Les plans de sauvetage de l’économie mis en place dans les différents pays en réaction à la crise sanitaire conduisent à une explosion sans précédent de la dette publique quasiment partout dans le monde. Alors que l’orthodoxie monétaire – imposée notamment en son temps à la Grèce – fixe des ratios précis sur le niveau d’endettement par rapport au PIB de manière à ce qu’au-delà d’un certain pourcentage il est considéré qu’une dette devienne « insoutenable », c’est-à-dire non remboursable par son débiteur, se pose la question toute simple : « que faire de cette montagne de dette ? »

Des voix se font entendre pour réclamer purement et simplement une annulation de la dette publique détenues par les banques centrales1, ou plus exactement par les banques centrales nationales du système du SEBC2. D’autres voix évoquent la possibilité d’émission de dettes perpétuelles3, voire même la conversion d’une partie du stock existant de la dette publique en dette perpétuelle4, notamment le stock détenu par les banques centrales nationales, afin techniquement d’éviter une annulation qui conduirait à des fonds propres négatifs des banques centrales procédant à l’annulation du stock de dette publique nationale qu’elles détiennent5.

Mais qu’est-ce qu’une dette souveraine6 ?

Rappelons tout d’abord une évidence : une dette de somme d’argent est un contrat synallagmatique aux termes duquel le prêteur met à disposition une certaine somme d’argent contre rémunération, et l’emprunteur s’engage à rembourser le capital et les intérêts selon les modalités déterminées au contrat. Autrement dit, une dette engage son débiteur à rembourser. Et engage le prêteur à respecter les termes du contrat. La dette souveraine est celle qui est émises par un État ; elle prend généralement soit la forme d’une dette négociable, sous forme d’émissions obligataires (en monnaie locale ou en devises) émise sur les marchés financiers internationaux, soit celle de contrats de financement (avec des institutions financières internationales ou des créanciers privés). Si dans les deux cas, il s’agit bien de contrat de dette, la forme obligataire ou contrat de prêt conduit à des différences dans le régime juridique de chacun de ces contrats, notamment dans les conditions de modification des termes du contrat originel.

Lorsque l’État rencontre des difficultés financières pour honorer sa dette, plusieurs techniques juridiques existent pour alléger le poids de la dette.

Hubert de vauplane

Lorsque l’État rencontre des difficultés financières pour honorer sa dette, plusieurs techniques juridiques existent pour alléger le poids de la dette, que l’on peut classer en trois catégories : celles où le débiteur refuse d’honorer son engagement ; celle où le créancier consent par un acte oblatif un abandon de créance, et enfin, les différentes situations où la dette est négociée, de la suspension au moratoire en passant par la remise de dette ou la renégociation des conditions de la dette.

Examinons sous l’angle juridique deux grandes idées avancées pour faire face au poids de ces dettes publiques. La première est simple : il s’agit d’ « annuler » tout ou partie de la dette. Mais que recouvre le terme « annulation », et de quelle dette publique parle-t-on (I) ? La seconde est tout aussi simple mais juridiquement à son opposée, alors que les effets économiques sont proches d’une « annulation » : il s’agit de transformer la dette souveraine en dette perpétuelle (II).

I – L’annulation des dettes publiques

L’annulation de la dette publique est un thème récurrent, tant dans le discours politique qu’économique. Plus rarement sous l’angle juridique. Pourtant, surtout dans le cadre du fonctionnement de l’Union européenne, l’aspect juridique de l’annulation de la dette souveraine doit être regardé au regard des traités de l’Union et de certains principes fixés dans ceux-ci, notamment celui de l’interdiction de financement des déficits par la BCE. Avant d’examiner cette question, un petit détour par la Bible et la comptabilité de la BCE est nécessaire.

Les annulations de dette sous forme de jubilé dans la Bible

Les crises de la dette peuvent conduire à des violences, des émeutes, voire même des révolutions. L’Antiquité occidentale a connu ces périodes de troubles liées au poids de la dette. À Babylone7, en Grèce8, mais aussi en Israël9 et à Rome. C’est ce qui a conduit au cours de l’Histoire à voir des dettes privées « effacées » ou annulée. On retrouve les traces de ces mouvements dans la Bible10. C’est la pratique du Jubilé11 et le principe de la remise jubilaire12. L’objectif de cette remise obéissait cependant plus à la nécessité de redresser la situation sociale et économique du pays par l’application de mesures de justice distributive13 qu’à une logique religieuse.

Alors que dans la Bible, ce sont les dettes privées qui sont annulées sur ordre du souverain, ici ce serait une partie de la dette publique qui serait annulée par décision du créancier.

Hubert de Vauplane

Dans quelle mesure l’annulation d’une partie de la dette souveraine permettrait aussi de répondre à cette logique économique ? En fait, tout dépend de quel type de dette l’on parle. Alors que dans la Bible, ce sont les dettes privées qui sont annulées sur ordre du souverain, ici ce serait une partie de la dette publique qui serait annulée par décision du créancier. Mais pas toute la dette publique, uniquement celle détenue par une catégorie précise d’investisseurs, en l’espèce la BCE.

Qui détient la dette souveraine ?

La dette souveraine des pays de la zone euro, comme celles de beaucoup d’autres pays dits « avancés », est détenue d’une part par des investisseurs privés, banques ou investisseurs institutionnels comme les assureurs et fonds de pension, et d’autre part pour une partie de plus en plus importante ces dernières années par la banque centrale européenne. Ou plus exactement via les banques centrales nationales du système européen des banques centrales (« SEBC »). Ainsi, s’agissant de la France, et bien qu’il n’existe pas de chiffres officiels, on estime qu’environ un peu moins de 20 % de la dette souveraine française est détenue par la banque de France14. Dans le cadre des achats de dettes souveraines, le programme d’achat mis en œuvre par la BCE a fait acheter la dette souveraine nationale par chaque banque centrale nationale, sans aucune mutualisation des risques. C’est dans ce cadre que la Banque de France a acquis des titres de l’État français.

