« Je viens d’un pays à la beauté tachée de sang »
À la tribune des Nations Unies, le président colombien a clairement inscrit son discours dans le contexte global de l'urgence climatique pour affronter un problème national : « qu'est-ce qui est le plus toxique pour l'humanité, la cocaïne, le charbon ou le pétrole ? » Nous en proposons une traduction commentée pour comprendre comment l'écologie de guerre rencontre la guerre contre la drogue en Amérique latine.
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- Le Grand Continent •
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Le 21 septembre 2022, le président de la Colombie, Gustavo Petro Urrego, s’est adressé à la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Son discours, bien que conforme à sa position politique et au plan du gouvernement, a fait à la fois l’objet de controverses et de louanges. Petro a prononcé un discours ouvertement dirigé vers les pays « du Nord » — en particulier les États-Unis — dans lequel il a rejeté avec force la guerre contre la drogue de ces quarante dernières années. Dans l’ensemble, le discours avait un caractère national et mondial, axé sur la stratégie anti-drogue et la défense de l’environnement et des ressources naturelles. Cette position s’inscrit dans la lignée des récits écosocialistes internationaux et de l’écologie de guerre, ainsi que dans une tendance politique, que l’Union européenne cherche à diriger, vers une transition verte et juste. Un exemple en est la réunion qu’il a ensuite tenue avec Ursula Von der Leyen au cours de laquelle il a souligné l’importance de relever les ambitions en matière de climat et les avantages de l’alliance Union-Colombie.
Dans son discours, Petro a réaffirmé l’orientation de la politique internationale de son gouvernement, qui a soulevé la nécessité de renégocier les accords de libre-échange, de promouvoir un front régional pour lutter contre le changement climatique et de réévaluer la stratégie mondiale de lutte contre la drogue. Sur ce dernier point, la comparaison entre l’exploitation du pétrole et du charbon et la production de cocaïne a généré de nombreuses polémiques.
Avec son discours, le président colombien se dit prêt à mener ce débat au niveau régional et multilatéral. La politique de sécurité de son gouvernement a mis en avant la nécessité de soutenir les programmes de transformation productive dans les régions où la coca est largement cultivée en Colombie, afin de renforcer la substitution des cultures illicites de manière globale. De même, il est prévu que la démobilisation des groupes armés illégaux soit effectuée avec une approche plus humaine en identifiant les financiers, les structures et les liens avec l’État, en plus de l’établissement d’une justice réparatrice. La manière dont l’opinion publique colombienne — et internationale — a interprété les références à l’échec de la guerre contre la drogue révèle un pays aux multiples contrastes, où les processus de transition vers la « non-violence » et la « paix totale » continueront à occuper une place importante dans la politique nationale et étrangère.
Je viens de l’un des trois plus beaux pays du monde.
Il y a une explosion de vie là-bas. Des milliers d’espèces multicolores dans les mers, dans les cieux, dans les terres… Je viens du pays des papillons jaunes et de la magie. Là, dans les montagnes et les vallées de tous les verts, non seulement les eaux abondantes coulent, mais aussi les torrents de sang. Je viens d’un pays d’une beauté sanglante.
Petro fait référence à l’un des symboles les plus connus de l’œuvre de Gabriel García Márquez, récompensée par le prix Nobel, Cent ans de solitude. Les papillons jaunes ont été cités comme un exemple de réalisme magique dans l’univers narratif de cette œuvre.
Mon pays n’est pas seulement beau, il est aussi violent.
