• Rappel des faits. À la veille d’un Conseil européen où les relations avec la Russie étaient à l’ordre du jour, les autorités biélorusses ont forcé un avion de la compagnie aérienne Ryanair qui effectuait la liaison Athènes-Vilnius à dévier sa trajectoire et à atterrir à Minsk. Vous pouvez lire notre synthèse de l’essentiel faite à chaud ici – trois choses ont changé depuis hier :

Le PDG de Ryanair a qualifié d’«  acte de piraterie aérienne » l’interception du vol, ce qui a conduit plusieurs compagnies aériennes baltes et scandinaves à éviter l’espace aérien biélorusse. L’Ukraine a également interdit tous les vols directs vers le Bélarus. L’Organisation de l’aviation civile internationale a déclaré dans un communiqué que l’atterrissage «  pourrait être contraire à la Convention de Chicago », le principal traité qui régit les règles internationales relatives au transport aérien et garantit la souveraineté nationale en matière de réglementation aérienne.

La Maison blanche a de son côté affirmé avoir exprimé sa préoccupation au Bélarus ainsi qu’à la Russie «  en raison des relations étroites entre les deux pays », accélérant l’effet bandwagoning en Europe : l’intégralité des États membres de l’Union ont pris position contre l’enlèvement de l’opposant mais Viktor Orban est resté évasif sur la Russie et le Bélarus.

Dans la journée, le régime de Loukachenko a publié cette vidéo. On y voit Roman Protosevich, le visage couvert d’ecchymoses, déclarant face caméra  : «  Je coopère avec l’enquête et je fais des aveux liés au fait d’organiser des troubles de masse. »

  • Le Conseil européen qui se tient jusqu’à demain à Bruxelles était particulièrement attendu, la question de la relation avec la Russie figurait déjà à l’ordre du jour. La crise provoquée par l’affaire du vol Ryanair est un test pour l’ambition géopolitique souvent affichée, mais avec des résultats peu concluants. Au premier soir du Conseil, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé d’une série de résolutions :

Dans leurs conclusions, les leaders européens demandent la libération immédiate de Raman Pratasevich et de sa compagne Sofia Sapega. Ils appellent également l’Organisation de l’aviation civile internationale à lancer une enquête en urgence sur cet incident.

Espace aérien. Le Conseil européen invite le Conseil des Ministres à adopter les mesures nécessaires pour interdire le survol de l’espace aérien européen par les compagnies aériennes biélorusses ainsi que l’accès aux aéroports de l’Union des vols exploités par ces compagnies aériennes. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle pour l’Union. Le Conseil demande également à tous les transporteurs basés dans l’Union d’éviter le survol du Bélarus. 

Sanctions. Le Conseil demande également l’adoption rapide de sanctions supplémentaires à l’égard d’une liste étoffée de responsables biélorusses, notamment des sanctions individuelles et économiques ciblées. Le Haut représentant Josep Borrell et la Commission sont mandatés par le Conseil de faire sans tarder des propositions en ce sens.

  • De son côté, la Russie dénonce les accusations européennes – définies  «  choquantes  » – mais ne cherche pas vraiment à justifier l’affaire Ryanair. Comme nous l’anticipations hier, en suivant une rhétorique  «  whataboutiste », courante en Russie pour rejeter les accusations occidentales, la porte parole du MAF russe a de nouveau évoqué la comparaison entre ce détournement et l’arrestation de l’avion d’Evo Morales à Vienne en 2013 qui avait pour but de rechercher si Snowden se trouvait dans l’appareil.
  • La ligne qui semble passer semble être celle qui avait été défendue par le Haut Représentant Josep Borell au Grand Continent, d’une confrontation de « l’Europe face aux nouveaux empires » : «  Moscou estime en effet avoir un droit de regard sur la Biélorussie et entend empêcher les Européens de soutenir les protestations de la société civile contre les élections présidentielles truquées. Ce conflit n’oppose pourtant pas l’Europe et la Russie, mais le peuple du Belarus et ses dirigeants ».