Les annulations de dettes qui sont évoquées ne visent pas les créances détenues par les investisseurs privés, mais uniquement les titres souverains détenus par le SEBC. En effet, pour les premiers, il s’agirait alors d’une atteinte à leur droit de propriété, lequel est protégé constitutionnellement mais aussi par la Convention européenne des droits de l’Homme. Seuls les titres détenus par les banques centrales du SEBC seraient visés. Le « préjudice » de cette annulation serait supporté uniquement par l’actionnaire des banques centrales, lequel est l’État, même si bien sûr, une banque centrale est juridiquement une entité indépendante de l’État. Ainsi présentée, l’annulation d’une partie de la dette publique revient à effacer du bilan d’une institution détenue par l’État des créances que celle-ci détient sur ce même État. Jeu à somme nulle ? Pas tout à fait.

En quoi consiste juridiquement une annulation de dette ?

Juridiquement, une annulation de dette correspond soit à un abandon de créances, soit à une remise de dette, c’est-à-dire à une décision du créancier d’abandonner tout ou partie de sa créance. En cela, elle se distingue de l’effacement, qui est prononcée par le juge. Ici, c’est le créancier qui est à l’initiative de la mesure, même si le débiteur doit y consentir dans le cas de la remise de dette. Celle-ci est une technique juridique conduisant à l’« extinction d’une obligation »15. Elle se distingue de l’abandon de créances au sens juridique, lequel constitue une renonciation unilatérale à un droit, ce que l’on appelle en droit un acte abdicatif. Au sens moral, l’annulation de dette est parfois rapprochée de la rémission. En latin juridique, on parle de remissio et de remissa qui signifient « remise de peine » et « grâce ». L’emploi du mot rémission fait plutôt penser au sens religieux « remets nous nos dettes comme nous les avons remises à nos débiteurs  » » (Mt. 6,9-15). L’idée d’abandon est inhérente à la remise de dette. D’ailleurs le terme latin remittere signifie concéder, abandonner.

Juridiquement, une annulation de dette correspond soit à un abandon de créances, soit à une remise de dette, c’est-à-dire à une décision du créancier d’abandonner tout ou partie de sa créance. En cela, elle se distingue de l’effacement, qui est prononcée par le juge.

Hubert de Vauplane

Dans notre cas, il reviendrait au SEBC, c’est-à-dire à la BCE et aux banques centrales nationales, de décider soit d’un abandon de créances, soit d’une telle remise de dette auprès des États, l’effet étant identique dans les deux cas, le principal et les intérêts restant à devoir sont annulés.

Les effets d’une annulation de dettes sur le bilan d’une banque centrale

Les banques centrales ne sont pas des banques commerciales. Elles ne recherchent pas à réaliser des bénéfices (même si elles en font, et généralement, en période de crise) et dès lors, elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes financières que les établissements privés. En pratique, cela signifie que la plupart des banques centrales (tout au moins celles dont la devise est « forte ») pourraient faire des pertes, au point de disposer de fonds propres négatifs tout en continuant à fonctionner. Ce qui a même conduit le FMI à considérer qu’une banque centrale n’a pas besoin de fonds propres pour fonctionner16 ! Comme le note la BRI, « Idéalement, les banques centrales devraient être dotées des ressources et des mécanismes financiers dont elles ont besoin pour assurer, y compris en période de crise, leur fonction auprès de la société. Il faudrait donc, vraisemblablement, que ces ressources et mécanismes soient suffisants pour maintenir des fonds propres positifs face à des pertes résultant de mesures prises dans l’intérêt public. En bref, il importe que la banque centrale reste financièrement indépendante »17. Mais, comme le souligne le FMI, à défaut de fonds propres, le prix de l’indépendance d’une banque centrale se situe justement dans sa capacité à fonctionner seule18. Autrement dit, la solidité financière d’une banque centrale doit être à la hauteur des ressources exigées par les fonctions qu’elle assume de façon indépendante.

Le bilan de toute banque centrale est composé d’un actif et d’un passif19. À l’actif, on trouve principalement les titres détenus auprès des résidents, les prêts réalisés aux institutions de crédit ainsi que les avoirs en or et d’autres actifs. Ainsi, les actifs acquis par la BCE dans le cadre de ses opérations de politique monétaire se trouvent dans la catégorie « Titres de résidents de la zone euro en € ». De la même façon, les opérations de refinancement des institutions de crédit sont agrégées au sein de la catégorie « Prêts aux institutions de crédit de la zone euro en € ». Au passif, on trouve principalement les billets et pièces en circulation, ainsi que les comptes dits de « réévaluation » (changements de valeur dus aux variations de prix) et les passifs auprès des institutions de crédit de la zone euro (comptes courants des banques auprès de la BCE).

Depuis la crise de 2008/2009, les grandes banques centrales des pays avancés ont considérablement accru la taille de leur bilan, notamment à travers des programmes d’achats d’actifs.