La guerre contre les drogues était la stratégie des États-Unis initiée sous la présidence de Richard Nixon visant à persécuter la production, la commercialisation et la consommation de substances psychoactives en réponse à l’émergence du trafic de drogue. Dans le cadre de l’accord bilatéral connu sous le nom de « Plan Colombie » en 1998, les États-Unis sont devenus le principal partenaire de coopération de la Colombie pour « mettre fin au long conflit armé en Colombie, éliminer le trafic de drogue et promouvoir le développement économique et social ». Au début des années 2000, grâce aux fonds du Plan Colombie, le gouvernement Pastrana a renforcé les capacités matérielles et techniques des forces militaires et neutralisé l’avantage militaire des guérillas. Dans les années qui ont suivi, une nouvelle conception de la lutte contre les groupes guérilleros qualifiés de terroristes a été adoptée, influencée par la « guerre contre la terreur » qui a émergé à la suite des attentats du 11 septembre 2001. En 2011, l’ancien président Juan Manuel Santos a qualifié le plan de politique étrangère américaine bipartisane la plus réussie de ces derniers temps. Cependant, le plan a renforcé les liens et la dépendance de la Colombie à l’égard des États-Unis et, au fil du temps, il s’est révélé incapable de répondre à la dynamique interne plus complexe de compréhension du conflit, même s’il a contribué à ce que le pays soit considéré au niveau international comme un partenaire fiable et responsable.
Comment la beauté peut-elle s’allier à la mort ? Comment la biodiversité de la vie peut-elle éclater avec les danses de la mort et de l’horreur ? Qui est à blâmer pour avoir rompu l’enchantement avec la terreur ?
Qui ou quoi est responsable de noyer la vie dans les décisions routinières de la richesse et de l’intérêt ? Qui nous conduit à la destruction en tant que nation et en tant que peuple ?
Mon pays est beau parce qu’il a la jungle amazonienne, la jungle du Chocó, les eaux, la cordillère des Andes et les océans.
Dans ces forêts, de l’oxygène planétaire est émis et le CO2 atmosphérique est absorbé. L’une de ces plantes absorbant le CO2, parmi des millions d’espèces, est l’une des plus persécutées sur terre. On cherche à tout prix à la détruire : c’est une plante amazonienne, la coca, la plante sacrée des Incas.
Comme à un carrefour de chemins paradoxaux. La forêt qu’on tente de sauver est, en même temps, détruite.
Pour détruire la plante de coca, on jette des poisons et du glyphosate dans l’eau, on arrête les cultivateurs et on les emprisonne. Pour avoir détruit ou possédé la feuille de coca, un million de Latino-américains sont tués et deux millions d’Afro-américains sont emprisonnés en Amérique du Nord. Détruisez la plante qui tue, crient-ils depuis le Nord, mais cette plante n’est qu’une parmi les millions d’autres qui périssent lorsqu’on déchaîne le feu sur la jungle.
La pulvérisation de glyphosate est le principal outil utilisé dans la lutte contre les plantations de feuilles de coca dans la jungle colombienne. En 2015, le ministère de la Santé colombien a recommandé de « suspendre immédiatement l’utilisation du glyphosate dans les opérations de pulvérisation aérienne pour l’éradication des cultures illicites dans le cadre du Programme d’éradication des cultures illicites par pulvérisation aérienne de l’herbicide glyphosate (PECIG) », à la lumière de nouvelles preuves scientifiques sur les effets néfastes pour la santé et les éventuels effets cancérigènes. La pulvérisation de glyphosate pour éradiquer les cultures illicites a eu des répercussions sur la santé des communautés entourant les plantations, non seulement en détruisant les cultures licites, mais aussi en contaminant les rivières et en affectant leurs écosystèmes.
Détruire la jungle, l’Amazonie, est devenu le consigne suivie par les États et hommes d’affaires. Peu importe le cri des scientifiques qui baptise la Forêt tropicale comme l’un des grands piliers climatiques. Pour les rapports de force du monde, la forêt tropicale et ses habitants sont à blâmer pour le fléau qui les frappe. Les relations de pouvoir sont rongées par l’addiction à l’argent, à se perpétuer, au pétrole, à la cocaïne et aux drogues les plus dures afin de s’anesthésier davantage.
Rien n’est plus hypocrite que le discours pour sauver la Forêt.
