôle plus important dans une région où se joue un affrontement très important, dans la concurrence entre la Chine et les États-Unis.

2. Les Parties reconnaissent également l’importance et la profondeur de leurs liens avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes et œuvrent conjointement en faveur du renforcement des relations de l’Union européenne avec ces pays.

L’Espagne se tourne toujours vers l’Amérique latine en raison de ses liens culturels, historiques et économiques. Madrid cherche à être au cœur des relations de l’Union avec l’Amérique latine.

3. Les Parties s’engagent à promouvoir des mécanismes de dialogue en matière de politique de développement et de coopération internationale, entre leurs ministères et leurs agences de développement respectives. Elles favorisent des initiatives conjointes bilatérales ainsi que dans le cadre de l’approche de l’Équipe Europe, de même que dans le cadre des réseaux européens auxquels participent leurs agences respectives.

Article 8

1. Les Parties, notamment au niveau des ministres chargés des Affaires étrangères, se consultent régulièrement sur les questions de politique étrangère, en particulier sur celles qui touchent à leur intérêt national ainsi qu’en cas de crise et avant les grands événements internationaux. Elles identifient également les actions et initiatives bilatérales, européennes et internationales qu’elles peuvent porter conjointement.

Si la France a toujours accordé une très grande importance à sa politique étrangère, c’est moins le cas de l’Espagne, où ce domaine est souvent perçu comme moins prioritaire. Dans ce contexte, cet article vise à mettre l’accent sur la promotion d’un rôle plus affirmé pour Madrid sur la scène internationale.

2. Des consultations sont organisées de façon régulière en matière de politique étrangère et de sécurité, et d’enjeux globaux entre hauts fonctionnaires des ministères chargés des Affaires étrangères et représentations permanentes auprès des organisations internationales et de leurs ambassades respectives afin de partager leurs analyses, définir des positions communes et promouvoir leurs intérêts conjoints.

3. Dans ce cadre, les Parties favorisent la définition, au niveau de l’Union européenne, de priorités stratégiques, d’outils d’influence et de positions unifiées au sein des Nations Unies et dans le système multilatéral, y compris, selon les cas, sur les candidatures, les contributions volontaires, le placement de personnel et la communication.

4. Les Parties assurent la mise en œuvre d’actions de formation conjointes pour leurs diplomates et accueillent réciproquement des diplomates d’échange au sein des ministères chargés des Affaires étrangères.

Article 9

1. Partageant la double qualité de partenaires au sein de l’Union européenne et d’alliés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord, les Parties expriment leur engagement en faveur de la paix et de la sécurité internationales, en application de la Boussole stratégique de l’Union européenne et du Concept stratégique de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

La guerre d’Ukraine a provoqué une « renaissance » de l’OTAN : l’Alliance atlantique est considérée comme nécessaire pour assurer la défense de l’Europe. La « mort cérébrale » dont parlait Macron il y a quelques années n’existe plus.

2. En vertu de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord et de l’article 42, paragraphe 7, du Traité sur l’Union européenne, les Parties se prêtent assistance en cas d’agression armée sur leurs territoires.

3. Dans ce cadre, les Parties œuvrent ensemble pour développer une défense européenne plus forte, au service de l’autonomie stratégique de l’Union européenne, de nature à assurer la protection et la sécurité des intérêts européens et à contribuer à la paix et la sécurité.

4. La relation transatlantique et la coopération entre l’Union européenne et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, dans le plein respect des principes énoncés dans les Traités de l’Union, sont fondamentales pour la sécurité globale des Parties. Une Union européenne plus forte et plus capable dans le domaine de la sécurité et de la défense contribuera positivement à la sécurité mondiale et transatlantique, en complémentarité avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. Les Parties œuvrent pour consolider leur interopérabilité et renforcer leur convergence dans chaque organisation.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a relancé le débat sur la nécessité d’une Europe militairement plus forte. Cependant, au-delà des efforts individuels, aucun projet de défense européen commun n’a véritablement vu le jour. La France, comme puissance militaire, cherche à obtenir une plus grande perspective géopolitique dans l’Union mais c’est un débat qui a de nombreux côtés en Europe.

5. Les Parties réitèrent leurs engagements à renforcer une culture stratégique commune, telle que promue dans le cadre de l’Initiative 5+5 et de l’Initiative européenne d’intervention.

Article 10

1. Le Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité, auquel participent les ministres chargés des Affaires étrangères et de la Défense des Parties, se réunit tous les ans afin d’examiner

conjointement les enjeux de politique étrangère et les progrès de la politique de défense et de sécurité, tant au niveau bilatéral qu’européen et international.

2. Les ministres chargés des Affaires étrangères et les ministres chargés de la Défense, dans leurs domaines respectifs, se consultent régulièrement et travaillent à des positions communes et au renforcement de leur coopération sur tout sujet d’intérêt commun.

Article 11

1. Les Parties approfondissent leur relation bilatérale de défense et participent à la construction d’une politique de sécurité et défense commune de l’Union européenne plus visible et efficace, à travers des coopérations institutionnelles, opérationnelles, industrielles et capacitaires concrètes qui renforcent l’interopérabilité de leurs forces armées.

2. Les Parties coopèrent dans l’acquisition d’équipements européens d’intérêt mutuel, en particulier concernant la conception, le développement, la production et la maintenance, pour améliorer l’efficience et la compétitivité de leurs systèmes industriels respectifs et contribuer au développement et au renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne.

3. Les Parties s’engagent à renforcer la coopération entre leurs industries de sécurité et de défense, en facilitant notamment l’exécution de projets communs, bilatéraux ou plurilatéraux. Les Parties se coordonnent dans le cadre des initiatives européennes de défense en matière capacitaire, notamment au sein de la coopération structurée permanente et pour rechercher l’appui du Fonds européen de défense.

