• Dans une ordonnance publiée le 26 mars, la Cour Constitutionnelle allemande a suspendu la dernière étape qui doit permettre la ratification de la décision sur les ressources propres par l’Allemagne, à savoir la promulgation de la loi par le président Frank-Walter Steinmeier initialement prévue pour le 27 mars. Ce processus est une étape indispensable pour le déploiement du fonds de relance européen. 
  • Cette décision survient juste après le feu vert donné par le Bundestag (avec 478 voix sur 645) et le Bundesrat, alors qu’un recours d’urgence contre la décision sur les ressources propres a été introduit auprès de la Cour par Bündnis Bürgerwille, un groupe de citoyens notoirement eurosceptique et présidé par Bernd Lucke, co fondateur du parti Alternative für Deutschland (AfD).
  • Comme le note Shahin Vallée, le précédent de 2012 pouvait se comprendre dans la mesure où la création du MES prévoyait un transfert de compétence ayant potentiellement un impact sur les traités européens. Dans le cas présent, si la décision sur les ressources propres est une condition préalable au fonctionnement de la facilité pour la reprise et la résilience (le principal instrument du fonds de relance), elle ne crée pas de transfert de compétence au niveau de l’Union. La démarche de Bündnis Bürgerwille s’inscrit dans une volonté de freiner toute mesure pouvant déboucher sur la pérennisation d’une « union budgétaire ». A ce titre, certains observateurs dénoncent une tentative d’instrumentalisation de la Cour à des fins politiques.
  • Pour l’heure, il est difficile d’estimer dans quelle mesure la décision de la Cour constitutionnelle constitue un obstacle opérationnel sérieux à la ratification de la décision ressources propres. Cette décision, notamment si la Cour constitutionnelle allemande décide de renvoyer l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne, risque néanmoins de ralentir le processus de ratification et retarder le déploiement du plan de relance européen. Ce retard est particulièrement inopportun, alors que de nombreuses voix s’inquiètent d’ores et déjà de l’insuffisance du plan de relance européen pour faire face aux retombées économiques du Covid-19.
  • Sur le plan économique, ce retard accroît la pression qui pèse sur les États membres pour prendre des mesures de relance supplémentaires au niveau national. Politiquement, cette décision pose avec plus d’acuité la question de la faisabilité d’une pérennisation du mécanisme d’endettement commun au sein de l’Union européenne, au-delà de la crise du Covid-19.