La forêt tropicale brûle, Messieurs, pendant que vous faites la guerre et jouez avec elle. La forêt tropicale, pilier climatique du monde, disparaît avec toute sa vie. La grande éponge qui absorbe le CO2 planétaire s’évapore. La forêt salvatrice est considérée dans mon pays comme l’ennemi à vaincre, comme la mauvaise herbe à éradiquer. L’espace de la coca et des agriculteurs qui la cultivent, parce qu’ils n’ont rien d’autre à cultiver, est diabolisé. Vous ne vous intéressez à mon pays que pour jeter des poisons dans les forêts, mettre les hommes en prison et jeter les femmes dans l’exclusion. Vous ne vous intéressez pas à l’éducation des enfants ; vous préférez tuer sa forêt et extraire du charbon et du pétrole de ses entrailles. L’éponge qui absorbe les poisons est inutile, vous préférez jeter davantage de poisons dans l’atmosphère.
L’économie de la Colombie dépend de l’exportation de matières premières, provenant principalement de l’extraction de ressources naturelles et de l’exploitation minière. Les principales exportations de la Colombie sont le pétrole brut, les briquettes de charbon, le café, l’or et le pétrole raffiné, qui sont exportés vers ses principaux partenaires commerciaux, à savoir les États-Unis et la Chine, et des pays d’Amérique latine comme l’Équateur, le Panama et le Brésil. La Colombie est le cinquième exportateur mondial de charbon à faible teneur en cendres et à faibles émissions de dioxyde de soufre. Ses principaux partenaires commerciaux dans ce domaine sont les États-Unis et l’Europe. En 2021, Petro a exposé son idée d’un gouvernement responsable basé sur les piliers d’une économie décarbonée. Sa proposition politique comprend l’amorce d’une transition vers une économie moins dépendante des exportations de pétrole et de charbon. La proposition de l’époque était de donner la priorité aux réserves découvertes pour la consommation intérieure, en espérant que la demande intérieure de combustibles fossiles diminuerait, tandis que la matrice énergétique serait remplacée. Cela pourrait dans un premier temps avoir des conséquences négatives sur la balance commerciale, étant donné que les exportations sont dominées par le pétrole brut. Dans la proposition de Petro, à moyen terme, le pays devrait tirer ses sources de devises étrangères de l’industrie et de l’agriculture décarbonisées.
Nous vous servons pour excuser le vide et la solitude de votre propre société condamnée à vivre au milieu des bulles de drogues. Nous vous permettons de cacher vos problèmes que vous refusez de réformer. Il est plus simple de déclarer la guerre à la forêt, à ses plantes, à ses habitants.
Pendant que vous laissez brûler les forêts, pendant que les hypocrites chassent les plantes avec des poisons pour cacher les désastres de leur propre société, on nous demande toujours plus de charbon, toujours plus de pétrole, pour calmer l’autre addiction : celle de la consommation, du pouvoir, de l’argent.
Qu’est-ce qui est le plus toxique pour l’humanité, la cocaïne, le charbon ou le pétrole ? Les diktats du pouvoir ont ordonné que la cocaïne est le poison et doit être poursuivie, pour qu’elle ne provoque que des morts minimes par overdose, et bien plus par les mélanges provoqués par sa clandestinité imposée, mais, par contre, le charbon et le pétrole doivent être protégés pour que leur utilisation puisse éradiquer toute l’humanité. Ce sont les choses du pouvoir mondial, les choses de l’injustice, les choses de l’irrationalité, parce que le pouvoir mondial est devenu irrationnel.
Les liens entre la géopolitique et les hydrocarbures sont anciens et la présence des questions énergétiques dans les rapports de force est la norme, comme l’affirment à juste titre Durand et Keucheyan (2022). La crise environnementale est rejointe par la crise énergétique, exacerbée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces deux processus devraient donner naissance à une matrice stratégique alternative qui va au-delà de l’écologie de guerre : l’écosocialisme. Cela impliquerait une restructuration des modèles de production et de consommation, comme le suggère Petro, comme le résultat d’une volonté politique.