4. Les Parties renforcent leur contribution à la préservation du libre accès aux espaces communs (maritimes, air, espace et cyber). Une attention particulière est portée aux questions spatiales et aux infrastructures sous-marines. Les Parties participent activement au développement d’une culture stratégique européenne dans ces domaines.

Article 12

1. Les Parties renforcent les échanges déjà fructueux de personnel militaire ainsi que leurs actions conjointes en matière de formation et d’apprentissage dans le domaine de la sécurité et de la défense. Chacune des Parties facilite également le transit et le stationnement des forces armées de l’autre Partie sur son propre territoire.

2. Un accord de coopération dans le domaine de la défense définit les modalités et les principes de la coopération bilatérale en la matière.

TITRE IV

JUSTICE ET AFFAIRES INTÉRIEURES

Article 13

1. Par leur coopération, les Parties participent au renforcement de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice, dans le cadre des Traités de l’Union.

2. Les Parties réitèrent leur attachement au bon fonctionnement de l’espace sans contrôle aux frontières intérieures, qui représente un résultat essentiel du projet européen. Elles s’engagent à préserver l’acquis de Schengen et la libre circulation, et à assurer leur pérennité, en approfondissant leur coopération bilatérale et européenne dans ce but. Elles réitèrent leur attachement aux principes de confiance et de reconnaissance mutuelle.

Article 14

1. Les Parties se félicitent d’avoir atteint un degré élevé de coopération entre leurs forces de sécurité intérieure, leurs autorités judiciaires et leurs administrations pénitentiaires. Chaque Partie réitère son engagement prioritaire pour la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent et coopère dans la reconnaissance et la prise en charge des victimes du terrorisme. Les Parties coopèrent également pour lutter contre la criminalité organisée et les trafics illicites, notamment celui des stupéfiants, armes et la traite des êtres humains, contre la cybercriminalité, la corruption, la criminalité financière, le blanchiment de capitaux, et la criminalité environnementale.

La coopération historique des forces de sécurité françaises et espagnoles est ici soulignée. Pendant la lutte contre l’ETA, l’aide de la France a été importante en raison de la présence de membres de l’ETA — y compris de certains dirigeants — sur le territoire français.

2. Les Parties s’engagent à poursuivre, avec un niveau d’ambition croissant, leur coopération opérationnelle, technique et institutionnelle dans ces domaines, également dans leurs dimensions extérieures et notamment en ayant recours aux financements européens dédiés.

3. Les Parties poursuivent et favorisent le partage de l’information entre leurs forces de sécurité et leurs autorités judiciaires respectives. Elles favorisent la réalisation d’opérations communes et d’enquêtes conjointes pour lutter toujours plus efficacement contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, en renforçant les mécanisme de coopération bilatérale qu’el1es ont créés et en mobilisant l’ensemble des outils de coopération opérationnelle, notamment les unités permanentes de renseignement.

Article 15

1. Les Parties organisent des consultations régulières entre leurs ministres de l’intérieur, entre leurs ministres de la Justice et entre leurs ministres ou services chargés des douanes si nécessaire, dans le cadre de leurs compétences respectives.

2. Les Parties continuent d’organiser des réunions du groupe de travail franco-espagnol de lutte contre le terrorisme (GLAT) et du groupe de travail franco-espagnol de liaison anti-drogues (GLAD), compte tenu de leur efficacité et élargissent ce modèle de réunion à tous les domaines qui seraient d’intérêt mutuel.

3. Les Parties prêtent une attention spéciale aux questions juridiques civiles, commerciales, pénales, administratives, relatives à la criminalité environnementale, de justice des mineurs et de traitement des mineurs non accompagnés, de l’administration pénitentiaire ou l’organisation et l’administration de la justice, y compris en ce qui concerne le développement du numérique. La lutte contre les violences intrafamiliales et les violences sexuelles et sexistes, ainsi que la protection et prise en charge des victimes constituent également des domaines privilégiés de dialogue.

4. Ces discussions donnent lieu notamment à des échanges de bonnes pratiques, à des rencontres entre juges, magistrats et procureurs et d’autres professionnels du droit, et à des groupes de travail thématiques le cas échéant, avec le soutien des magistrats de liaison français et espagnols. Dans le cadre du groupe de travail en matière civile et familiale, ces échanges sont axés sur la coopération, et en particulier sur la protection des mineurs.

5. Les Parties favorisent et améliorent l’exécution des instruments de reconnaissance mutuelle, en particulier les mandats d’arrêt européens (MAE), des décisions d’enquête européennes (DEE), celle des certificats de gel et de confiscation, les transferts de procédures pénales et soutiennent la mise en place d’équipes communes d’enquête (ECE), à chaque fois que nécessaire.

6. Les Parties favorisent le déploiement d’outils de coopération dans le domaine de la sécurité dans les deux pays, tels que les centres de coopération policière et douanière (CCPD) et toutes formes d’opérations communes. Elles renforcent à l’avenir leur intense coopération opérationnelle pour la sécurisation de grands évènements et la réalisation d’opérations communes en matière de sécurité publique, au moyen, le cas échéant, d’unités opérationnelles binationales.

7. La mise en place de magistrats et d’officiers de liaison, l’échange de fonctionnaires et de juges, magistrats et procureurs, et les formations conjointes sont favorisés.

8. Dans le domaine maritime, la coopération des services garde-côtes français et espagnols est renforcée pour augmenter leurs capacités de détection et de lutte contre les trafics, en associant l’ensemble des administrations compétentes des deux Parties en matière d’action de l’État en mer.