Hubert de Vauplane

Depuis la crise de 2008/2009, les grandes banques centrales des pays avancés ont considérablement accru la taille de leur bilan, notamment à travers des programmes d’achats d’actifs. La taille du bilan de la BCE a ainsi considérablement augmenté ces dix dernières années20 (en 2018, environ 40 % du PIB de la zone euro, 25 % aux États-Unis, près de 90 % au Japon et plus de 100 % en Suisse), ce qui s’explique par le recours aux achats d’actifs en zone euro avec la mise en œuvre de la politique monétaire non conventionnelle dite du Quantitative easing (« QE »). Le QE accroît mécaniquement le volume du bilan d’une banque centrale : à l’actif, des titres achetés et, au passif, de la monnaie émise pour les acquérir. C’est la raison pour laquelle on parle d’assouplissement « quantitatif ». L’objectif du QE est d’agir à la baisse sur la courbe des taux à moyen et long termes dans un environnement où les taux directeurs de la banque centrale sont proches de 0 % et l’inflation faible ou négative : en substituant des titres par de la monnaie (« portfolio rebalancing effect »), l’objet est de réduire les taux réels afin de stimuler l’activité et de relancer les anticipations d’inflation21.

Dans le cadre d’un QE, les titres de dette souveraine achetés par une banque centrale sont destinés à être « stockés » temporairement dans le bilan à la banque centrale pour être ensuite revendus sur le marché lorsque la politique monétaire devra être resserrée. Par conséquent, sur le long terme, le montant de la dette publique détenue par le public n’est pas réduit par le QE. L’endettement de l’État reste le même, même s’il verse les intérêts des coupons à la banque centrale qui détient une partie de cette dette ; et que cette même banque centrale reverse – après impôts – ses dividendes à son actionnaire unique, l’État.

En pratique, l’annulation des titres de dette souveraines des États membres de la zone par la BCE conduit à passer en charges l’abandon de créances ou la remise de dette, ce qui reviendrait à rendre les fonds propres de la BCE négatifs compte tenu du niveau des fonds propres de la BCE qui ne peut pas absorber ces pertes. Pour rappel, en 2019, la BCE dispose de 4.575 milliards d’euros de total de bilan pour 7,6 milliards d’euros de capital. Dans une banque commerciale – comme dans toute autre société commerciale – cette situation est impossible : cela revient à disposer de fonds propres négatifs.

Or, comme le souligne la BRI, « il est loin d’être clair pour tout le monde que les fonds propres comptables d’une banque centrale peuvent être négatifs sans qu’il y ait lieu de s’alarmer »22. Et de se poser la question : est-ce qu’une banque centrale peut faire faillite du fait de sa situation de fonds propres négatifs ? La question, toute théorique, a pourtant été posée par la très sérieuse Banque Nationale Suisse dans un papier qui à l’époque avait fait grand bruit23. Auquel la BCE a répondu de façon claire et sans ambiguïté : « Les banques centrales sont protégées de l’insolvabilité en raison de leur capacité à créer de l’argent et peuvent donc fonctionner avec des fonds propres négatifs. Les banques centrales ne peuvent pas être à court d’argent car ce sont elles qui créent l’argent. Et vous ne pouvez pas manquer de quelque chose que vous pouvez créer vous-même »24. D’ailleurs, il n’existe pas de procédure de faillite pour une banque centrale, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’institution judiciaire ou autre qui jugera si les dettes d’une banque centrale dépassent son passif et l’oblige à se réorganiser ou à être liquidée. La banque centrale peut imprimer la monnaie pour régler ses dettes. Autrement dit, la question de la faillite d’une banque centrale est théorique. Mais avec la crise libanaise, la théorie a semblé devenir réalité du fait des critiques portées par certains sur l’organisation d’un circuit semblable à un schéma Ponzi, seul cas où une banque centrale pourrait être en « faillite »25.

il n’existe pas de procédure de faillite pour une banque centrale, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’institution judiciaire ou autre qui jugera si les dettes d’une banque centrale dépassent son passif et l’oblige à se réorganiser ou à être liquidée.

Hubert de Vauplane

Que prévoit le TFUE ?

Si donc il ne semble pas impossible pour une banque centrale de se trouver en situation de fonds propres négatifs, dans quelle mesure cette opération de remise de dette est-elle juridiquement possible ? Il faut ici aller voir le Traité de fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »). On sait que les traités de l’Union interdisent toute assistance financière du SEBC à un État membre au titre du financement du déficit public. Cependant, ces mêmes traités n’excluent pas, de manière générale, la faculté, pour le SEBC, de racheter aux créanciers d’un tel État des titres préalablement émis par ce dernier. Autrement dit, la détention de la dette publique acquise sur le marché secondaire par le SEBC ne contrevient pas à l’interdiction de financement de déficits publics.

C’était là l’objet même du programme OMT26 de la BCE. En 2012, la Banque centrale européenne a annoncé – par un simple communiqué de presse – avoir adopté certaines décisions concernant un programme autorisant le Système européen de banques centrales à acquérir sur les marchés secondaires des obligations souveraines d’États membres de la zone euro, dès lors que certaines conditions étaient réunies. Ce programme visait à remédier aux perturbations du mécanisme de transmission de la politique monétaire générée par la situation spécifique des obligations souveraines émises par certains États membres et à préserver l’unicité de la politique monétaire.

Ce programme – qui in fine n’a jamais été mis en œuvre du fait des incertitudes juridiques qui l’entouraient – a fait l’objet d’un recours par 37 000 citoyens allemands devant la Cour constitutionnelle allemande qui a considéré, le 14 février 2014, qu’il était incompatible avec le droit primaire de l’Union européenne. Selon les juges allemands, le dispositif dépasse le mandat de la BCE en la conduisant à mener sa propre politique économique alors que celle-ci relève principalement de la responsabilité des États membres. L’OMT violerait par ailleurs l’interdiction de financement monétaire de la dette publique rappelée à l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne27. La Cour constitutionnelle allemande a considéré que ce programme pourrait être acceptable si la réduction de la dette était clairement exclue et que les achats de titres n’étaient pas illimités. Devant la difficulté, cette Cour a procédé à un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’elle se prononce sur le dispositif. La CJUE a considéré le 16 juin 201528 que le programme OMT, eu égard à ses objectifs et aux moyens prévus pour atteindre ceux-ci, relève de la politique monétaire et, dès lors, des attributions du SEBC. Elle a encadré cependant ce programme par la nécessité pour la BCE de mettre en place des garanties suffisantes pour concilier celle-ci avec l’interdiction du financement monétaire.