Vous voyez dans l’exubérance de la jungle, dans sa vitalité, ce qui est luxurieux, impur ; l’origine coupable de la tristesse de vos sociétés, imprégnées de la compulsion illimitée d’avoir et de consommer. Comment cacher la solitude du cœur, sa sécheresse au milieu de sociétés sans affection, compétitives au point d’emprisonner l’âme dans la solitude, sinon en accusant la plante, l’homme qui la cultive, les secrets libertaires de la forêt. Selon le pouvoir irrationnel du monde, ce n’est pas la faute du marché qui réduit l’existence, c’est la faute de la forêt et de ceux qui l’habitent.
Les comptes bancaires sont devenus illimités, l’argent épargné des personnes les plus puissantes de la planète ne peut même pas être dépensé dans le temps des siècles. La tristesse de l’existence produite par cet appel artificiel à la concurrence est remplie de bruits et de drogues. La dépendance à l’argent et à l’avoir a un autre visage : la dépendance à la drogue chez ceux qui perdent la compétition, pour les perdants de la course artificielle en laquelle l’humanité s’est transformée. La maladie de la solitude ne sera pas guérie par du glyphosate sur les forêts. Ce n’est pas la forêt la coupable. La coupable est votre société éduquée dans la consommation sans fin, dans la confusion stupide entre consommation et bonheur qui permet bien aux poches du pouvoir de se remplir d’argent.
Ici, Petro fait référence à la sobriété comme un impératif pour la transition vers une plus grande justice sociale. Mais le problème est de savoir comment cette sobriété face au productivisme et au consumérisme s’inscrit dans l’idée d’un développement exporté du Nord vers les pays du Sud et dans les aspirations des hautes classes latino-américaines. Cette « consommation sans fin » à laquelle Petro fait référence, dans une écologie punitive des modes de vie non durables, serait remplacée par une consommation collective. Dans une société comme celle de la Colombie, avec son premier président de gauche, ce changement de matrice sera très progressif et nécessitera également le soutien des citoyens, d’une part, et des pays développés, d’autre part, pour réduire l’impact sur les communautés fortement dépendantes des secteurs industriels émetteurs de CO2.
Le coupable de la toxicomanie n’est pas la forêt, c’est l’irrationalité de son pouvoir mondial.
Mettez un grand coup de raison à votre pouvoir. Rallumez les lumières du siècle.
La guerre contre la drogue dure depuis 40 ans, si nous ne rectifions pas le tir et qu’elle se poursuit pendant 40 ans encore, les États-Unis verront 2 800 000 jeunes mourir d’overdoses de fentanyl, qui n’est pas produit dans notre Amérique latine. Elle verra des millions d’Afro-Américains emprisonnés dans ses prisons privées. Les afro prisonniers deviendront le fonds de commerce des entreprises pénitentiaires, un million de latino-américains de plus seront assassinés, nos eaux et nos champs verts seront remplis de sang, le rêve de la démocratie mourra dans mon Amérique comme dans l’Amérique anglo-saxonne. La démocratie mourra là où elle est née, dans la grande Athènes d’Europe occidentale.
La crise des opioïdes aux États-Unis est à l’origine de la baisse de l’espérance de vie de ces dernières années dans le pays. Les « morts du désespoir » comme les appelle le prix Nobel d’économie Angus Deaton1.
En voulant cacher la vérité, vous verrez mourir la forêt et les démocraties.
La guerre contre la drogue a échoué. La lutte contre la crise climatique a échoué.
L’histoire avance à tâtons : les assemblages de pouvoir, de capital, de ressources, de mouvements sociaux qui font l’actualité subissent d’indéniables déstabilisations, sans que l’on ne voie clairement un ordre se dégager. Les sciences sociales sont appelées à épouser ces incertitudes, et parfois à faire l’hypothèse de futurs possibles.
Un numéro dirigé par Pierre Charbonnier.