9. Les Parties intensifient leur coopération dans le domaine de la lutte contre les incendies et de la protection civile et renforcent les capacités de leurs services spécialisés dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles et des accidents industriels et technologiques. Elles contribuent en outre au développement du mécanisme de protection civile de l’Union européenne.

10. Les Parties intensifient leur coordination dans la lutte contre l’insécurité routière et la gestion des flux routiers transfrontaliers, en particulier par la coopération et l’échange de bonnes pratiques dans les domaines de la sécurité routière, du transport, des infrastructures et de leurs équipements.

Article 16

1. Les Parties coopèrent dans le domaine de la gestion des migrations. Elles promeuvent les voies légales de migrations, l’intégration et l’inclusion sociale des migrants réguliers. Elles s’engagent résolument ensemble dans la lutte contre l’immigration irrégulière, selon une approche globale, prenant en compte les contrôles aux frontières extérieures, les mouvements secondaires, le renforcement de la coopération opérationnelle pour la prévention des départs et le développement de projets dans le cadre de l’approche de l’Équipe Europe avec les pays d’origine et de transit, pour traiter les causes profondes des migrations et lutter contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains.

2. Elles engagent à cette fin un dialogue régulier à tous les niveaux et créent un groupe de travail franco-espagnol sur les questions migratoires (GQM), réunissant les services chargés de la gestion des frontières, des migrations, de l’asile, de l’intégration et de la lutte contre les réseaux d’immigration irrégulière au sein de leurs administrations respectives. Ce groupe peut être élargi à tout autre service pertinent selon les sujets évoqués.

3. Pour évoquer la dimension externe des migrations, les Parties tiennent des consultations régulières entre leurs ministères chargés des Affaires étrangères et de l’Intérieur.

4. Cette coopération se concrétise également par le déploiement, le cas échéant, d’unités opérationnelles binationales et par la réalisation d’opérations communes ou conjointes, chargées de lutter contre les réseaux de passeurs.

TITRE V

CULTURE, ÉDUCATION, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, SCIENCE, JEUNESSE ET SPORTS

Article 17

1. Conscientes de la richesse de la diversité culturelle et linguistique européenne et souhaitant la préserver, reconnaissant l’affinité de leurs langues et de leurs cultures et leur contribution respective à cette diversité en Europe et dans le monde, soucieuses de favoriser la connaissance mutuelle de leurs sociétés et de leurs histoires et la protection de leurs patrimoines, les Parties s’engagent à coopérer dans le domaine de la culture, et à favoriser des positions communes, au sein de l’Union européenne, dans les organisations internationales et à l’international, à travers un dialogue régulier des ministères chargés de ces questions. Des consultations régulières entre les secrétaires généraux des ministères chargés de la Culture sont organisées pour mettre en œuvre les dispositions du présent Traité.

2. Les Parties encouragent les échanges, la traduction, la diffusion et la circulation des œuvres, des idées et des savoirs de leurs pays et favorisent la mise en œuvre de projets culturels communs. Elles reconnaissent le rôle des Instituts français, des Alliances françaises, des Instituts Cervantès et des centres culturels espagnols dans ce domaine. Elles favorisent leur coopération dans les pays tiers, notamment dans le cadre du réseau de l’Union d’instituts nationaux de culture européens (EUNIC). Elles intensifient leur coopération dans le domaine

du patrimoine, des industries culturelles et créatives, encouragent les collaborations entre les entreprises de ce secteur, les créations et les productions communes, notamment cinématographiques et audiovisuelles, et accompagnent les évolutions numériques du secteur. Les Parties portent une attention particulière aux enjeux de l’industrie du livre et encouragent les échanges entre professionnels et artistes des deux pays et l’émergence de nouveaux projets de coopération.

3. Des coopérations culturelles sont favorisées entre musées et villes de France et d’Espagne. La mobilité des artistes et des écrivains et les réseaux de résidences artistiques entre la France et l’Espagne sont renforcées pour perpétuer la tradition de mobilité artistique entre les deux pays.

4. Les Parties promeuvent la coopération et les échanges dans le domaine des ressources documentaires et des documents historiques, de la gestion documentaire et du traitement des archives, dans le cadre de leurs compétences respectives.

Article 18

1. Pour en favoriser l’apprentissage et la diffusion mutuels, les Parties développent l’enseignement de la langue française et de la langue espagnole dans leurs pays respectifs. Les Parties accordent une attention particulière à la mobilité des élèves et des professeurs ainsi qu’à la formation et à la mobilité des étudiants se destinant au métier de professeur. Les Parties soulignent le rôle significatif des établissements d’enseignement français en Espagne et des établissements espagnols en France pour le dialogue de leurs cultures respectives. Elles promeuvent l’apprentissage de la langue française et espagnole au sein de la population adulte par le biais de la formation continue.

2. Les Parties contribuent au renforcement des espaces européens de l’éducation et de l’enseignement supérieur en rapprochant leurs systèmes d’éducation, d’enseignement et de formation professionnels et d’enseignement supérieur et en promouvant l’enseignement d’au moins deux langues vivantes étrangères dans leurs systèmes éducatifs.

3. Les Parties développent des dispositifs de coopération éducative et linguistique qui permettent la double délivrance du baccalauréat général français et du bachillerato espagnol, tels que le BachiBac et le Baccalauréat Français International (BFI). Elles renforcent les dispositifs éducatifs bilingues et biculturels français-espagnol, notamment par l’intermédiaire du « LabelFrancÉducation  », des sections internationales en France et en Espagne et des classes menant au Baccalauréat Français International et au bachillerato espagnol.