Pour éviter les critiques formelles du programme de l’OMT, la BCE a formellement adopté le 4 mars 2015 le programme APP (Asset Purchase Program) visant l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires.

Hubert de Vauplane

Pour éviter les critiques formelles du programme de l’OMT, la BCE a formellement adopté le 4 mars 2015 le programme APP (Asset Purchase Program) visant l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires. Ce programme a cependant lui aussi été contesté devant la Cour constitutionnelle allemande, qui a alors posé une nouvelle fois une question préjudicielle à la CJUE, laquelle a tout comme pour l’OMT confirmé la légitimité de l’APP pour les mêmes raisons que le programme OMT, mais aussi parce que la répartition des achats de titres respectait la répartition du capital29. Mais la Cour de Karlsruhe ne l’entend pas de cette oreille et considère, dans une décision du 5 mai 2020, que la CJUE a dépassé ses pouvoirs d’interprétation30.

Quoi qu’il advienne de ce débat, l’on voit que les règles juridiques posées en leur temps dans les traités européens ne sont plus adaptées au contexte économique actuel. Et plutôt que de laisser la CJUE tordre le droit en proposant des argumentations juridiquement contestables pour satisfaire les besoins monétaires du moment, il convient de modifier clairement la règle de droit et d’assouplir les restrictions posées par l’article 123 du TFUE.

II – Le retour des dettes perpétuelles

L’idée de transformer tout ou partie de la dette souveraine existante en « dette perpétuelle » avait été évoquée au moment de la crise de la dette grecque par le ministre des finances grec Yanis Varoufakis31. Elle avait été considérée à cette époque comme au mieux incongrue, au pire déraisonnable. Cette idée revient aujourd’hui en force comme une des solutions à étudier pour réduire la charge de la dette publique.

Reste à savoir ce que l’on entend par « dette perpétuelle ».

Tout d’abord, on parle indifféremment d’emprunt ou de rente perpétuelle. La différence est essentiellement d’ordre historique dans la mesure où ce sont les rentes qui sont apparues les premières, alors que la technique du contrat obligataire est plus tardive (autour du milieu du XIXème siècle) même si aujourd’hui cette forme d’endettement qui a supplanté la rente. Au-delà des mots et de l’histoire, c’est aussi une différence de nature juridique qui distingue les deux termes. Alors que la rente était généralement un droit réel qualifiée de bail à rente pour les rentes foncières ou un droit personnel sur une créance de prêt pour les rentes constituées, auxquelles était attachée une garantie hypothécaire, l’emprunt obligataire est une créance collective négociable ; surtout, la technique de transfert de droits, et donc de propriété, est radicalement différente en ce que la rente suivait généralement un régime plus lourd et complexe que l’emprunt obligataire qui se caractérise par une négociabilité simplifiée du fait de son caractère commercial et non pas civil, jusqu’à l’assimilation au XIXème siècle des rentes sur l’État à des valeurs mobilières32.

Que recouvre le terme rente perpétuelle ?

Selon une définition consensuelle33, une dette est perpétuelle ou à durée indéterminée (ce qui n’est juridiquement pas exactement la même chose34), si le contrat d’émission ne prévoit aucune date d’échéance. Il ne comporte en conséquence aucun flux de remboursement. La présence de clauses optionnelles de remboursement anticipé, au gré de l’émetteur et/ ou du porteur, ne modifie pas, en principe, le caractère « perpétuel » de l’emprunt. Relèvent par exemple de cette catégorie, selon le CNO35, les rentes perpétuelles, les rentes viagères, dont le paiement des intérêts est conditionné par la survie du porteur ou les Titres Subordonnés perpétuels émis par des sociétés, ces derniers comportant souvent une clause optionnelle de remboursement au gré de l’émetteur.

Alors que sous l’Ancien régime la rente était réputée immeuble dans la plupart des coutumes, le code civil la classe meuble par détermination de la loi.

Hubert de Vauplane

Une « rente constituée » désigne sous l’Ancien Régime une créance in personam d’arrérages, correspondant à un capital en argent, non exigible mais toujours remboursable36. C’est d’ailleurs cette définition qu’a repris le Code Napoléon dans l’article 1909 du code civil : « un intérêt moyennant un capital que le prêteur d’interdit d’exiger ». La rente peut être alors perpétuelle ou en viager (article 1910 du code civil). Lorsqu’elle est perpétuelle, la rente est alors rachetable (article 1911 du code civil) du fait de la prohibition des engagements (c’est-à-dire des droits personnels) perpétuels37, codifié depuis 2016 à l’article 1210 du code civil. Le capital d’une rente perpétuel devient exigible en cas « de faillite ou de déconfiture du débiteur » (article 1913 du code civil). Alors que sous l’Ancien régime la rente était réputée immeuble dans la plupart des coutumes, le code civil la classe meuble par détermination de la loi ; de même, alors que l’ancien droit y voyait plutôt une application du contrat de vente, elle constitue aujourd’hui une forme de prêt. Ce qui caractérise une rente perpétuelle, c’est l’option laissée au débiteur de racheter celle-ci. Sans faculté de rachat, une rente perpétuelle n’est pas licite.

