Depuis 2014, époque à laquelle Uber s’est installé au Brésil, les plateformes de services numériques à la demande se sont répandues dans tout le Brésil et une multitude de travailleurs ont commencé à fournir des services de transport et de livraison, principalement en raison de la crise économique et de la progression du chômage.1 Depuis, d’autres sociétés sont apparues, telles que Cabify, 99, Loggi, Glovo2, Rappi, Ifood, Lady Driver, qui ont concentré leurs activités sur le transport/mobilité des personnes et la livraison de marchandises par plateforme numérique.3

Selon les données de l’institut de recherche Locomotive4, en avril 2019, 3,8 millions de travailleurs brésiliens utilisaient les plateformes numériques comme source de revenus. Depuis leur arrivée au Brésil, ces plateformes numériques attirent des personnes qui ont du mal à entrer sur le marché du travail officiel et à obtenir un certain revenu, même si elles doivent faire face à de longues heures de travail, à une rémunération faible et à l’absence de protection ou de sécurité.  

Comme dans la plupart des pays du monde, ces plateformes se présentent comme des entreprises technologiques qui assurent l’intermédiation de services fournis par des partenaires à des clients enregistrés. Ces prestataires de services, dit partenaires, sont engagés en tant que travailleurs indépendants.

Dans le système juridique brésilien, il n’y aura de relation de travail et, par conséquent, le travailleur ne pourra jouir des droits du travail garantis par la Constitution fédérale et la législation, que si l’activité est exercée personnellement, avec régularité, subordination et contre rémunération. Sinon, le travailleur, sauf dans le cas du travail à la demande dans les ports, sera pratiquement exclu de la jouissance de tous les droits du travail.

Depuis 2011, la loi brésilienne prévoit que « les moyens télématiques et informatisés de commandement, de contrôle et de supervision sont équivalents, aux fins de la subordination juridique, aux moyens personnels et directs de commandement, de contrôle et de supervision du travail d’autrui », c’est-à-dire que la législation prévoit déjà expressément la subordination algorithmique5.

Même si elles se refusent à être reconnues comme employeurs, les plateformes numériques qui fournissent des services à la demande définissent et autorisent qui peut offrir son travail pour l’application, comment le service doit être fourni, quand, comment et combien de compensation monétaire sera répercutée, les pratiques à adopter par les fournisseurs pendant le développement de l’activité, et ont également toute liberté de suspendre ou bloquer le travailleur de la plateforme. Les entreprises sont toujours en mesure de contrôler la fourniture de services par l’évaluation des consommateurs de services à la demande, au point que cette qualification se répercute sur la continuité ou non du travailleur en tant que prestataire de services par la plateforme. Il existe également plusieurs formes de contrôle par l’algorithme combiné au système de géolocalisation.

Une caractéristique de la législation brésilienne est que les travailleurs indépendants peuvent former des syndicats et négocier collectivement. Cependant, jusqu’à présent, les travailleurs des plateformes n’ont pas utilisé ces prérogatives.6

Néanmoins, nous assistons à une forte croissance de l’organisation des travailleurs des plateformes pour exiger de meilleures conditions de travail, qui se sont énormément détériorées pendant la pandémie. Le 1er juillet 2020, nous avons eu une grève générale des livreurs, qui a paralysé leurs activités dans plusieurs villes brésiliennes. Les manifestations ont eu un grand soutien populaire, un fort effet dans les réseaux sociaux et une bonne répercussion dans les médias, ce qui a poussé le président du Congrès national à s’engager à faire avancer les projets de loi qui tentent de garantir certains droits à ces travailleurs, notamment en ce qui concerne le Coronavirus.

Au Brésil, les litiges liés à la relation de travail, à l’exception des questions relatives aux fonctionnaires ayant un statut administratif, sont jugés par une justice spécialisée ayant une compétence constitutionnelle7, la justice du travail, organisée en trois instances (tribunaux du travail, cours d’appel régionales du travail et la Cour supérieure du travail).

Face à l’inexistence d’une législation spécifique réglementant le travail effectué au moyen des plateformes numériques à la demande et en raison du conflit sur la place et la valeur du droit du travail dans notre société, la justice du travail a présenté plusieurs décisions contradictoires à cet égard. Il y a eu une multiplication des actions dans tout le pays, ce qui rend le catalogage difficile, soit parce que plusieurs d’entre elles aboutissent à un accord en première instance, soit en raison du gigantisme du pays et de la Justice du travail elle-même, avec 24 Cours régionales différentes.