4. Elles encouragent les partenariats entre établissements français et espagnols, et les mobilités tant au niveau des élèves et des apprentis que des personnels des établissements de formation, professeurs et futurs professeurs, en s’appuyant notamment sur le programme européen Erasmus+. Elles participent à la formation des professeurs de langues française et espagnole et de professeurs de disciplines non linguistiques enseignées en français ou en espagnol.

5. Elles encouragent la coopération en matière d’enseignement et de formation professionnels dans tous les domaines, avec pour objectif de constituer des Campus des métiers franco-

espagnols dans certains secteurs prioritaires (notamment les industries du futur, l’économie verte, le tourisme innovant et l’agriculture) et de favoriser la reconnaissance mutuelle de tels parcours.

6. Les Parties s’emploient à permettre une plus grande équivalence et reconnaissance entre leurs diplômes de niveau universitaire, via la constitution d’une commission d’experts prévue par l’accord de Gérone de 2006, et à travailler ensemble sur le projet de label européen pour les diplômes conjoints. Elles développent un dialogue structuré entre France Université et la Conférence des Recteurs des Universités espagnoles. Elles promeuvent activement les participations françaises et espagnoles à l’initiative des alliances d’universités européennes et accompagnent leur déploiement. Elles renforcent les programmes d’échanges d’étudiants et de personnel académique dans tous les secteurs et disciplines scientifiques, en s’appuyant notamment sur le programme européen Erasmus+.

7. Les Parties œuvrent, dans le cadre des initiatives et programmes européens en faveur de la jeunesse, à appuyer et amplifier les initiatives de mobilité et d’échange entre jeunes qui favorisent le rapprochement entre leurs peuples respectifs et un sentiment d’appartenance européenne commune. À cette fin et en s’appuyant sur les dispositifs existants au niveau national, régional et européen, elles créent un cadre de coopération franco-espagnol sur le volontariat, pour notamment toucher les jeunes n’étant ni en emploi, ni en étude, ni en formation. Elles instaurent également un Conseil franco-espagnol de la jeunesse, chargé d’assurer le suivi de ce cadre de coopération et de proposer des recommandations en vue des sommets bilatéraux annuels.

8. Les Parties soulignent le rôle significatif joué dans la mobilité des jeunes diplômés entre les deux pays par des dispositifs tels que le volontariat international en entreprise (VIE), le programme de bourses ICEX Espagne Exportation et Investissements (ICEX) et le dispositif espagnol ICEX-VIVES et elles s’engagent à poursuivre la mise en œuvre de ces dispositifs.

9. Les Parties coopèrent également dans le domaine du sport. Elles œuvrent au rapprochement et à la coopération entre leurs filières de formation dans ce domaine, tant dans le milieu scolaire que dans le sport de haut niveau. Des candidatures communes à l’organisation d’évènements sportifs internationaux sont recherchées afin de favoriser une utilisation commune, optimisée et respectueuse de l’environnement des infrastructures sportives des deux pays.

10. Les ministres compétents organisent des consultations annuelles afin de mettre en œuvre les dispositions du présent article.

Article 19

1. Reconnaissant la contribution des scientifiques français en Espagne et espagnols en France au dynamisme et à l’intensité de la collaboration entre leurs systèmes de recherche respectifs, les Parties encouragent la mobilité des chercheurs et des experts entre leurs deux pays. Elles favorisent notamment la participation de leurs chercheurs au programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe, le développement des programmes bilatéraux comme le Partenariat Hubert Curien franco-espagnol (PHC Picasso) et toute autre initiative internationale d’intérêt pour les deux pays.

2. Pour valoriser les projets développés par des équipes scientifiques intégrant des Français et des Espagnols, les Parties mettent en œuvre le Prix Scientifique franco-espagnol Betancourt-Perronet.

3. Les Parties, reconnaissant l’importance des infrastructures de recherche pour le renforcement de l’Espace européen de la recherche, renforcent leur coopération dans ce domaine, en particulier sur les infrastructures intégrées dans la feuille de route ESFRI, ainsi que l’exploitation d’infrastructures scientifiques et techniques communes, telle que le laboratoire franco-espagnol d’astrophysique aux Canaries.

4. Les Parties échangent leurs bonnes pratiques en matière de recherche appliquée et de continuum formation-recherche-innovation pour permettre à leurs entreprises et centres de recherches de renforcer leurs liens et de mener des initiatives conjointes européennes et internationales.

5. Des consultations régulières entre les ministères chargés des Sciences et de la recherche et de l’Agriculture sont organisées pour mettre en œuvre les dispositions du présent article.

6. Les Parties intensifient la mise en œuvre des accords en vigueur et promeuvent la conclusion d’accords spécifiques complémentaires qui seraient d’intérêt pour les deux pays.

TITRE VI

ÉCONOMIE, INDUSTRIE, CONNECTIVITÉ ET TOURISME

Article 20

1. Les Parties partagent l’objectif d’œuvrer ensemble à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et à une coordination des politiques économiques et budgétaires. En ce sens, elles travaillent, en collaboration avec les partenaires européens, à la mise en place d’une gouvernance économique et budgétaire européenne qui concilie la viabilité des finances publiques avec la nécessité d’investir pour soutenir la croissance et faire face aux défis européens. Elles reconnaissent la nécessité d’approfondir le marché unique, d’en préserver l’intégrité et la résilience, de maintenir une concurrence loyale entre les entreprises européennes et d’assurer une concurrence équitable avec les entreprises des pays tiers, sur la base des principes d’égalité et d’intérêt mutuel, tout en favorisant des normes sociales et environnementales plus strictes.