Au-delà du code civil, les rentes désignent différentes sortes de revenus réguliers ne provenant pas d’un travail, mais du rendement d’un capital auquel le créancier a droit. Elles existent dans tous les secteurs économiques ; d’abord liées à l’économie agricole et foncier, puis, de plus en plus souvent au secteur financier, elles relèvent ensuite du domaine social et de celui des assurances38.

Le développement des Rentes sous l’Ancien Régime était une des manières de contourner la prohibition de l’usure39. En effet, prêter en fixant simultanément le taux d’intérêt et la durée du contrat était alors considéré comme usuraire40 ; alors que dans le type d’emprunt qu’est l’obligation perpétuelle, l’intérêt n’était pas stipulé dans le contrat, ce dernier étant fixé par le denier légal. Autrement dit, l’intérêt versé aux prêteurs n’était pas une condition du contrat de prêt car le taux était fixé extérieurement aux parties du contrat. Bien que figurant dans le contrat de constitution de rente, l’intérêt constituait la contrepartie à l’impossibilité d’exiger le remboursement par le prêteur du capital prêté. Autrement dit, les dispositions contractuelles des rentes imposent au prêteur une perte de contrôle du capital, le débiteur étant seul maître du moment du remboursement éventuel, que le créancier ne peut lui refuser. C’est en ce sens que la rente est dite « perpétuelle », car le contrat ne fixe pas de date de remboursement du capital, mais elle est toujours rachetable (ou remboursable) par l’emprunteur, qui est tenu de verser les intérêts ou arrérages jusqu’à cette restitution du capital. Mais du fait du caractère rachetable, il ne s’agit pas d’un engagement perpétuel au sens juridique du mot. Le seul moyen pour le rentier de récupérer le fonds qu’il a prêté est de céder la propriété de la rente à un tiers, qui lui rembourse ce capital et perçoit les intérêts à venir (« arrérages » ou « quartiers », versés par trimestre)41.

La rente perpétuelle constituait un mode de crédit très courant sous l’Ancien Régime, y compris pour la dette d’Etat avec la création en 1522 des rentes sur l’Hôtel de Ville qui composaient la majeure partie de sa dette publique institutionnalisée aux XVIe et XVIIe siècles, à côté des rentes viagères et des tontines (avec un basculement sous Louis XV et Louis XVI vers le système – ruineux – des rentes viagères au détriment des rentes perpétuelles)42.

La fin des rentes perpétuelles

La rente perpétuelle, les fameuses rentes 3 % ou 5 %, fut l’outil privilégié d’endettement de l’État tout au long du XIXe siècle et le placement favoris des épargnants à la même période. L’inflation étant faible, voire inexistante43, le rendement servi était financièrement attractif pour les épargnants. Mais avec les conflits mondiaux du 20ème siècle et l’apparition de l’inflation44, ces rentes devinrent des catastrophes financières pour les épargnants. C’est aussi à partir de cette période que l’État modifie sa source de financement pour privilégier l’emprunt obligataire au détriment de la rente45.

En 1949 l’Etat français s’endette pour la dernière fois en rente perpétuelle (rachetée dans les années 80).

Hubert de Vauplane

En 1949 l’Etat français s’endette pour la dernière fois en rente perpétuelle (rachetée dans les années 80). Le 7 avril 1987, le ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, Edouard Balladur, annonce que l’État va procéder au remboursement de sa « vieille dette » : sept rentes ou emprunts d’État émis avant 1950, dont l’encours est de 680 millions de francs, soit à l’époque 0,13 % de l’encours total des emprunts d’État. C’est la fin des rentes publiques dans le Grand Livre de la dette.

Vers des dettes perpétuelles ?

La question du retour des dettes perpétuelles par les États n’est pas nouvelle mais la crise du Covid-19 et de la montagne de dettes créées par celle-ci lui donne une nouvelle jeunesse. Sémantiquement, depuis plusieurs années, on préfère toutefois parler de titres à durée indéterminée ou de dettes perpétuelles, et moins de rentes perpétuelles, l’expression étant non seulement désuète mais teintée négativement compte tenu des effets de l’inflation sur les détenteurs de ces titres. Rente ou Dette perpétuelle, l’idée est la même : le capital n’est pas remboursé aux créanciers, sauf décision en ce sens du débiteur.

La « vague » des émissions de dettes dites « Mathusalem »46 d’une durée de 100 ans dans les années 2010 est illustrative de ce mouvement vers « toujours plus dette mais toujours plus lointain le remboursement  ». Car il y a peu de différences en pratique entre une dette de maturité 100 ans et une dette perpétuelle avec clause de rachat qui – l’histoire le montre, sauf le cas de la Grande Bretagne – est généralement activée au bout de quelques dizaines d’années. Le contexte économique et monétaire des années 2010 explique cette situation totalement incongrue. Compte tenu de la baisse des taux, puis des taux négatifs, des investisseurs (inconséquents !) n’ont pas hésité à souscrire à ces emprunts « mathusalem » afin de gagner quelques points de rendement ; de leurs côtés, les émetteurs y ont vu une « opportunité » de bloquer un endettement à des niveaux d’intérêts historiquement très bas. Ainsi, en Europe, la Belgique (2015), l’Irlande (2016) et l’Autriche (2017) ont déjà procédé à de telles émissions. Hors d’Europe, le Mexique (2015), Israël (2020), et même l’Argentine (2017) s’y sont risquée. Côté entreprise, pour ne parler que des françaises, GDF Suez (2011), EDF (2014) et SNCF Réseau (2015) ont aussi lancé un emprunt d’une durée de 100 ans.

C’est cette même idée qui est réapparue au moment du sauvetage de la Grèce comme on l’a vu plus haut47.

Le scénario le plus évoqué est toutefois celui de la transformation de la part de la dette des États détenue par la BCE « en une obligation perpétuelle portant un coupon nul ».