Dans la plupart des cas, les travailleurs s’adressent au tribunal pour demander leur reclassement en tant que salarié. Il y a également des affaires déposées devant les tribunaux communs, sans demande de reclassement, pour examiner principalement les questions liées au blocage et à la désactivation des plateformes. De plus, avec la survenue de la calamité sanitaire due à la pandémie Covid-19, des poursuites ont été engagées devant les tribunaux du travail pour demander le paiement du salaire minimum par heure effectivement travaillée ou mise à disposition, le paiement des prestations pendant la période où le travailleur est absent pour avoir contracté le virus, une aide financière pour l’acquisition d’équipements de protection individuelle et la réduction du pourcentage à reverser à l’entreprise.

À ce jour, peu de recours ont été introduits devant les juridictions supérieures concernant la fourniture de services de transport de personnes et de livraison de marchandises par plateforme numérique.  Certaines des actions qui sont parvenues à la Cour supérieure du travail n’ont pas pris en compte la discussion sur l’existence de la relation de travail en raison de questions de procédure, telles que l’absence de motivation adéquate ou la nécessité de réanalyser les preuves, ce qui n’est pas autorisé par les juridictions supérieures.8

Les actions qui ont en quelque sorte conduit à l’analyse des juridictions supérieures concernant la classification des travailleurs de plateforme peuvent être divisées en trois types : les recours demandant la reconnaissance de la condition de salarié ; les recours sur la condition de travailleur indépendant ; et les recours en relation avec la pandémie Covid-19.

1. Recours avec demande de reconnaissance de la condition de salarié

Dans ce processus, qui a conduit à la phase d’appel devant le Tribunal régional du travail de la 2ème région (São Paulo), la relation de travail entre le chauffeur et la société propriétaire de la plateforme numérique Uber a été reconnue, puisque les preuves présentées ont démontré l’existence de travail exercé personnellement, avec régularité, rémunération et subordination, c’est-à-dire les indices de la relation de travail. La clause du contrat qui faisait du travailleur un  indépendant a été considérée comme frauduleuse.9

La cour a indiqué que l’objet social de l’entreprise est le transport de passagers et que la relation entre le chauffeur et les plateformes ne relève pas de l’économie du partage (sharing economy), car les entreprises « font des bénéfices sans rien partager », ce qui les distingue du véritable partage comme l’auto-stop.

La décision souligne également l’existence d’un « contrôle effectif dans la réalisation du service de transport fourni par le chauffeur » et que, si la plateforme représentait un « simple outil électronique », « les défendeurs ne suggéreraient pas le prix du service de transport à fournir et établiraient sur la valeur suggérée le pourcentage qui lui est destiné », et les évaluations faites par les utilisateurs ne conditionneraient pas la permanence du chauffeur comme prestataire dans la plateforme.

Les juges ont compris qu’il y avait une régularité dans le service rendu et que pour la preuve du caractère onéreux de la prestation, il importe peu que le travail soit payé directement par l’entreprise. Concernant le pourcentage réservé au chauffeur (entre 75 % et 80 % du montant payé pour le service rendu), la décision a établi que cette situation ne caractérise pas un contrat de partenariat, car les frais à payer par le chauffeur sont élevés (location de voiture, carburant, fournisseur d’accès à internet).

Le travail doit aussi être effectué en personne, puisque le chauffeur doit être préalablement enregistré.

La décision précise qu’il ne s’agit pas d’un cas classique de subordination, mais que la plateforme suggère le montant à facturer pour le service fourni, et que « les entreprises utilisent des mécanismes indirects pour obtenir une disponibilité maximale du chauffeur aux besoins des utilisateurs qu’elles desservent », outre que « les évaluations des utilisateurs sont déterminantes pour le maintien de l’enregistrement du chauffeur », caractérisant ainsi la subordination.

Uber a fait appel devant la Cour supérieure du travail et, le 5 février 2020, la 5e chambre de la Cour supérieure du travail, avec une rapidité inhabituelle, a réformé la décision du tribunal ordinaire, excluant le reclassement en salarié admis par la deuxième instance.