Ce point est particulièrement important compte tenu du choc de la loi anti-inflation américaine (Inflation Reduction Act). La mise en œuvre de subventions aux technologies vertes pour les entreprises opérant aux États-Unis a suscité des inquiétudes à Bruxelles et dans des capitales européennes telles que Paris quant aux conséquences pour l’industrie européenne. La France est l’un des principaux partisans d’un système « Made in Europe » similaire à celui des États-Unis, mais elle se heurte jusqu’à présent à la résistance des pays nordiques, qui ont une approche plus libérale. Paris, qui rassemble des soutiens, a trouvé un allié important en Espagne.

2. Les Parties favorisent par leurs coopérations la mise en œuvre d’une politique industrielle européenne ambitieuse, visant à renforcer l’autonomie stratégique et la résilience de l’Union européenne. Les Parties ont l’objectif d’augmenter la contribution de l’industrie au produit intérieur brut de l’Union européenne et de leurs deux pays, jusqu’au niveau défini dans la nouvelle stratégie industrielle de l’UE, pour assurer la compétitivité de leurs entreprises au niveau mondial et réaliser la double transition écologique et numérique. Les Parties coopèrent pour le développement de l’économie circulaire et le développement de l’innovation en faveur de la transition écologique. Elles encouragent la participation de leurs entreprises aux projets industriels européens, notamment les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) dans les secteurs de la microélectronique, de la connectivité, du cloud, de la santé et de l’hydrogène, et dans des initiatives industrielles liées à la fabrication des équipements essentiels à la transition écologique et numérique, et à la réduction de leurs dépendances. Elles encouragent notamment la participation des petites et moyennes entreprises à ces projets, ainsi qu’à de futurs PIIEC qui pourraient être créés en relation avec les productions, services et technologies critiques et la décarbonation industrielle et à faciliter leur accès aux fonds et programmes européens. Elles soutiennent en outre l’adoption et la mise en œuvre effective d’instruments autonomes européens ambitieux pour protéger les entreprises européennes contre la coercition économique et les pratiques déloyales.

3. Les Parties coopèrent pour renforcer les chaînes de valeur européennes de production de biens de première nécessité et de caractère stratégique, à travers la diversification des approvisionnements, la création de partenariats, le renforcement des capacités de production en Europe et la constitution des réserves. Elles œuvrent en particulier à la réduction des dépendances stratégiques de l’Union européenne dans les six secteurs définis comme sensibles dans la Déclaration de Versailles adoptée par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne les 10 et 11 mars 2022 : l’énergie, les matières premières critiques, les semi-conducteurs, la santé, le numérique et l’agroalimentaire.

L’une des vulnérabilités de l’Union est sa dépendance vis-à-vis du monde extérieur en tant que puissance commerciale. En raison de l’utilisation de l’interdépendance comme arme de guerre, Paris et Madrid veulent pousser à une plus grande industrialisation européenne et sécuriser les chaînes d’approvisionnement et les matériaux critiques. Dans la guerre des capitalismes politiques, c’est également crucial pour la course mondiale à la technologie.

4. Par leur coopération, la France et l’Espagne œuvrent également à la transition numérique de leurs sociétés, ainsi qu’à la construction d’un cyberespace stable et d’un Internet sûr, neutre, non-fragmenté et ouvert, d’une réglementation numérique équilibrée et d’un marché propice à l’innovation et équitable pour ses participants.

5. Les Parties reconnaissent l’importance de leur coopération bilatérale dans la construction de l’Europe de l’espace, qui constitue une dimension-clé de l’autonomie stratégique européenne et du développement économique de l’Europe. Elles favorisent la coordination bilatérale de leurs stratégies et de leurs activités dans le domaine des télécommunications par satellite, de l’observation de la Terre, de la navigation par satellite, de l’accès autonome à l’espace et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et commerciales dans le cadre de l’Union européenne et de l’Agence spatiale européenne. Leurs administrations nationales chargées du domaine spatial coopèrent à cette fin.

Article 21

1. Les ministres des deux Parties compétents pour les questions économiques, commerciales, industrielles et numériques se réunissent de façon régulière pour impulser de nouvelles coopérations dans leurs domaines de compétences. En amont des sommets bilatéraux et aussi souvent que nécessaire, des consultations sont organisées au niveau des hauts fonctionnaires des ministères concernés pour la mise en œuvre du titre VI du présent Traité et des dispositions les concernant dans les déclarations adoptées lors des sommets bilatéraux.

2. Avec l’objectif de renforcer l’intégration de leurs économies, les Parties peuvent s’appuyer sur des experts économiques et commerciaux, chargés le cas échéant d’identifier les obstacles au commerce et à l’investissement pouvant subsister entre la France et l’Espagne et de réaliser des analyses à la demande des deux gouvernements. Leurs travaux pourront utilement être étudiés à l’occasion des Sommets bilatéraux et, le cas échéant, faire l’objet de référence dans les déclarations conjointes adoptées à leur issue.

Paris et Madrid se concentrent sur le développement de leurs relations commerciales et économiques. Rappelons que la France exporte plus de biens vers l’Espagne que vers la Chine, et qu’à son tour, l’Espagne exporte plus vers la France que toutes ses exportations vers l’Amérique du Nord et du Sud réunies.

3. Les Parties encouragent l’organisation annuelle d’un forum économique et entrepreneurial bilatéral, alternativement dans l’un et l’autre pays, en lien avec le Mouvement des entreprises de France et la Confederación Española de Organizaciones Empresariales.