Hubert de Vauplane

Plusieurs scénarios sont proposés par les économistes pour alléger le poids de la dette de certains États de la zone euro. Selon une première idée, une dette perpétuelle permettrait de mettre fin à l’exposition des dettes par transformation de la dette souveraine négociable en une rente perpétuelle48. Il s’agirait en quelque sorte de financer les amortissements annuels de la dette publique par émission de dette perpétuelle49, ce qui conduirait en quelques années en une diminution du marché de la dette publique du fait de l’absence de nouvelles émissions, sauf bien sûr accroissement du déficit budgétaire. Dans ce schéma, la rente émise produirait des intérêts.

Le scénario le plus évoqué est toutefois celui de la transformation de la part de la dette des États détenue par la BCE « en une obligation perpétuelle portant un coupon nul »50.

Où l’on voit que la notion de dette souveraine perpétuelle recouvre (au moins) deux acceptions différentes : avec paiement d’intérêt ou sans paiement d’intérêt. Mais dans les deux cas, sans obligation de remboursement du capital. Quant à l’option de remboursement au gré de l’émetteur qui caractérise le concept de rente, elle n’est pas évoquée dans les scenarii proposés.

Voilà pour la théorie. Mais revenons au fondement même d’une dette perpétuelle. 

Une dette perpétuelle est un oxymore financier, puisqu’il est question d’une dette mais aussi d’éternité (du moins en théorie, car si les États ont une durée de vie plus longue que les humains, ils ne sont pas éternels non plus). Une dette perpétuelle serait-elle alors une dette sans fin, c’est-à-dire une dette qui reste due sans limite de temps, ad vitam aeternam, alors même que le droit prohibe les engagements perpétuels51 au motif de la préservation de la liberté contractuelle ? Justement non. Une dette perpétuelle n’est pas une dette puisque le débiteur n’a pas l’obligation de rembourser le principal versé par les investisseurs. Elle n’est pas plus perpétuelle dans la mesure où le débiteur n’est pas engagé indéfiniment. Une dette perpétuelle n’a de dette que le nom et de perpétuel52 que la crédulité des investisseurs, du fait de l’existence d’une clause de remboursement à la main du débiteur, laquelle seule permet de considérer ce type d’engagement comme licite53. Ni dette, ni perpétuelle, le concept d’une dette perpétuelle dans une économie où l’État est déjà surendetté est un artifice financier qui revient à considérer que le plus important pour l’État n’est pas tant son niveau d’endettement par rapport à sa richesse nationale présente et future, mais sa capacité à honorer le seul « service de la dette », c’est-à-dire à payer les intérêts. Encore faut-il que ce service de la dette soit soutenable54.

Ni dette, ni perpétuelle, le concept d’une dette perpétuelle dans une économie où l’État est déjà surendetté est un artifice financier qui revient à considérer que le plus important pour l’État n’est pas tant son niveau d’endettement par rapport à sa richesse nationale présente et future, mais sa capacité à honorer le seul « service de la dette », c’est-à-dire à payer les intérêts.

Hubert de Vauplane

En fait, dans une économie où l’endettement public a plus tendance, sur la durée longue, à augmenter qu’à diminuer, la parade à la limite (tant en valeur relative qu’absolue) de l’endettement est connue : le remboursement de la dette émise est moins lié aux économies budgétaires qu’à l’émission de nouvelles dettes servant à rembourser les dettes arrivant à échéance : peu importe le montant nominal de la dette, seul compte la capacité de payer les intérêts au fur et à mesure que le montant nominal de dette augmente. Et on « oublie » le remboursement du principal. L’idée de convertir le stock de dette existant en titres perpétuels, ou que les nouvelles émissions de dette souveraine soit effectuées sous forme de dettes perpétuelles s’inscrit dans la logique décrite ci-dessus, mais poussée à son extrémité puisque le contrat d’émission prévoit dès le départ une absence de remboursement du capital.

Une dette non remboursable n’est pas une dette. Le principe même d’une dette repose sur le l’obligation de remboursement au créancier. Sauf à renier son engagement en tant que débiteur, ce qui est toujours possible mais dangereux, surtout pour un État qui emprunte sur les marchés financiers. Mais dans une dette perpétuelle, il n’y a pas de « répudiation » de la dette par l’État ; au contraire, les créanciers donnent leur accord pour ne pas être remboursés ! Le créancier, ici, c’est la Banque Centrale Européenne. Celle-ci convertirait les titres d’emprunts souverains qu’elle détient en dette perpétuelle, le cas échéant avec un coupon nul. Ces titres seraient toujours comptabilisés au bilan de la BCE (contrairement à un abandon de créance) permettant ainsi d’éviter un impact négatif sur les capitaux propres. Mais qu’est-ce que cet instrument juridique qui ne donne lieu ni à un remboursement du capital, ni au versement d’un intérêt ? Qu’est-ce que ce titre représentatif d’un droit autre qu’une créance ? Une chimère juridique.

Ce que soulignent ces débats sur les dettes ou rentes perpétuelles, c’est le déni même du principe de la dette, c’est l’idée même de dette – au sens de « être en dette » comme « avoir des dettes » – qui est ici refusée. « Être en dette », « avoir une dette » place le débiteur dans une situation de morale du devoir et d’obligation juridique. Ce que justement l’homme moderne refuse. Et l’État aussi.