Vous avez augmenté la consommation mortelle, vous êtes passé des drogues douces aux drogues dures, un génocide a eu lieu sur mon continent et dans mon pays, des millions de personnes ont été condamnés à la prison, et pour cacher vos propre culpabilités sociales, vous avez accusé la forêt tropicale et ses plantes. Vous avez rempli les discours et les politiques d’absurdités.
J’exige d’ici, de mon Amérique latine blessée, la fin de la guerre irrationnelle contre la drogue. La réduction de la consommation de drogues ne nécessite pas de guerres, elle nécessite que nous construisions tous une société meilleure : une société plus solidaire, plus affectueuse, où l’intensité de la vie sauve des dépendances et des nouvelles formes d’esclavage. Voulez-vous moins de drogues ? Pensez à moins de profit et à plus d’amours. Pensez à un exercice rationnel du pouvoir.
Ne touchez pas avec vos poisons la beauté de ma patrie. Aidez-nous sans hypocrisie à sauver la forêt amazonienne pour sauver la vie de l’humanité sur la planète.
L’interdiction de la production, de la consommation et de la commercialisation de la cocaïne dans les pays du « Nord » comme les États-Unis et l’Europe est la principale cause du succès du marché de la cocaïne produite dans des pays comme la Colombie et le Mexique. Depuis le début de l’année, l’Observatoire des droits de l’homme, des conflits et de la paix a recensé 250 victimes dans 79 massacres perpétrés en Colombie en raison de la violence liée à la drogue. De son côté, le Comité international de la Croix-Rouge indique dans son rapport 2022 que les mines antipersonnel font partie des armes utilisées par les narcotrafiquants pour protéger les cultures de coca et comme armes dans les différents conflits internes qui persistent dans le pays malgré l’accord de paix signé en 2016 entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Vous avez vous-mêmes rassemblé les scientifiques, et ils ont parlé avec raison. Avec les mathématiques et les modèles climatologiques, ils ont dit que la fin de l’espèce humaine était proche, que son temps n’est plus des millénaires, ni même des siècles. La science a tiré sur les sonnettes d’alarme et nous avons cessé de l’écouter. La guerre a servi d’excuse pour ne pas prendre les mesures nécessaires.
Quand il fallait agir, quand les discours ne servaient plus à rien, quand il était indispensable de mettre de l’argent dans des fonds pour sauver l’humanité, quand il fallait sortir au plus vite du charbon et du pétrole, on a inventé des guerres et des guerres. L’Ukraine a été envahie, mais aussi l’Irak, la Libye et la Syrie. Envahis au nom du pétrole et du gaz.
On a découvert au XXIe siècle la pire de des addictions : l’addiction à l’argent et au pétrole.
Les guerres vous ont servi d’excuse pour ne pas agir contre la crise climatique. Les guerres vous ont montré à quel point vous êtes dépendants de ce qui va tuer l’espèce humaine.
Si vous voyez des gens affamés et assoiffés qui migrent par millions vers le nord, là où se trouve l’eau, alors vous les enfermez, construisez des murs, déployez des mitrailleuses, tirez sur eux. Vous les expulsez comme s’ils n’étaient pas des êtres humains, vous reproduisez et multipliez par cinq la mentalité de ceux qui ont créé politiquement les chambres à gaz et les camps de concentration, vous reproduisez à l’échelle planétaire 1933. Le grand triomphe de l’assaut contre la raison.
En Colombie, près d’un million de personnes ont été touchées par des urgences climatiques en 2021, entraînant des déplacements internes dans le pays. À cela s’ajoute l’impact des saisons des pluies abondantes et des sécheresses sur les pertes de récoltes et donc sur la sécurité alimentaire des communautés rurales du pays. L’augmentation du nombre de personnes touchées est due à de multiples facteurs, notamment culturels, sociaux, économiques et historiques, en raison du déplacement des populations par la violence et donc de l’incapacité de nombreuses communautés à gérer les risques.