Les juges qui composent la 5ème chambre ont indiqué que la subordination et la dépendance économique dans la relation juridique était absente, outre le manque de régularité dans le service fourni, parce que le chauffeur pouvait rester « hors ligne », « sans délimitation de temps » par l’entreprise.

En ce qui concerne la subordination, la décision indiquait que le travailleur avait une flexibilité et une autodétermination totales afin d’avoir sa routine, ses heures de travail, de choisir les endroits où il fournirait ses services et le nombre de clients à servir par jour.

Elle a également souligné que le fait que les utilisateurs des services effectuent l’évaluation des travailleurs ne caractériserait pas non plus la subordination, ne représentant qu’un moyen de fournit un retour d’information pour les autres utilisateurs. Par ailleurs, elle a fait valoir que le licenciement de travailleurs mal évalués tient compte de la permanence de l’entreprise sur le marché et interèsse à des consommateurs des services.

En ce qui concerne la dépendance économique, il est indiqué dans la décision que le travailleur a adhéré aux services d’intermédiation numérique fournis par l’entreprise technologique et a accepté les termes et conditions établis dans le contrat, y compris la réservation au chauffeur de l’équivalent de 75 à 80 % du montant payé par l’utilisateur, un pourcentage supérieur à celui que le Tribunal supérieur du travail « a admis comme suffisant pour caractériser la relation de partenariat entre les parties concernées, puisque la répartition de la valeur du service dans un pourcentage élevé à l’une des parties montre un niveau de rémunération non conforme à la relation d’emploi ».

Finalement, la décision a établi que le modèle de relation signé entre les chauffeurs de l’application et la société propriétaire de la plateforme est « de portée mondiale et s’est avéré être une alternative au travail et une source de revenus en période de chômage (formel) croissant » et que « la protection du travailleur ne doit pas déborder de son cadre au point de rendre non viables les formes de travail émergentes, basées sur des critères moins rigides et permettant une plus grande autonomie dans leur réalisation, par la libre disposition des parties ».

Le chauffeur a fait appel de cette décision, qui est toujours en attente de jugement.

La décision analysée ne représente pas la compréhension pacifiée de la Cour supérieure du travail, puisqu’elle a été rendue par l’une de ses huit chambres10. Il convient de noter que le magistrat rapporteur pour cette affaire a été choisi et nommé par Michel Temer, qui a pris la présidence de la République après la destitution de Dilma Rousseff. Après la destitution de la presidente de gauche, le gouvernement brésilien a pris un virage à droite prononcé, un processus qui s’est approfondi lors des élections de 2018. Dès lors, un certain nombre de magistrats à profil de droite ont été nommés dans tous les cours brésiliennes.

2. Recours basé sur la condition de travailleur independant

En 2019, un travailleur a saisi le Tribunal ordinaire en prétendant qu’il conduisait des passagers avec une voiture louée dans le cadre de l’application Uber, mais que son compte a été suspendu par l’entreprise au motif d’un comportement irrégulier et d’une utilisation abusive de l’application.11 Il a demandé la réactivation de son compte sur la plateforme et une compensation pour les dommages matériels et moraux.

Le juge ordinaire a renvoyé l’affaire au tribunal du travail. Le juge du travail s’est également déclaré incompétent pour juger l’affaire, car il n’a pas pu trouver les éléments qui caractérisaient la relation de travail.

La Cour supérieure de justice12, en jugeant ce conflit négatif de compétence, a établi que la justice ordinaire serait compétente pour juger les affaires liées aux relations entre les travailleurs et les entreprises détentrices de la plateforme numérique, face au caractère strictement civil de la relation.

Cette Cour a déclaré que les chauffeurs à la demande sont des entrepreneurs individuels, sans relation de travail, qu’il n’y a pas des horaires préétablis à respecter et que la contrepartie n’est pas fixe, et que « la prestation de services par les propriétaires de véhicules privés est intermédiée par des applications gérées par des entreprises technologiques ».

Cet arrêt présente de très graves lacunes juridiques, puisque la Constitution de la République a été modifiée en 2005 pour donner au Tribunal du travail le pouvoir de juger les recours relatifs aux relations de travail au sens large, couvrant également le travail indépendant. En outre, l’analyse de la compétence doit être effectuée à partir de la délimitation faite par la demande initiale, sans pouvoir entrer dans les éléments factuels du litige ni même dans un jugement de sens commun, comme cela a été fait.