Sources
  1. A. Grandjean, « Nourrir le débat sur une annulation partielle (370 milliards) de la dette publique », 15 avril 2019, Chronique de l’Anthropocène : https://alaingrandjean.fr/2019/04/15/nourrir-debat-annulation-partielle-370-mdse-de-dette-publique/
  2. L. Scialom et B. Bridonneau, « Des annulations de dettes publiques par la BCE : lançons le débat », Terra Nova, avril 2020 : http://tnova.fr/notes/des-annulations-de-dette-publique-par-la-bce-lancons-le-debat ; cf. aussi, G. Giraud, « Face à une crise économique inédite : le nécessaire engagement massif de l’État, » Revue Projet, Avril 2020 : https://www.revue-projet.com/articles/2020-04-giraud-face-a-une-crise-economique-inedite-le-necessaire-engagement-massif-de-l-etat/10522
  3. G. Soros, « L’UE devrait émettre des obligations perpétuelles », Project Syndicate, 20 avril 2020 : https://www.project-syndicate.org/commentary/finance-european-union-recovery-with-perpetual-bonds-by-george-soros-2020-04/french ou encore Alain Minc, « Pour une dette publique à perpétuité ! », Les Echos, 16 avril 2020 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/alain-minc-pour-une-dette-publique-a-perpetuite-1195545
  4. Cf. J.L Mélenchon, « Pourquoi et comment annuler les dettes des Etats européens ? », L’Ere du Peuple, 19 avril 2020 : https://melenchon.fr/2020/04/19/pourquoi-et-comment-annuler-la-dette-des-etats-europeens/
  5. Cf. notre chronique, “Covid19 : Faut-il annuler les dettes abyssales à venir des Etats ? », Le Grand Continent, avril 2020 : https://legrandcontinent.eu/fr/2020/04/09/covid-19-faut-il-annuler-les-dettes-abyssales-a-venir-des-etats/
  6. La dette souveraine correspond à la dette de l’État. Si l’on y rajoute les dettes sociales, des collectivités locales (régions, départements, communes…) ainsi que des divers opérateurs d’État (ODAC), on obtient la dette publique.
  7. Cf. l’édit du roi Babylonien, Ammisaduqua (XVIIe siècle avant Jésus-Christ) selon lequel le roi remit les arriérés qui lui étaient dus. « Le collecteur ne peut pas poursuivre, à fins de paiement, les tributaires de la couronne ». Ensuite « quiconque aura prêté de l’orge ou de l’argent à un Akkadien ou à un Amorite à intérêt (…) du fait que le roi a proclamé la redistribution, sa traite est annulée. Il ne peut pas réclamer l’orge ou l’argent ». Enfin le roi renonça à percevoir certains impôts cette année-là.
  8. Cf. la loi de Solon à Athènes qui libéra la terre en arrachant les bornes et qui édicta seisachteia, sorte d’abolition des dettes et qui interdit la contrainte par corps, l’esclavage pour dettes, libérant ceux qui en avaient été frappés et rappelant les exilés.
  9. Néhémie 5 :11 ; Amos 8 :4-6.
  10. 2 Rois 4 :1 ; Lévitique 19 :15 ; Deutéronome 25 : 13-16.
  11. Lévitique 25:8-34.
  12. Deutéronome 15:1-5
  13. Th. P. Osborne et J. Stricher, L’année jubilaire et la remise des dettes, Repères bibliques. Paris, Bayard / Centurion, 1999.
  14. A. Grandjean, « Nourrir le débat sur une annulation partielle (370 milliards) de la dette publique », 15 avril 2019, Chronique de l’Anthropocène : https://alaingrandjean.fr/2019/04/15/nourrir-debat-annulation-partielle-370-mdse-de-dette-publique/
  15. Cf. la thèse très complète bien qu’antérieure à la réforme du code civil de N. Picod, La remise de dette en droit privé, Dalloz, nouvelle bibliothèque des thèses, n° 128, 2013 qui a inspiré les paragraphes qui suivent.
  16. FMI, « Do central banks need capital ? » WP/97/83, July 1997.
  17. BRI, Les finances des banques centrales, n° 71, avril 2013
  18. FMI, « Do central banks need capital ? » WP/97/83, July 1997.
  19. Pour une explication détaillée du bilan d’une banque centrale, cf. Bank of England, « Understanding the central bank balance sheet », 2015 : https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/ccbs/resources/understanding-the-central-bank-balance-sheet.pdf
  20. Taille du bilan qui est toutefois passé de 1.154 milliards d’euros en janvier 2017 à 4.575 milliards d’euros en janvier 2019.
  21. Cf. AFEP, Le bilan d’une banque centrale à l’heure du Quantitative Easing, Flash Eco, 2015.
  22. BRI, Les finances des banques centrales, n° 71, avril 2013.
  23. W.H Buiter, Can Central Banks Go Broke ? (May 1, 2014). CEPR Policy Insight No. 24, May 2008. Available at SSRN : https://ssrn.com/abstract=2489665
  24. ECB, “Profit distribution and loss coverage rules for central banks”, occasional paper, n° 169, April 2016.
  25. R. Reis, « Different types of central bank insolvency and the central role of seignorage », Columbay University, 2015 : https://pdfs.semanticscholar.org/cadd/32158d4adec248d7c065204709c12c5dc051.pdf
  26. Outright monetary transaction, programme finalement jamais mis en œuvre.
  27. Article 123 TFUE : « « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des Etats membres. L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
  28. Communiqué de presse de la CJUE, https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2015-06/cp150070fr.pdf
  29. Arrêt de la CJUE, affaire C-493/17, 11 décembre 2018 : https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2018-12/cp180192fr.pdf
  30. Th. Rospars, « Karlsruhe versus UE : analyse juridique d’un arrêt géopolitique » : Le Grand Continent : https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/05/analyse-juridique-dun-arret-geopoliltique/
  31. T. Barbar, “Greece finance minister reveals plan to end debt stand-off”, Financial Times, 2 février 2015 : https://www.ft.com/content/7af4252c-ab03-11e4-91d2-00144feab7de