Ne voyez-vous pas que la solution au grand exode qui s’est abattu sur vos pays est de revenir à l’eau qui remplit les rivières et aux nutriments qui remplissent les champs ?
La catastrophe climatique nous remplit de virus qui nous envahissent et nous ravagent, mais vous faites des affaires avec les médicaments et transformez les vaccins en marchandises. Vous proposez que le marché nous sauve de ce que le marché lui-même a créé. Le Frankenstein de l’humanité consiste à laisser le marché et la cupidité agir sans planification, en renonçant au cerveau et à la raison. Agenouiller la rationalité humaine devant la cupidité.
Malgré un accès restreint aux vaccins, la Colombie a atteint un pourcentage élevé de vaccination nationale grâce aux mécanismes de distribution bilatéraux. Le pays a reçu des lots de Pfizer, AstraZeneca, Janssen, Moderna et Sinovac pour un total de 70 millions de doses de vaccins. Sur ce total, près de 19 millions ont été acheminés par le mécanisme COVAX2.
A quoi sert la guerre si ce dont nous avons besoin est de sauver l’espèce humaine ? A quoi servent l’OTAN et les empires si ce qui se profile est la fin de l’intelligence ?
La catastrophe climatique va tuer des centaines de millions de personnes et écoutez bien, elle n’est pas produite par la planète, elle est produite par le capital. La cause de la catastrophe climatique est le capital. La logique du rapport à l’autre pour consommer toujours plus, produire toujours plus, et pour certains gagner toujours plus, produit la catastrophe climatique. La logique de l’accumulation étendue a été articulée aux moteurs énergétiques du charbon et du pétrole et ont déclenché l’ouragan : le changement chimique profond et mortel de l’atmosphère. Maintenant, dans un monde parallèle, l’accumulation élargie du capital est une accumulation élargie de la mort.
La lutte contre le changement climatique fait partie des priorités du président Petro pour son gouvernement. Depuis sa campagne, Petro a proposé de respecter les accords signés par la Colombie lors des sommets sur le climat, par exemple l’accord de Paris, et de délimiter les zones de la Colombie qui risquent fortement d’être vulnérables au changement climatique comme zones de protection et de réserve environnementales. Il a également mentionné sa priorité de protéger l’Amazonie, une région pour laquelle il a également proposé la création d’un pacte régional et mondial pour sa défense. La protection des leaders environnementaux, conformément à l’accord d’Escazú, a également fait partie des initiatives prioritaires. Le gouvernement de Petro a assuré que sa priorité était d’initier une « transition énergétique juste et équitable, progressive et sûre, inclusive et participative, avec une exploitation responsable et à forte intensité de connaissances »3.
Depuis les terres de la forêt et de la beauté. Là où vous avez décidé de faire d’une plante de la forêt amazonienne un ennemi, d’extrader et d’emprisonner ses cultivateurs, je vous invite à arrêter la guerre, et à mettre fin à la catastrophe climatique.
Ici, dans cette forêt amazonienne, il y a un échec de l’humanité. Derrière les feux qui la brûlent, derrière son empoisonnement, il y a un échec intégral, civilisationnel, de l’humanité.
Derrière la dépendance à la cocaïne et aux drogues, derrière la dépendance au pétrole et au charbon, se cache la véritable dépendance de cette phase de l’histoire humaine : la dépendance au pouvoir irrationnel, au profit et à l’argent. C’est l’énorme machine mortelle qui peut éteindre l’humanité.
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Je vous propose, en tant que président de l’un des plus beaux pays du monde, et l’un des plus ensanglantés et pillé, de mettre fin à la guerre contre la drogue et de permettre à notre peuple de vivre en paix.
Petro n’est pas le premier président colombien à demander la fin de la guerre contre la drogue. « La guerre contre la drogue n’a pas été gagnée et n’est pas en train d’être gagnée. Nous avons besoin de nouvelles approches et de nouvelles stratégies », a déclaré Juan Manuel Santos en 2016 lors de son dernier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, évoquant une approche fondée sur les droits de l’homme et la santé publique4.
