Pékin. Sur le plan de l’épidémie, la situation dans le Nord-Est est encore très floue et suffisamment préoccupante pour qu’une équipe du groupe central chargé de la lutte contre l’épidémie se rende à Shulan, le 10 mai. Or, le 11 mai, cette même de Shulan qui abrite un foyer de contagion dans le Nord-Est, est passé en « état de siège » : les transports publics ont été suspendus et les pharmacies interdites de vendre des médicaments contre la fièvre (pour forcer les gens à aller à l’hôpital et donc se faire dépister). Le foyer de la ville a entraîné des contagions dans les villes voisines, notamment dans la ville de Jilin. Le 13 mai, Sun Chunlan, vice première ministre et cheffe du groupe dirigeant en charge de la lutte contre l’épidémie s’est elle-même rendue à Shulan pour coordonner les actions de la municipalité. Elle a visité les hôpitaux installés dans la ville et a demandé que les « problèmes » dans la gestion de l’épidémie soient résolus au plus vite. Le 15 mai, le maire de la ville de Shulan a été relevé de ses fonctions. Le même jour, il y avait 8000 personnes à l’isolement dans les deux provinces du Jilin et du Liaoning.
Le 11 mai, une notice évoquait la possibilité de tester l’ensemble de la population de Wuhan, sur une période de 10 jours. Chenchen Zhang, qui a suivi avec attention les informations en matière de test, relève que la réalité est comme souvent plus contrastée : certains quartiers ont commencé les tests d’autres noms, avec des échéances différentes, etc. L’idée d’un test massif a par ailleurs été critiquée sur les réseaux sociaux ou dans la presse. En cause, des doutes sur l’efficacité réelle de ces mesures, tandis que des citoyens y voient plus une campagne de communication. Le 15 mai, un peu plus de 110.000 personnes ont été testées.
Nouvelles mesures fiscales en vue ?
La réunion du Conseil des affaires de l’Etat hebdomadaire s’est tenue mercredi 13 mai, et a principalement porté sur deux sujets. Le premier est la préparation de la session annuelle de l’Assemblée Nationale du Peuple (ANP) qui se tiendra d’ici une semaine (début les 21 et 22 mai). Ici, c’est plutôt la deuxième partie du document qui nous intéresse, puisqu’il est question de se focaliser sur les « six stabilités » (六稳) et les « six garanties » (六保).1 Le chômage est au centre des préoccupations gouvernementales. Si le taux réel n’est pas connu, il est certainement supérieur aux 5,9 % annoncés par les autorités. Et comme la demande semble être durablement en baisse, le gouvernement semble prêt à renforcer son soutien à l’économie, notamment sur le plan fiscal. Vendredi, des observateurs du SCMP ont noté un article de Liu Kun, ministre des finances, qui appelle à un effort budgétaire conséquent. Cet article est un signal important alors que l’ANP devrait justement passer une loi contenant de nouvelles mesures de soutien. Certains observateur parlent d’un accroissement du déficit à près de 5 % du PIB (un chiffre, comme d’habitude, à prendre avec des pincettes). Ces mesures seront utilisées en combinaison.
Le 14 mai, le Comité permanent du bureau politique (Politburo) s’est également réuni à Pékin pour discuter lutte contre l’épidémie et économie, selon Xinhua. Le communiqué reprend les habituelles exhortations à soutenir l’activité et la production, mais aussi à mener des « réformes » qui permettraient de booster la consommation intérieure. En tout état de cause, la pression sur l’économie implique des mesures exceptionnelles. En sus des mesures fiscales, la Chine négocierait également des couloirs spéciaux pour permettre à des étrangers, en particulier des chefs d’entreprise, de retourner dans le pays avec plus de facilité.
Les PME sont très touchées par l’épidémie. Liu He s’est montré à leur chevet en présidant une réunion sur le soutien à ces entreprises. Les efforts visent d’une part à accroître la demande globale, en investissant dans des projets et en promouvant l’investissement privé. En parallèle, il s’agit d’accroître la demande des consommateurs. A cet égard, Caixin rapporte que les autorités (locales) ont déjà distribué pour trois milliards de dollars en « bons de consommation ». Une seconde stratégie consiste à accroître le soutien financier aux acteurs du marché. La politique globale devrait se concentrer sur l’orientation structurelle, améliorer le professionnalisme et faire « bon usage de divers outils politiques tels que les crédits, les garanties de financement, les prêts à la politique, les bonifications d’intérêts, le financement par cession de créances, le financement de la chaîne industrielle, etc. »
Chine – Europe
Xi Jinping a appelé le Premier ministre hongrois Viktor Orbán qui s’est illustré cette semaine comme un allié idéologique en prenant position contre Taiwan et réaffirmant son soutien au principe « d’une seule Chine ». Lors d’une vidéoconférence remplaçant le sommet 17+12 programmé cette année, le vice-ministre des Affaires Étrangères chinois Qin Gang, en charge des PECO, s’est également entretenu avec 17 représentants de pays européens, et son ministre Wang Yi avec ses homologues estonien, bosnien, hongrois, en plus du ministre espagnol.
D’anciens fonctionnaires de la Commission européenne dénoncent publiquement « l’asymétrie » des relations internationales dans le triangle formé par l’UE, la Chine et les États-Unis. Ils mettent également en exergue les « injustices » perpétrées par la Chine, sur le plan économique, de par les restrictions d’accès à son marché et son interventionnisme outrancier, mais aussi sur les plans idéologique et systémique, devant l’incapacité de l’OMS à opérer et à se réformer. Cet appel à la « solidarité européenne » a d’autant plus d’écho que la diplomatie a récemment essuyé plusieurs revers et est de plus en plus scrutée et critiquée.
De leur côté, une centaine de députés européens a signé une lettre ouverte appelant à l’intégration de Taiwan à l’OMS. La Belgique, quant à elle, prend des mesures de contre-espionnage alors qu’elle révèle de nouveaux cas de collusion et d’espionnage industriel. Mais la révélation, par Le Monde, que l’ambassade de Malte à Bruxelles servirait de relais de surveillance chinois à son insu, n’a quant à elle pas provoqué de grande réaction chez le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
D’ailleurs, son intervention faiblarde dans le même journal montre bien que si les hautes instances saisissent les enjeux de la position de plus en plus structurante de la Chine sur la scène internationale – allant jusqu’à s’auto-qualifier de « naïfs » –, leur manque de fermeté et de leadership ne fait qu’accroître l’incompréhension et le déséquilibre qui caractérisent les relations UE-Chine. Côté chinois, on continue pourtant de s’imposer comme leaders du multilatéralisme et de la gouvernance mondiale en multipliant les plateformes et forums internationaux tout en critiquant (via les canaux accessibles en occident) l’establishment occidental actuel.
Sources
- Point sur le Covid-19 en Chine : à la recherche de la stabilité, Le Grand Continent, 27 avril 2020
- VERON Emmanuel, 17+1, un outil au service de politique extérieure européenne de Pékin défiant l’UE ?, Le Grand Continent, 7 janvier 2020