  32. Toutefois, le droit révolutionnaire considéra que les rentes sur l’État était négociables selon des formes simplifiées (Loi du 28 Floréal, An VII). Il en résulta que les rentes sur l’État furent négociables en bourse par l’entremise des agents de change, comme tous les effets sur l’État. Les rentes sur l’État pouvaient être nominatives ou au porteur.
  33. CNO, Volume A : Les Obligations et autres titres de créance en euro (2010).
  34. La notion de perpétuité entend que l’engagement est éternel, alors que la notion de durée indéterminée laisse considérer que les parties peuvent toujours mettre fin au contrat à tout moment. Parler de contrat à durée indéterminée, ce n’est pas évoquer un contrat sans terme, mais bien parler d’un contrat affecté d’un terme extinctif indéterminé. Alors que parler d’un contrat perpétuel (nonobstant l’interdiction des engagements perpétuels) conduit à s’engager sans fixer de terme au contrat.
  35. Comité de Normalisation Obligataire.
  36. Pour une étude complète, cf. Ch. Lefebvre, « Observations sur les rentes perpétuelles dans l’Ancien droit », Nouvelle Revue Historique de droit français et étranger, vol. 38 (1914), pp. 184-229.
  37. F. Rizzo, « Regard sur la prohibition des engagements perpétuels », Dr. et patr. 2000, p.66
  38. Cf. A.M Dubler, « Rentes constituées », Dictionnaire historique de la Suisse (2011) : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013706/2011-12-23/#HLesrentesdanslesecteurfinancier
  39. Les papes Martin V, en 1423, et Calixte III, en 1455, avaient tranché par deux bulles, les Regimini, le débat sur les rapports de la rente avec le prêt à intérêt, autrement dit l’usure en déterminant les trois conditions de la licéité de la rente : la perte de contrôle du capital par l’acheteur de la rente, la création de celle-ci au taux d’intérêt réglé par le souverain et la faculté imprescriptible du débiteur de racheter le capital en temps voulu. cf. G. Sivéry, « La notion économique de l’usure selon Saint Thomas d’Aquin », Revue du Nord, 2004/3-4, p. 687 et suiv.
  40. Dans son Traité sur l’usure, Pothier reprend l’exposé des raisons et des motifs à l’appui de cette prohibition religieuse (cf. § 55 à 68).
  41. Cf. K. Béguin, « La circulation des rentes constituées dans la France du XVIIe siècle : Une approche de l’incertitude économique », Annales ; Histoire, Sciences Sociales 2005/6, pages 1229 à 1244 : https://www.cairn.info/revue-annales-2005-6-page-1229.htm
  42. K. Béguin & P. Ch. Pradier, « Emprunts souverains et vulnérabilité financière de la monarchie d’ancien régime : tout s’est-il joué sous Louis XIV ? » (2011) : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00623931/document
  43. Du XIVe siècle à 1914, l’inflation est en moyenne inférieure à 0,5 % : D. Le Bris, « Quand la France s’endettait à perpétuité », Le Monde, 21 février 2014 : https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/21/quand-la-france-s-endettait-a-perpetuite_4371048_3234.html
  44. Entre 1914 et la création de l’euro, l’inflation moyenne en franc est de 9 % par an.
  45. Avant 1914, les emprunts perpétuels et les titres de rente à très long terme étaient la norme. Ceux qui détenaient la dette publique la conservaient. C’était donc une affaire de confiance sur le très long terme. Mais au-delà de la forme de l’endettement, c’est la typologie des prêteurs qui change au cours du 20ème siècle : alors que l’Etat empruntait principalement auprès des épargnants français jusqu’à l’entre deux guerre, et même au début des Trente Glorieuses, à partir de des années 80 – 90, la France va privilégier le financement via les marchés financiers, auprès d’investisseurs institutionnels.
  46. Pourtant, selon la Bible, Mathusalem vécut 969 ans, et non 100 ans !
  47. P. Spiegel, « Leaked : Greece’s new debt restructuring plan”, Financial Times, 5 juin 2015 : https://www.ft.com/content/df144c00-c690-3fde-87c1-dfe3025f31dc
  48. M. Berrebi et J.H Lorenzi, Un Monde de violence, l’Economie mondiale 2016-2030, Eyrolles, 2015.
  49. Aujourd’hui, outre les besoins nouveaux, l’État rembourse ses dettes anciennes par de la dette nouvelle.
  50. France Stratégie, « Comment assurer la résorption des dettes publiques en zone euro ? », octobre 2017, n° 62. Proposition avancée aussi par le groupe LFI à l’Assemblée nationale dans une proposition de résolution (n° 2824) : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2824_proposition-resolution
  51. Cf. l’excellente thèse de V. Frasson, Les clauses de fin de contrat, Lyon III, 2014.
  52. Le concept de perpétuité pour les juristes est d’approche délicate. Selon une approche, subjective, la perpétuité est fonction de la durée probable de l’existence du débiteur : l’engagement prend un caractère perpétuel lorsque le contractant se trouve tenu à vie. Cependant, dans une autre approche, objective, la perpétuité se manifeste par une volonté active de ne pas conférer de fin au contrat ; elle vise l’engagement illimité en lui-même et non par rapport à la durée de vie de l’obligé.
  53. C’est l’existence même de cette clause de rachat entre les mains du débiteur qui permet de considérer que les rentes perpétuelles ne tombent pas sous la prohibition des engagements perpétuels.
  54. Une dette publique est économiquement soutenable lorsque le taux d’intérêt versé aux créanciers de l’Etat est inférieur au taux de croissance de l’économie nationale, et que reste positif le solde des dépenses et des recettes, hors paiement des intérêts. Tel n’est plus le cas en France depuis la fin des années 1970.