Zaghreb. La nomination de Donald Tusk comme Président du Parti Populaire Européen, le plus grand groupe du Parlement avec 182/751 députés, exprimant le plus grand nombre de commissaires (10/27), pose à nouveau une des questions les plus évidentes de la vie politique continentale : quelle ligne peut être définie par un parti qui s’étend sur un arc allant de l’équivalent politique de Marine Le Pen à l’équivalent d’Alain Juppé ?
Trois courants plus ou moins sous-terrains essayent d’apporter une réponse à cette question.
La première position semble avoir le vent en poupe depuis le meeting de Zaghreb : rediaboliser Orbán, en transformant le PPE en une grande coalition civique à l’échelle continentale qui rejette au moins dans le discours, le style populiste. C’était la position incarnée par Donald Tusk lors du précédent meeting du PPE en novembre 2018, profondément justifiée au niveau national par son opposition au PiS.
La deuxième position demeure électoralement intéressante 1, tout en posant une question profonde sur l’identité du projet européen défendu par le PPE : encourager une nouvelle alliance avec les partis d’extrême droite capables d’arriver au gouvernement. C’est la position Berlusconi. Pour l’ancien Président du Conseil italien cette stratégie européenne cache un objectif domestique : revenir au pouvoir à 83 ans avec une coalition de droite-centre. Elle s’articule parfaitement à la doctrine défendue par Orbán en 2018, selon laquelle plutôt que de quitter le PPE pour « fonder un parti européen anti-immigration », il faut que Fidesz prenne à cœur le fait de le « renouveler », en infléchissant sa politique et le sens du projet européen.
La troisième position est majoritaire tout en demeurant la moins visible. Elle permet au PPE de résister à la contradiction qui l’habite, grâce à une forme d’inertie qui a été jusqu’ici particulièrement efficace vis-à-vis de la tentative macronienne de recomposition de l’espace politique, mais qui a également permis d’affronter pour l’instant sans ruptures la question de l’expulsion d’Orbán. La résistance de Barnier à abandonner le PPE représente un moment important de cette tendance profonde. C’est elle qui a assuré l’échec de la tentative de recomposition politique portée par de nouvelles forces politique comme Renew. Le PPE a même tenu à le souligner d’une manière spectaculaire en rejetant la candidature de Sylvie Goulard.
Le tableau ne serait pas complet cependant si on ne parvenait pas à définir une autre direction, souvent ignorée par les commentateurs, qui se tient sur une considération profonde du rapport de forces à l’échelle continentale.
S’il ne paraît pas aisé de trouver une logique politique stricte à l’hétérogénéité des sensibilités qui habitent le PPE, cette carte essentielle montre, en effet, une homogénéité frappante.
On remarque un fait étonnant. Lors des dernières élections européennes, à l’exception des Pays-Bas, pas un seul pays à l’Ouest de l’Allemagne n’a donné la majorité à un parti affilié au PPE.
À la fois cause et effet de ce déplacement vers l’Est, le PPE devrait être désormais conçu comme un groupe qui exprime d’abord un intérêt géopolitique plus qu’une ligne politique.
Et si on peut se demander si « Est » ne mériterait pas de remplacer « européen » dans le nom du parti, on doit également remarquer que la politique transnationale accompagne un processus d’européanisation qui demande aux groupes du Parlement européen de penser leur situation géopolitique.
Perspectives
- Les trois « sages » qui avaient été nommés par le PPE pour enquêter sur l’état de la démocratie en Hongrie rencontreront Orbán en décembre afin de continuer leur enquête. Leurs recommandations sur la question de savoir si le PPE devrait expulser Fidesz seront rendues au début de 2020.
- Donald Tusk a déclaré le jour suivant sa nomination comme Président du PPE qu’il se prononcera sur l’expulsion de Fidesz « à la fin du mois de janvier », après des « consultations intensives ».