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Key Points
- Si ces derniers jours montrent peu de changement, ils permettent de dessiner un modèle.
- La campagne de conquête russe rapide s’est transformée en une campagne lente. À celle-ci, les Ukrainiens opposent une campagne d’usure.
- Il est possible que la campagne de conquête des Russes soit achevée sans que la campagne d’usure ukrainienne ne le soit. Dans ce cas-là, les Russes n’auront d’autres choix que de passer à leur tour à une campagne d’usure contre cette guérilla.
La version d’hier est disponible ici. L’archive des analyses quotidiennes de Michel Goya est disponible à ce lien.
Situation générale
Peu de changements sont à noter depuis ces derniers jours. Les forces russes sont toujours absorbées dans l’encerclement de Kiev et les sièges de Kharkiv et Marioupol, avec également des opérations de reconnaissances offensives vers le Dniepr.
Dans les airs, on dénombre de lourdes pertes russes avec 5 avions de combat et 3 hélicoptères détruits en un jour. La guérilla anti-aérienne par MANPADS (un missile sol-air léger lancé par l’épaule) s’avère efficace. Des indices montrent que l’activité aérienne ukrainienne se poursuit.
En mer, on retrouve des indices d’installation de moyens anti-accès (anti-navires, anti-aériens) dans l’île des Serpents face à la Roumanie. La présence navale russe se renforce quant à elle face à Odessa.
Zone Nord-Ouest
Sur le front du Nord-Ouest, la situation reste inchangée. On enregistre de nombreuses frappes entre Jytomir et Kiev, qui sont peut-être l’indice d’un effort prochain dans la région.
Zone de Kiev
Assez peu de progrès russes sont à noter dans la capitale. Les faubourgs Ouest et aéroport de Gostomel toujours disputés. Une base d’hélicoptères (31e BAA) a été établie à 70 km Nord-Ouest de Kiev. La résistance à Chernihiv bloque toujours la 41e Armée au Nord. Des reconnaissances offensives russes depuis l’Est (peut-être la 20e Armée) pourraient laisser présager d’abordage de Kiev par ce flanc.
Zone Centre-Est
Le pilonnage de Kharkiv se poursuit, en préparation probable d’un assaut prochain de la 1ère ABG. Des éléments de la 6e Armée ont également été identifiés dans la région, peut-être s’agit-il de son état-major qui prendrait le combat à son compte.
La jonction de la 1ère ABG et de la 8e Armée de Louhansk semble être en cours de réalisation. Un effort probable à venir de la 1ère ABG est attendu depuis Kharkiv, en plus de la 49e Armée depuis Donetsk en direction de Dnipropetrovsk sur le Dniepr – une manœuvre qui serait plus difficile à réaliser.
Zone Sud-Est
Le siège de Marioupol se poursuit avec des éléments de la 49e Armée et de la 58e Armée. Entre siège et assaut, l’attitude russe est incertaine.
Zone Sud-Ouest
Sur le front Sud-Ouest, l’armée russe consolide ses efforts à Kherson et poursuit ses attaques vers Mykolaev. La 810e brigade d’infanterie navale est en attente dans navires amphibies, probablement pour l’attaque d’Odessa – qui s’avère de plus en plus un objectif prochain certain. On note aussi la présence de la Garde nationale (Rosgvardia) à Kherson.
Perspectives : la théorie des deux campagnes
Sur le “front intérieur” russe, on se prépare psychologiquement pour une guerre de longue durée, qui passera peut-être par l’extension de la conscription, et violente. L’apparition de dépôts de réservistes (Belgorod) pour remplacer les pertes individuelles en première ligne est une méthode particulièrement désastreuse au plan psychologique.
Les nombreuses accusations d’exactions, de viols, de pillages par des soldats russes dans les zones conquises sont l’indice d’une faible discipline et sont peu propices au contrôle effectif des populations.
Dans les zones conquises, l’activité ukrainienne est importante, avec notamment des manifestations civiles. Il sera intéressant de voir si cela peut avoir un impact sur le moral russe et de voir comment la Garde nationale russe va gérer ce phénomène. La montée en puissance probable de combat de « partisans » augure de la création d’un front arrière.
Il faut noter l’efficacité des forces spéciales ukrainiennes, en particulier dans la région ouest de Kiev. Elle pourrait se catalyser dans des raids au-delà de la frontière ukrainienne, en Russie – des frappes qui auraient une valeur hautement symbolique.
La campagne de conquête est une conquête qui se fait par étapes, en s’emparant d’un point géographique après l’autre. De manière séquentielle, la conquête d’un point conditionne celle du suivant, et on peut la suivre sur la carte en regardant la progression des drapeaux.
Elle peut être mobile et rapide, visant à disloquer la capacité de combattre l’ennemi en pénétrant le plus vite possible dans la profondeur de son territoire – c’était la phase 1 de l’offensive russe, qui s’est soldée par un échec. La campagne de conquête peut être aussi méthodique et lente sur une ligne de front. C’est la situation actuelle à laquelle on assiste en ce moment.
La campagne d’usure – ou de pression – est une campagne visant à affaiblir la force ennemie – physique ou morale. C’est un processus cumulatif, l’effet stratégique – effondrement, destruction, négociation favorable – ne pouvant émerger qu’après une longue phase d’attente. Par défaut, c’est fondamentalement la stratégie ukrainienne, qui passe par la résistance offerte sur les zones de combats et peut-être de plus en plus par le harcèlement sur les arrières russes.
La campagne de conquête peut se terminer (des drapeaux russes plantés dans toutes les villes) sans que la campagne d’usure ukrainienne ne le soit (guérilla). Dans ce cas-là, pas d’autre choix pour les Russes que de passer à leur tour à une campagne d’usure contre cette guérilla.