Cette décision ne peut plus faire l’objet d’un appel.

3. Le recours qui demandent protection contre le Coronavirus

Avec le décret de l’état de calamité dû à la pandémie du Covid-19, compte tenu de la nécessité de diverses mesures pour faire face à la crise épidémiologique et à la situation d’extrême vulnérabilité des travailleurs (tant la baisse significative des revenus que la forte exposition à la maladie des prestataires), à partir de la fin mars de cette année, plusieurs actions ont été proposées, collectives (parquet du travail et syndicats des chauffeurs de transport par application dans les états) et individuelles (chauffeurs et livraison par application) contre les entreprises : Uber do Brasil, Cabify, 99 et iFood.

En général, ils ont demandé :

  • garantie d’un salaire minimum par heure effectivement travaillée ou mis à disposition sur la base du salaire minimum national ;
  • le versement des prestations dans les premiers jours de l’absence du travailleur si le diagnostic de COVID-19 est établi ;
  • la réception gratuite ou l’aide financière pour l’achat d’équipements de protection individuelle (par exemple, gel à l’alcool et masques) ;
  • la réduction du pourcentage escompté sur le montant de la rémunération à reverser à la plateforme.

Les décisions rendues par les tribunaux ordinaires dans le cadre de ces procès ont en général affirmé :

  • que, bien que le contrat signé entre les parties ait un caractère de partenariat civil et que le site web des plateformes prévoie la possibilité d’une indemnisation pour les frais de masque et de gel d’alcool (Uber, principalement), le montant stipulé est insuffisant pour la protection des chauffeurs ;13
  • qu’il existe une relation de travail entre les travailleurs et les plateformes et qu’en raison de la pandémie, les travailleurs sont plus exposés au risque de contracter la maladie ;14
  • le travail fourni par les travailleurs, « en tant que service essentiel, doit être mis à la disposition de l’ensemble de la population et, à cette fin, des mesures sanitaires de précaution et de prévention de la propagation du coronavirus doivent être adoptées, visant la santé des travailleurs et de leurs utilisateurs » ;15
  • « la fonction sociale de l’entreprise est intimement liée au principe de la dignité humaine, dans une relation de dépendance et de symbiose. La recherche du profit doit être liée au respect des intérêts des travailleurs et de leurs utilisateurs »16
  • « il appartient à l’entreprise qui exploite les plateformes numériques d’offrir les moyens de fournir des services de manière sécurisée, compte tenu notamment de la situation exceptionnelle que connaît le monde entier en raison de la pandémie de COVID-19 »17
  • « le chauffeur qui utilise des applications pour l’exercice de son travail apparaît comme une sorte de travailleur juridique hybride, car, s’il est difficile de s’inscrire dans le modèle typique de subordination de l’article 3 de la CLT – Consolidation des Lois du Travail, on ne peut pas dire qu’il soit totalement indépendant, car il dépend de la technologie de tiers pour travailler, et il convient de noter que l’entreprise intermédiaire de technologie s’approprie une partie importante des gains de ses revenus » ;18
  • « la protection du travailleur, qui n’est pas attaché à la relation de travail typique du modèle fordiste tayloriste de la CLT, devrait être le point central des relations de travail avec l’arrivée de la 4e révolution industrielle » ;19
  • « l’État judiciaire, en analysant chaque cas spécifique, doit peser les circonstances factuelles afin de lancer les instruments juridiques dans la recherche du (ré)équilibre contractuel, même pour les cas de relations de travail qui n’ont aucun type de réglementation, comme c’est le cas des chauffeurs par applications » ;20
  • la nécessité « d’assurer un minimum de subsistance et de fournir des conditions de travail sûres aux prestataires de services (chauffeur d’application) découle d’un impératif constitutionnel, en particulier au moment de la crise sanitaire que traverse le monde, qui accentue l’inégalité et l’a fait naître chez ses prestataires de services, ou du moins chez ses intermédiaires, comme dans le cas des entreprises technologiques » ;21
  • « l’activité économique ne peut être exercée sans respecter la valeur du travail et de l’environnement, y compris l’environnement de travail » ;22
  • qu’« il n’est ni juste ni raisonnable que le chauffeur supporte seul les coûts accrus (acquisition d’équipements de protection individuelle), alors qu’il subit une perte de revenus considérable, qui se répercute non seulement sur son bien-être, mais sur l’ensemble de la société en général » ;
  • « il est du devoir du propriétaire de la plateforme numérique, en tant qu’application favorisant la mobilité urbaine et tirant profit de ce service, de supporter également les coûts d’un environnement de travail sain et salubre, en fournissant aux chauffeurs les équipements de protection individuelle appropriés pour ces activités, en particulier au moment où plusieurs municipalités ont décrété l’utilisation obligatoire de masques pour l’ensemble de la population » ;23