4. Elles encouragent, par l’intermédiaire de leurs opérateurs dédiés à l’appui au commerce extérieur, à l’entreprenariat et au financement des entreprises, le développement des liens entre leurs petites et moyennes entreprises respectives, ainsi qu’entre leurs entreprises innovantes. Elles coopèrent également au sein des organisations internationales multilatérales auxquelles appartiennent ces opérateurs. Les agences de crédit à l’exportation de la France et de l’Espagne s’efforcent, lorsque cela est pertinent au regard du contenu industriel des projets, de mobiliser conjointement leurs capacités de soutien financier à l’exportation au bénéfice de l’ensemble des entreprises concernées.

Article 22

1. Le secteur touristique étant d’une importance capitale pour les économies des deux pays, les Parties développent leur coopération dans ce domaine, notamment pour échanger sur les techniques et bonnes pratiques de gestion touristique durable du patrimoine culturel, architectural et naturel, en promouvant sa protection et sa valorisation.

2. Elles promeuvent également la valorisation conjointe du patrimoine naturel, historique et culturel du massif pyrénéen en proposant des projets communs de tourisme durable, dans le cadre de la stratégie transfrontalière franco-espagnole prévue par l’article 31 du présent Traité.

TITRE VII

DÉVELOPPEMENT DURABLE, ÉNERGIE, TRANSPORTS, AGRICULTURE ET ALIMENTATION

Article 23

1. Les Parties s’emploient à soutenir, renforcer et mettre en œuvre les instruments européens et multilatéraux relatifs au développement durable, tels que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, et à la protection de la biodiversité, de l’environnement et à travailler à faire face au changement climatique et à ses conséquences, en ligne avec l’Accord de Paris et avec l’objectif de réussir à ce que le réchauffement global se limite à +1,5°C. Les Parties continuent également à œuvrer et à contribuer, de façon conjointe et à I’international, à l’adoption et la mise en œuvre de traités multilatéraux protégeant les mers, les océans et les grands fonds marins, à la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal et à la tenue régulière d’événements sur ces sujets, dans le cadre des objectifs de développement durable.

2. Pour accroître leur résilience climatique, les Parties s’engagent notamment à renforcer leur coopération sur les ressources hydriques, à améliorer l’efficacité dans l’utilisation de l’eau dans le cadre d’une économie circulaire et progresser conjointement vers la dépollution et le bon état des masses d’eau.

3. Elles reconnaissent l’importance d’une politique commerciale européenne durable pleinement conforme avec les objectifs du Pacte Vert de l’Union, et travaillent notamment à l’inclusion du respect de l’Accord de Paris comme élément essentiel des accords commerciaux de l’Union européenne, à l’intégration de l’approche révisée de la Commission européenne du 22 juin 2022 en matière de commerce et de développement durable, et au respect des objectifs du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.

4. Elles soutiennent l’adoption et la mise en œuvre d’instruments autonomes européens ambitieux pour lutter contre la déforestation ou encore le travail forcé.

5. Elles se consultent régulièrement, pour coordonner leurs positions européennes et à l’international, et mettre en place des outils efficaces permettant une transition net zéro juste et résiliente, renforçant la décarbonation dans tous les secteurs et luttant contre les fuites de carbone pour renforcer l’intégrité de ces efforts.

Article 24

1. Les Parties œuvrent conjointement à la protection de leur patrimoine environnemental partagé en mer Méditerranée, dans l’océan Atlantique et dans les Pyrénées, et soutiennent notamment :

  • la reconnaissance d’une zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) par l’Organisation maritime internationale dans le nord-ouest de la Méditerranée ;
  • la formulation de propositions de nouvelles zones de contrôle des émissions de soufre (SECA) dans l’Atlantique et d’azote (NECA) dans la Méditerranée pour leur présentation devant l’Organisation maritime internationale ;
  • le renforcement du suivi des échouages et des captures accidentelles de cétacés dans le golfe de Gascogne et de leur étude scientifique pour une meilleure compréhension, afin d’identifier les moyens de réduction de ce phénomène, via notamment le projet CetAMBICion.
  • la mise en place et la gestion conjointe et coordonnée des espaces des réseaux Natura 2000 frontaliers terrestres et marins, notamment en Méditerranée, dans le cadre d’un dialogue sur la délimitation définitive de leurs espaces maritimes ;
  • la mise en œuvre des plans régionaux prévus à l’article 15 du Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique de la convention de Barcelone.
  • la coopération pour la conservation et la promotion de l’utilisation rationnelle des zones humides méditerranéennes, dans le cadre de l’initiative MedWest ;
  • la poursuite de leur coopération et leur coordination sur le suivi et la protection des espèces menacées, notamment le grand tétras et la population d’ours dans les Pyrénées, en favorisant leur cohabitation avec les activités humaines.
  • La coopération transfrontalière pour impulser et assurer la continuité territoriale dans le développement des infrastructures vertes et bleues européennes et des services qu’elles assurent ; ainsi que de coopérer au sujet de la création de couloirs verts maritimes.

2. Des consultations régulières sont organisées entre les ministères compétents pour la bonne mise en œuvre de ces projets et le développement de nouveaux projets de coopération.

Article 25

1. Les Parties soulignent que les objectifs de transition écologique et l’évolution des marchés énergétiques nécessitent une ambition renouvelée en matière énergétique pour accélérer la réduction de notre dépendance aux combustibles fossiles et diversifier nos sources d’approvisionnements, en respectant le libre choix des États membres en ce qui concerne leur bouquet énergétique conformément à l’article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La transition écologique est l’un des principaux sujets de discussion entre Paris et Madrid. L’Espagne cherche à être l’une des références en matière d’énergie verte, tandis que la France souhaite que le nucléaire soit considéré comme une énergie propre.

