Alors qu’un été très mouvementé, marqué par des crises aux confins de l’Union et par la persistance du Covid-19, s’achève, le président français a invité la chancelière allemande dans sa résidence d’été méditerranéenne du Fort de Brégançon, non loin de Toulon. 

Angela Merkel, qui entame en septembre la dernière année de son quatrième mandat, a rendu visite pour la première fois à Emmanuel Macron à Brégançon. Le dernier chef de gouvernement allemand à avoir fait le voyage était Helmut Kohl, reçu en 1985 par François Mitterrand. Emmanuel Macron y a cependant invité un hôte de marque chaque été depuis deux ans : Theresa May en 2018, puis Vladimir Poutine en 2019. L’égard témoigné par le président français à la chancelière est considéré à Paris comme une marque de la qualité de la relation bilatérale. Les deux dirigeants semblaient heureux de se retrouver jeudi après midi, se saluant à distance d’un « namasté » souriant, de rigueur en cette période de pandémie1

La France comme l’Allemagne ont marqué leur « claire solidarité » avec la Grèce et Chypre. Les deux partenaires veulent développer un « agenda commun » pour la Méditerranée orientale, autour de deux objectifs : désescalade et respect du droit international. Effet concret de la rencontre, la solidarité européenne est bien remise au premier plan et réaffirmée. Sur le dossier méditerranéen, Angela Merkel s’est cependant montrée nuancée : tout en reconnaissant la légitimité de l’appui militaire de la France aux partenaires européens, elle a souligné sa compatibilité au sein d’une approche globale avec un soutien allemand à la reprise du dialogue gréco-turc.

« On peut appuyer des partenaires européens, on peut envoyer des bateaux sur place [comme la France], mais nous [l’Allemagne] nous engageons aussi pour que le dialogue entre la Grèce et la Turquie reprenne. Nous voulons qu’en découle un projet d’ensemble. C’est difficile de savoir ce qui est le plus important, si telle ou telle stratégie est la meilleure. C’est pourquoi nous travaillons ensemble. »

Au moins, les deux stratégies sont désormais présentées comme complémentaires et non concurrentes, et on peut espérer désormais que les formulations malheureuses seront évitées des deux côtés. 

Sur tous les autres dossiers, de la Biélorussie au Mali en passant par la rentrée des classes sous le signe du Covid, jusqu’à l’hospitalisation d’Alexeï Navalny, on a pu remarquer une réelle convergence de vues entre la France et l’Allemagne. Les deux dirigeants se sont déclarés opposés à une nouvelle fermeture des frontières intra-européennes, en privilégiant une lutte coordonnée au niveau européen contre les foyers épidémiques.

Comme le rapportent la Süddeutsche Zeitung et Bild, l’entourage de Navalny serait en train de préparer son transfert vers un hôpital d’Europe occidentale2. Le Bild annonce que l’hôpital berlinois de la Charité se tient prêt à accueillir l’opposant russe et qu’un avion pourrait partir dans les jours à venir3. Le président français et la chancelière allemande ont tous deux tenu en substance le même langage, en proposant « d’apporter toute l’assistance nécessaire à Alexeï Navalny, à ses proches, sur le plan sanitaire, sur le plan de l’asile, de la protection », selon les mots d’Emmanuel Macron4

Perspectives :

  • L’Allemagne préside jusqu’au 31 décembre 2020 le conseil de l’Union européenne. Le programme élaboré par l’Auswärtige Amt souligne la nécessité d’« intensifier notre engagement visant à gérer les grands conflits internationaux ; cela vaut pour la résolution du conflit en Libye, la gestion des conséquences de la crise en Syrie, la résolution de la question nucléaire avec l’Iran, pour le Sahel et l’est de l’Ukraine. » Les tensions avec la Turquie ne sont pas évoquées directement dans le texte.5
Sources
  1. Nadia Pantel, „Merkel-Besuch in Frankreich – Auf Macrons Festung”, Süddeutsche Zeitung, 20 août 2020.
  2. Silke Bigalke, „Russland : Oppositioneller Nawalny im Krankenhaus”, Süddeutsche Zeitung, 20 août 2020.
  3. Paul Ronzheimer et Philipp Piatov, „Behandlung in der Berliner Charité – Putin-Kritiker Nawalny soll nach Deutschland”, Bild, 20 août 2020.
  4. « Emmanuel Macron se dit prêt à offrir « l’asile » à l’opposant russe Alexeï Navalny, hospitalisé en Sibérie dans un état grave », France Info, 20 août 2020.
  5. Tous ensemble pour relancer l’Europe, Programme de la présidence allemande du conseil de l’UE au second semestre 2020.