Et, en général, ils ont accordé la mesure exceptionnelle en stipulant que les entreprises

  • doivent fournir partiellement les équipements de protection individuelle24 ;
  • doivent garantir une aide compensatoire (dans la plupart des cas, le salaire minimum national par heure effectivement travaillée ou mise à disposition de l’entreprise a été utilisé comme paramètre). Certains magistrats ont déterminé que l’aide d’urgence accordée par le gouvernement, par le biais de la loi 13.982/2020, était déduite des chauffeurs et du personnel de livraison qu’ils parvenaient à recevoir ;
  • doivent assurer une rémunération minimale, à titre d’aide compensatoire, aux chauffeurs incapables de travailler en raison d’un diagnostic effectif ou d’une suspicion de contamination par le virus Sars-Cov-2, à condition qu’elle soit prouvée par un certificat médical, pendant les dix premiers jours de congé médical.

Dans les procès analysés dans cette étude, les entreprises ont utilisé un appel différencié, largement critiqué et mis en doute quant à sa constitutionnalité devant la Cour suprême, prévu à l’origine par la législation pour corriger les erreurs, abus et actes contraires au bon ordre procédural, et qui constituent une violation des formules de la procédure légale, et ont fait appel à la Cour supérieure du travail, plus précisément à l’Inspecteur Général25, qui, sans aucun critère objectif apparent, selon les cas :

  • a déterminé qu’une audience de conciliation devait être tenue entre les parties afin de « promouvoir la composition pour la mise en œuvre de mesures qui répondent aux objectifs de protection de la santé, ainsi que l’atténuation des pertes à la fourniture d’une activité essentielle pratiquée par le demandeur ». Dans les cas où les conciliations ont échoué, l’Inspecteur Général  a fini par suspendre les injonctions accordées jusqu’au jugement final des poursuites ; ou
  • ou bien, a suspendu les injonctions accordées jusqu’à ce que la question ait été examinée de manière approfondie par le tribunal compétent.

Ainsi, si la question de la condition de salarié ou de travailleur indépendant est intensément discutée et controversée dans les tribunaux inférieurs, les cours supérieures, jusqu’à présent, au vu des rares procès qui y sont arrivés, sont enclinés à favoriser la thèse des entreprises, en ignorant la disposition légale de subordination algorithmique, et même en les protégeant de mesures de protection exceptionnelles face à la pandémie COVID-19.

Il convient également de mentionner le mouvement visant à retirer de la compétence de la justice du travail les questions liées aux relations entre les travailleurs et les plateformes, même si cela contrarie la lettre expresse de la Constitution de la République. Il faudra cependant que davantage d’affaires soient portées devant des tribunaux supérieurs pour que nous puissions réellement vérifier une tendance à juger ou même avoir une position ferme dans la justice brésilienne sur la nature juridique de la relation entre les travailleurs et les plateformes.

En résumé :

  • en 2005, la Constitution de la République brésilienne a été modifiée pour donner au Tribunal du travail le pouvoir de juger les recours relatifs aux relations de travail au sens large, couvrant également le travail indépendant.
  • le 28 août 2019, la Cour supérieure de justice a jugé que la justice du travail n’était pas compétente pour juger les litiges entre travailleurs et plateformes. Cet arrêt interroge par ses lacunes juridiques, au vu notamment de la modification constitutionnelle de 2005.
  • le 5 février 2020, la 5e chambre de la Cour supérieure du travail a exclu la requalification d’un travailleur de plateforme em salarié. Cette décision est due à un juge nommé par le président de droite Michel Temer, après la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff.
  • pendant la pandémie de coronavirus, les tribunaux ordinaires ont rendu des décisions favorables aux travailleurs de plateforme.
  • le 1er juillet 2020, les livreurs brésiliens se sont mis en grève générale, donnant lieu à d’impressionnantes manifestations dans plusieurs grandes villes du pays.