2. Elles se consultent mutuellement pour travailler ensemble à l’échelle européenne afin d’accélérer le développement des énergies renouvelables et la production de leurs éléments essentiels, d’améliorer l’efficacité énergétique et d’adapter l’organisation et le fonctionnement des marchés européens de l’énergie.

Article 26

1. Les Parties réaffirment leur engagement à poursuivre le développement des interconnexions entre les deux pays pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne. Elles accordent la priorité au domaine énergétique, qui a un rôle clé à jouer pour approfondir et rendre plus résilient le marché intérieur européen.

L’interconnexion de l’Espagne avec l’Europe est l’un des principaux chevaux de bataille de Madrid, qui prétend être l’une des principales puissances en matière d’énergies renouvelables en Europe, avec la volonté de pouvoir exporter son énergie et son électricité. Cependant, cela se heurte aux intérêts de Paris, qui veut rester un exportateur net d’énergie et d’électricité.

2. Les interconnexions de transports et de télécommunications, notamment les corridors 5G, font également l’objet d’échanges prioritaires dans le cadre des réseaux transeuropéens.

3. Les Parties prennent en compte la viabilité économique des projets d’interconnexion et le calendrier de développement agréé, tout en respectant les exigences des législations environnementales, et travaillent en étroite collaboration avec la Commission européenne pour pouvoir bénéficier des financements européens aux meilleures conditions pour les nouveaux projets d’interconnexion énergétique.

4. Les Parties réaffirment leur engagement pour développer les projets d’interconnexions électriques et le projet H2Med, de façon équitable conformément aux règles européennes. Pour cela, les Parties travaillent avec les régulateurs énergétiques et la Commission européenne pour

maximiser le financement européen des projets d’interconnexions énergétiques et en faciliter l’instruction et le déploiement.

La France et l’Espagne sont sur le point d’accroître leurs interconnexions grâce au projet H2Med. L’hydrogène vert y joue un rôle important  : il devrait être l’une des principales technologies vertes de l’avenir, et l’Espagne se positionne de manière stratégique. La France s’est battue pour que l’inclusion de « l’hydrogène rose » — c’est-à-dire utilisant de l’énergie nucléaire — soit approuvée.

5. Les Parties promeuvent les projets nécessaires pour favoriser une mobilité sûre, aisée et durable des voyageurs et des marchandises transitant d’un pays à l’autre, notamment dans le cadre des Réseaux transeuropéens de transport.

6. Des dialogues ministériels stratégiques sur les interconnexions en matière de transport d’une part, et les interconnexions énergétiques d’autre part se tiennent à l’occasion des sommets bilatéraux. Des consultations régulières entre les gestionnaires compétents et les autorités de régulation sont organisées alternativement en France et en Espagne.

Si les dispositions de ce traité sur les interconnexions trouvaient des voies de mise en œuvre effective lors de futures rencontres bilatérales, ce serait une grande victoire pour Madrid.

Article 27

1. Les Parties rappellent leur attachement à la politique agricole commune et à la politique commune de la pêche et à leur rôle dans la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire et la nutrition de l’Union européenne et au niveau global.

2. Elles rappellent l’importance du Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) pour soutenir le développement agricole et rural des régions ultrapériphériques de l’Union, ainsi que la coopération réalisée pour défendre les produits originaires de ces zones.

3. Les administrations des Parties compétentes dans ces domaines coopèrent afin de favoriser la transition agro-écologique des systèmes alimentaires, le développement d’une agriculture et d’une pêche durables, qui garantissent le tissu productif nécessaire à l’alimentation des consommateurs, et la protection et la promotion des indications géographiques protégées, et la qualité des aliments, y compris la coopération en matière de contrôles officiels, laboratoires agroalimentaires et lutte contre la fraude. Elles coopèrent également dans les domaines de santé animale et végétale et se coordonnent pour promouvoir des normes ambitieuses en matière de sécurité sanitaire au niveau européen et pour préserver le statut sanitaire des deux pays, contribuant ainsi directement au renforcement de la santé humaine conformément à l’approche « une seule santé ». Elles promeuvent conjointement, dans le cadre des processus de coordination européens dédiés, des normes ambitieuses et des pratiques internationales durables en matière de conservation et de gestion des ressources halieutiques et coopèrent pour lutter contre la pêche illégale.

4. Les Parties rappellent l’importance des comités mixtes agricoles dans les secteurs des fruits et légumes, du vin et de la banane comme instances de dialogue entre professionnels et administrations. Ce format de dialogue peut être étendu au secteur de la pêche si nécessaire.

TITRE VIII

SANTE, TRAVAIL ET AFFAIRES SOCIALES

Article 28

1. Les Parties s’engagent à intensifier leur coopération dans le domaine de la santé, dans le but de renforcer leurs capacités et celles de l’Union européenne à faire face aux crises sanitaires et à répondre aux besoins de leurs citoyens, notamment en renforçant leurs capacités industrielles pharmaceutiques, leur coopération en matière de recherche scientifique et par un échange de bonnes pratiques sur le maillage sanitaire territorial et l’accès aux soins en zone rurale.

La crise du Covid-19 a mis en évidence l’importance d’une action commune en matière de santé. Si, au début de la crise, chaque État membre a agi de son côté, au fil des semaines, une plus grande coopération a permis de lutter plus efficacement contre la pandémie. On pense notamment à l’achat conjoint de vaccins et à l’expédition de fournitures médicales intra-européennes.

