Varsovie. En Pologne, 86 comités électoraux s’étaient enregistrés auprès de la Commission électorale nationale afin de présenter leurs candidats au Sejm et au Sénat. En fin de compte, seuls dix comités électoraux ont présenté des candidats aux élections de ce dimanche. Les concurrents les plus sérieux sont Droit et Justice, le parti au gouvernement ; le comité électoral de la Coalition civique (qui réunit les partis politiques Plate-forme civique, Moderne, et Les Verts) ; le comité électoral Alliance de la gauche démocratique (formé par les partis Printemps, La Gauche ensemble, Alliance de la gauche démocratique, et Ensemble) ; la Confédération de la liberté et de l’indépendance (formée par les partis Confédération de la liberté et de l’indépendance, KORWiN, et Mouvement national) ; et la Coalition polonaise, fondé sur initiative du Parti paysan.1

Les sondages effectués en septembre et octobre 2019 prévoient une victoire du PiS (42-48 %) sur la Coalition civique (23-29 %), suivie de l’Alliance de la gauche démocratique (11-13 %). Le Parti paysan polonais (5-13 %) et la Confédération (5-13 %) resteraient ainsi hors du parlement. Selon les sondages, le taux de participation devrait atteindre un niveau record de 78 %, dépassant celui des premières élections parlementaires libres organisées en Pologne en 1989, avec 62,7 %.2

Le parlement polonais est bicaméral, et est composé par le Sejm (chambre basse) et le Sénat (chambre haute). Selon les articles 96 et 97 de la Constitution, le Sejm est composé de 460 députés, le Sénat de 100 sénateurs. La majorité nécessaire pour réviser la Constitution est de deux tiers des voix en présence d’au moins la moitié du nombre de députés prévu par la loi, à savoir 307 députés. L’objectif déclaré du PiS et de son leader Jarosław Kaczyński est d’obtenir une telle majorité constitutionnelle, ce qui garantirait au parti de pouvoir mener à bien les changements prévus de la Constitution, du système judiciaire et d’autres domaines de l’État.

La victoire probable du PiS ce dimanche couronne une campagne sociale et d’image parfaitement menée dès juillet, sur la base du slogan « Le bon temps pour la Pologne » (pl. Dobry czas dla Polski) : invasion d’affiches, utilisation massive des réseaux sociaux, mais aussi travail sur le terrain des activistes locaux soutenus par des politiciens clés du PiS. Le parti a organisé de nombreuses conventions spectaculaires et des réunions préélectorales avec les électeurs de toute la Pologne, au cours desquelles Jarosław Kaczyński lui-même prononçait des discours. Des discours qui résonnent régulièrement dans les médias et suscitent de larges discussions et débats (il y a défendu les changements constitutionnels, le modèle de famille catholique « un homme, une femme et deux enfants », les règlements des journalistes et des artistes, le « marquage » des élites communistes et post-communistes). Ainsi, les slogans proclamés par Kaczyński et son parti prennent la forme d’une idéologie.

En outre, le PiS a également obtenu une aide supplémentaire des États-Unis, qu’il considère comme le seul et le plus important allié de la Pologne. Le 23 septembre 2019, un accord de déploiement de 4 500 soldats américains a été signé entre les États-Unis et la Pologne. Le 4 octobre 2019, Donald Trump a annoncé l’abolition des visas pour les Polonais aux États-Unis. En Pologne, ces deux actes ont été largement commentés dans les médias et annoncés comme un succès de la diplomatie polonaise.

Mais il ne s’agit pas seulement de propagande pré-électorale. Laa politique sociale poursuivie par le gouvernement actuel a également contribué à la position de force du PiS à la veille de ces élections. Avec la création de nombreux transferts sociaux pour le premier enfant et les suivants sous la forme de 500 złoty par mois, (le programme « 500+ »), le treizième mois de retraite, et la promesse d’un « quatorzième mois », ainsi que la promesse d’une augmentation du salaire minimum à 4 000 złoty en 2023. Ce qui a par conséquent conduit à une polarisation de la société et à la manifestation « choix identitaires ». En dépit des nombreux scandales financiers (cadeaux aux ministres, les vols du président du Parlement, affaires immobilières) révélés par des journalistes indépendants, la majorité de la société soutient le gouvernement et votera pour les promesses de prospérité. Ceci est lié à la situation économique positive de l’économie polonaise, à la baisse du chômage, à l’augmentation du salaire minimum.3

Le gouvernement actuel du PiS applique depuis le début les axes de programme et les promesses électorales des élections de 2015. Il est efficace et formule des plans d’action concrets – comme par exemple le programme « Cinq points pour cent jours »4. Son action donne des résultats visibles. Cependant, pour la première fois après 1989, le gouvernement a entamé une guerre identitaire : les slogans liés à la lutte contre les LGBT, tels que Nous devons défendre la famille polonaise dans le domaine de l’identité chrétienne,5 et les arrestations et émeutes au cours des Parades pour l’égalité organisée par les milieux libéraux dans nombreuses villes polonaises, confirment que le centre du programme du PiS est fortement identitaire et néo-nationaliste.

L’opposition, quant à elle, manque d’un programme spécifique et d’une stratégie à long terme. Pour cette raison, elle finit par ne compter presque pour rien dans ce match. La balle reste pleinement dans le camp du PiS, alors que l’opposition se contente trop souvent de dupliquer les idées de PiS,craignant de s’opposer aux solutions introduites par le parti au pouvoir. Tout cela risque fort de la condamner à une défaite électorale, laissant la voie libre au PiS pour l’obtention d’une majorité constitutionnelle.

Perspectives  :

  • Les assez bons résultats de l’opposition lors des élections au Parlement européen de mai ne semble pas être confirmés par l’opposition. Le PiS, en revanche, a continué sur la voie de la consolidation de son avantage. C’est dans ce contexte que la prochaine élection présidentielle aura lieu en 2020 : l’actuel président Andrzej Duda, du PiS, semble en tête pour défendre sa position.
Sources
  1. Commission électorale nationale, Elections au Sejm et au Sénat de la République de Pologne, 2019, Comités
  2. STANLEY Ben, Stanley dla „Polityki” : D′Hondt daje PiS komfortową większość w Sejmie, Polityka, 5 octobre 2019
  3. SADURA Przemysław, SIERAKOWSKI Sławomir, Polityczny cynizm Polaków (Le cynisme politique des Polonais. Rapport sur la recherche sociologique), Krytyka Polityczna, 17 septembre 2019
  4. PiS annonce « Cinq points pour 100 jours »
  5. Déclaration du ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, lors du congrès du programme PiS à Katowice, le 6 juillet 2019