Cet article fait partie d’une série de publications consacrée au statut juridique des travailleurs des plateformes, après une note de synthèse en février, un commentaire d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en mai, en juin, d’une procédure exceptionnelle contre Uber Eats en Italie et, ce mois-ci, de la situation en Uruguay et au Canada.

Sources
  1. L’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE) a calculé que le taux de chômage au Brésil au cours des trois premiers mois de 2020 était de 11,2 % et a également indiqué que 38,3 millions de travailleurs sont dans le secteur informel
  2. L’entreprise Glovo a cessé ses activités au Brésil en mars 2019, après un an de fonctionnement dans le pays.
  3. Au Brésil, il existe également des plateformes numériques qui proposent des services de nettoyage comme Parafuzo (https://parafuzo.com/) et Maria Brasileira (https://mariabrasileira.com.br/), des services en général comme GetNinjas (https://www.getninjas.com.br/), des services de soins aux animaux comme DogHero (https://www.doghero.com.br/) et PetAnjo (https://petanjo.com/) et des services de beauté et de bien-être comme la manucure, le massage et l’épilation à domicile comme Singu (https://www.singu.com.br/). Toutefois, seule la présente étude sera limitée aux plateformes numériques qui transportent des personnes et des marchandises, car ce sont les plus courantes.
  4. Disponible à https://www.ilocomotiva.com.br/single-post/2019/04/29/ESTAD%C3%83O-Na-crise-aplicativos-como-Uber-e-iFood-viram-maior-empregador-do-pa%C3%ADs.
  5. Art. 6, alinéa unique, Consolidation des lois du travail.
  6. Art. 511 et 611, Consolidation des lois du travail.
  7. Constitution fédérale, art. 114
  8. TST-AIRR -10802-79.2018.5.03.0111, 8ª Chambre ; TST-AIRR – 10950-11.2017.5.03.0181, 1ª Chambre ; TST- AIRR – 11199-47.2017.5.03.0185, 8ª Chambre ; TST-AIRR – 1002011-63.2017.5.02.0048, 8ª Chambre ;  TST-AIRR – 10771-28.2018.5.03.0186, 3ª Chambre ; TST- AIRR – 10575-49.2019.5.03.0113 ; TST – AIRR – 10887-90.2017.5.03.017 ; AIRR – 11258-69.2017.5.03.0012 ; AIRR – 11904-74.2016.5.03.0025 ; AIRR – 10020-05.018.5.03.0004
  9. TST-RR-1000123.89.2017.5.02.0038, 5e. Chambre.
  10. La Cour supérieure du travail est l’une des juridictions supérieures brésiliennes, composée de 27 juges ayant le titre de ministres. Il comprend la Cour : la Cour plénière, l’Organe spécial, les deux Sections spécialisées et les huit Chambres.
  11. STJ – CC – 164.544/MG, Deuxième section, jugé le 28 août 2019.
  12. La Cour supérieure de justice est l’une des juridictions supérieures brésiliennes avec le Tribunal supérieur du travail, parmi ses différentes attributions est de juger les conflits de compétence positifs et négatifs entre les juridictions supérieures
  13. TRT 3 – MS-0010756-64.2020.5.03.0000/TST – CorPar – 1000504-66.2020.5.00.0000.
  14. TRT 3 – MS-0010765-26.2020.5.03.0000/TST – CorPar – 1000504-66.2020.5.00.0000.
  15. TRT 3 – MS-0010765-26.2020.5.03.0000/TST – CorPar – 1000504-66.2020.5.00.0000.
  16. TRT 3 – MS-0010765-26.2020.5.03.0000/TST – CorPar – 1000504-66.2020.5.00.0000.
  17. TRT 3 – MS-0010765-26.2020.5.03.0000/TST – CorPar – 1000504-66.2020.5.00.0000.
  18. TRT 8 – MS-0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  19. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  20. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  21. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  22. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  23. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000.
  24. TRT 8 – MS 0000451-80.2020.5.08.0000/TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000
  25. TST-CorPar-1000681-30.2020.5.00.0000 ; TST – CorPar – 1000515-95.2020.5.00.0000.