• Depuis 1997, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord disposent de parlements nationaux au sein du Royaume-Uni. Ces parlements possèdent des pouvoirs « dévolus » en matière de santé, d’éducation et de transports, tandis que les pouvoirs régaliens restent une prérogative de Westminster. 
  • Ce jeudi 5 mai, les élections au Parlement d’Irlande du Nord seront déterminantes pour l’avenir du Royaume-Uni car elles pourraient voir, pour la première fois, le parti nationaliste Sinn Féin (SF) — favorable à une réunification avec la République d’Irlande — arriver en tête des scrutins. Le Parti unioniste démocrate (DUP) est quant à lui relégué à plusieurs points derrière le Sinn Féin dans les derniers sondages. 
  • Dans un territoire marqué par la guerre civile entre loyalistes, partisans du maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni et les nationalistes de l’IRA, favorables à une réunification irlandaise, un tel résultat pourrait être vecteur de nouvelles tensions. En 1998, les accords du Vendredi Saint avaient permis de mettre fin à la guerre civile, notamment grâce à la répartition du pouvoir entre loyalistes et républicains pro-réunification — contraints depuis de gouverner ensemble. Depuis 1998, le Premier ministre (first minister) et le Vice-premier ministre appartiennent aux deux partis arrivés en tête aux élections.
  • Depuis le Brexit (2016) — que les Nord-Irlandais ont rejeté à 55,8 %, tandis que l’ensemble du Royaume-Uni a voté à 52 % pour —, la stabilité politique de l’Irlande du Nord est fragile. L’accord entre l’Union et le Royaume-Uni de décembre 2020 a imposé une frontière douanière en mer entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, afin que la frontière entre les deux Irlande reste une zone de libre circulation des biens et des personnes, sans contrôles frontaliers. Cette frontière, appelée communément protocole nord-irlandais (NI), est encore dysfonctionnelle au point que James Cleverly, le ministre d’État britannique pour l’Europe et l’Amérique du Nord (ou ministre de l’Europe), a déclaré la semaine dernière que les négociations entre l’Union et le Royaume-Uni étaient dans une « sorte d’impasse »1
  • Cette frontière a toutefois redéfini les lignes politiques entre les partis nord-irlandais : le DUP souhaite abolir le protocole pour favoriser l’unité du Royaume-Uni, tandis que le Sinn Féin s’oppose à Westminster sur le sujet et ne cesse de critiquer la politique post-Brexit du Royaume-Uni, tout en se rapprochant de la République d’Irlande et de l’Union européenne. Les alliés en République d’Irlande du Sinn Féin nord-irlandais ont d’ailleurs remporté les élections nationales irlandaises en 2020, et se situent toujours en tête des sondages d’opinion.
  • La campagne électorale s’est beaucoup portée sur le pouvoir d’achat, alors que l’inflation annuelle en mars 2022 a atteint 7 % au Royaume-Uni, et que la banque d’Angleterre prévoit un pic d’inflation de 10 % au quatrième trimestre 2022. En cas de victoire du Sinn Féin, l’Irlande du Nord pourrait être dirigée pour la première fois par un Premier ministre du parti unioniste, contraignant le DUP à accepter le poste de vice-Premier ministre, ce qui est loin d’être garanti. Le refus par le parti qui arrivera en deuxième place d’accepter ce poste conduirait à la situation de blocage politique dans lequel l’Irlande du Nord se trouve depuis le 4 février dernier, faisant suite à la démission du Premier ministre unioniste Paul Givan.
  • Les élections locales dans l’ensemble du Royaume-Uni constituent également un test pour le Premier ministre britannique Boris Johnson. Après avoir remporté les élections législatives triomphalement en décembre 2019, Boris Johnson et les Tories ont vu leur popularité entachée par les scandales à répétition sur le « Party Gate », ces fêtes organisées pendant les confinements des années 2020-2021 à Downing Street. Dans les sondages nationaux, les travaillistes sont aujourd’hui plus populaires que les conservateurs, et une défaite de ces derniers lors des élections locales pourrait porter atteinte à nouveau au capital politique de Boris Johnson.
Sources
  1. William James, « UK and EU at impasse over changes to N.Ireland protocol », Reuters, 28 avril 2022.