J’appelle toute l’Amérique latine à cette fin. J’appelle la voix de l’Amérique latine à s’unir pour vaincre l’irrationnel qui martyrise notre corps.
Je vous demande de sauver la forêt amazonienne dans son intégralité avec les ressources qui peuvent être allouées globalement à la vie. Si vous n’avez pas la capacité de financer le fonds pour la revitalisation des forêts, si l’argent est plus important pour les armes que pour la vie, alors réduisez la dette extérieure pour libérer nos propres espaces budgétaires et avec eux, accomplissez la tâche de sauver l’humanité et la vie sur la planète. Nous pouvons le faire nous-mêmes si vous ne le voulez pas. Il suffit d’échanger la dette contre la vie, contre la nature.
Je vous propose, et j’appelle l’Amérique latine à faire de même, d’engager le dialogue pour mettre fin à la guerre. Ne nous poussez pas à nous aligner sur les champs de bataille. L’heure est à la PAIX. Que les peuples slaves se parlent entre eux, que les peuples du monde se parlent entre eux. La guerre n’est qu’un piège qui rapproche la fin des temps dans la grande orgie de l’irrationalité.
« La paix est possible si nous changeons la politique de lutte contre la drogue, par exemple, vue comme une guerre, pour une politique de forte prévention de la consommation dans les sociétés développées », a déclaré Gustavo Petro dans son discours d’investiture le 7 août 2022. Il a poursuivi : « Il est temps d’adopter une nouvelle convention internationale qui reconnaisse que la guerre contre la drogue a échoué, qu’un million de Latino-Américains ont été assassinés au cours de ces 40 années et que 70 000 Nord-Américains meurent chaque année d’overdoses. Que la guerre contre la drogue a renforcé les mafias et affaibli les États ». Cette vision s’est matérialisée au cours de son premier mois et demi de mandat par le rétablissement des relations diplomatiques avec le Venezuela – après la rupture de 2019 – et la volonté d’établir une table de dialogue avec l’Armée de libération nationale (ELN), avec le Chili et le Venezuela comme garants. L’ELN est l’une des dernières guérillas présentes sur le territoire national qui n’a pas rejoint le processus de paix de La Havane mené par l’ancien président Juan Manuel Santos avec les anciennes FARC. L’objectif de Gustavo Petro est d’ouvrir cette table de dialogue à tous les acteurs afin d’atteindre ce qu’il a appelé la « paix totale ». Le président Petro a reçu le soutien d’organisations internationales et de la société civile pour cette proposition, affirmant que si elle est correctement conçue et mise en œuvre, « elle pourrait contribuer à faire progresser les droits de l’homme dans des régions de Colombie qui ont subi pendant des décennies de graves abus de la part de tous les acteurs du conflit armé ».
Depuis l’Amérique latine, nous appelons l’Ukraine et la Russie à faire la paix.
Ce n’est que dans la paix que nous pourrons sauver la vie dans ce pays qui est le nôtre. Il n’y a pas de paix totale sans justice sociale, économique et environnementale.
Nous sommes en guerre, aussi, avec la planète. Sans paix avec la planète, il n’y aura pas de paix entre les nations.
Sans justice sociale, il n’y a pas de paix sociale.
Sources
- Gawande, Atul (2020). Why Americans are Dying from Despair. The New Yorker, March 16.)
- Ministerio de Salud y Protección Social. Vacunación contra COVID-19. [Consulté le 22 septembre de 2022]
- Ministerio de Minas y Energía (2022). El Gobierno y gremios encaminan su agenda hacia la aceleración de la transición energética y la justicia en las tarifas de servicios (19 de agosto)
- ONU (2016), Noticias ONU : Colombia : No hemos ganado la guerra contra las drogas, debemos replantear el enfoque, dice el presidente, https://news.un.org/es/story/2016/04/1355501