2. Elles portent une attention particulière à la prévention des crises sanitaires par un échange constant d’informations et, à la demande d’une des Parties et dans un cadre européen, s’assistent mutuellement par la fourniture d’équipements de protection, de matériel médical, de moyens humains et logistiques. Les Parties travaillent également à renforcer la collaboration et l’échange de données dans le champ des résistances antimicrobiennes.

3. Par les échanges réguliers entre leurs administrations et dans le cadre des dispositions européennes en la matière, elles s’engagent à faciliter la reconnaissance des diplômes sanitaires et médicaux dans les deux pays.

4. En s’appuyant sur l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et l’Espagne signé le 27 juin 2008 à Saragosse et sur la stratégie transfrontalière prévue à l’article 31 du présent Traité, les Parties œuvrent à améliorer l’accès aux soins, y compris urgents, et à garantir leur continuité pour les populations en zone frontalière ; elles rappellent à cet effet, l’importance qu’elles attachent au bon fonctionnement de l’hôpital binational de Cerdagne et à sa capacité à regrouper des professionnels des deux pays au sein d’une même structure. Le cas échéant, elles décident ensemble, avec les autorités locales concernées, des dispositions et dérogations nécessaires à son bon fonctionnement.

Article 29

1. Au vu de leur proximité en matière sociale, qui se nourrit notamment d’une histoire et d’une tradition juridique commune, les Parties rappellent leur volonté d’avancer dans le renforcement de l’Europe sociale et d’approfondir la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux au niveau de l’Union européenne et au niveau national, dans la continuité de la déclaration de Porto du 8 mai 2021. Dans ce but, elles coordonnent autant que possible leurs positions et leurs démarches auprès des institutions européennes et des autres États-membres.

2. Les Parties s’engagent à échanger des informations et expériences sur les bonnes pratiques notamment dans les domaines du travail, de l’emploi, notamment des jeunes, de la promotion du travail décent et de qualité, des salaires minimums, des prestations sociales et des retraites, du dialogue social, de l’inclusion et de la protection des personnes les plus vulnérables, de l’économie sociale et solidaire et son financement, de l’égalité professionnelle femmes-hommes et de la protection sociale. Pour discuter de ces questions, elles mettent en place un

groupe de travail annuel entre les ministères compétents, pouvant être ouvert aux partenaires sociaux représentatifs des deux pays.

3. Dans le domaine maritime, elles s’engagent notamment à œuvrer pour l’amélioration des conditions sociales et de travail au niveau européen.

TITRE IX

COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

Article 30

1. Les Parties s’engagent à maintenir des relations de bon voisinage et à coopérer étroitement pour répondre aux défis spécifiques de l’espace frontalier pyrénéen et des bassins de vie partagés, afin de faciliter la vie quotidienne de leurs habitants.

2. Les Parties reconnaissent le rôle que jouent à cet égard les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences. Elles dotent les collectivités frontalières et organismes de coopération frontalière de compétences appropriées pour dynamiser les échanges et la coopération, y compris pour la création et prestation de services publics communs, en matière sociale, sanitaire, environnementale, énergétique, éducative, culturelle et de transports. Elles soutiennent les projets qui favorisent l’intégration de cet espace et la réalisation de son potentiel humain, économique et environnemental, conformément aux objectifs de développement durable et de la politique européenne de cohésion.

3. Les Parties favorisent l’apprentissage de la langue du voisin et son utilisation dans la vie quotidienne des espaces transfrontaliers.

4. Les Parties encouragent le dialogue entre administrations et parlements sur la transposition du droit de l’Union européenne afin d’éviter les divergences de droit préjudiciables aux échanges dans les espaces transfrontaliers.

5. Si les Parties rencontrent des différences de législation qui entravent la réalisation de projets de coopération frontaliers, elles s’efforcent d’élaborer une solution juridique ad hoc, dans le respect de leurs systèmes nationaux de répartitions de compétences, qui permette de dépasser cette difficulté.

Article 31

1. Les Parties réaffirment les principes du Traité relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars 1995, dont le suivi est assuré par la Commission franco-espagnole de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, mise en place par échange de lettres à Foix le 21 octobre 1994.

2. Les Parties renforcent les cadres de coopération frontalière, y compris par la définition conjointe d’une stratégie de coopération transfrontalière en application du présent Traité.

3. Les Parties créent un comité de coopération frontalière à caractère consultatif, associant les administrations compétentes et d’autres parties prenantes, notamment pour suivre la mise en œuvre de la stratégie de coopération frontalière prévue par le présent Traité, proposer des projets concrets et suggérer des solutions pour permettre leur réalisation.

TITRE X

DISPOSITIONS FINALES

Article 32

1. Le présent Traité complète d’autres accords bilatéraux conclus antérieurement entre les Parties.

2. Les Parties peuvent, lorsqu’elles le jugent nécessaire, adopter d’autres instruments, de nature complémentaire, dans tous les domaines couverts par le présent Traité.

Article 33

Tout différend concernant l’interprétation ou l’application du présent Traité est réglé par voie de consultations ou de négociation entre les Parties.

Article 34

Le présent Traité peut être amendé à tout moment, d’un commun accord entre les Parties. Ces amendements entrent en vigueur dans les conditions prévues à l’article 36.

Article 35

1. Le présent Traité est conclu pour une durée indéterminée.

2. Chaque Partie peut, à tout moment, dénoncer le présent Traité, par voie de notification adressée à l’autre Partie par la voie diplomatique. Le présent Traité cesse d’être en vigueur six mois après la date de réception de la notification.

Article 36

Chaque Partie notifie à l’autre Partie l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur du présent Traité, qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.

Fait à Barcelone, le 19 janvier 2023, en deux exemplaires originaux, en langues française et espagnole, les deux textes faisant également foi.

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