Rome. Le 9 mai, Silvio Berlusconi, ancien premier ministre italien et leader du parti de centre-droite italien Forza Italia, est revenu sur l’une de ses propositions plus remarquées de cette campagne électorale : une alliance au Parlement européen entre le PPE – qui selon les sondages va être, bien qu’affaibli, encore une fois le majeur parti du prochain Parlement1 et dont Forza Italia est membre – et les forces d’extrême droite. Intervenant dans l’émission « Porta a Porta » , il a soutenu : « le PPE doit quitter l’alliance avec les socialistes et se tourner vers la droite, vers les partis conservateurs et nationalistes. Je suis convaincu que Orban et Salvini peuvent également entrer dans cette alliance ».2

La proposition de l’ancien premier ministre italien est plutôt audacieuse au niveau européen, même si pas trop nouvelle : en effet, l’enthousiasme pour une alliance avec la droite au sein du PPE, du moins en public, semble s’être calmé après la « suspension » prononcée à l’encontre du Fidesz d’Orban, l’un des principaux représentants de cette ligne « à la droite de la droite » 3. Mais bien que Berlusconi soit candidat comme tête de liste aux élections européenne, son idée, qui se base sur une expérience commun de gouvernement avec la Ligue en Italie, est orientée vers la politique intérieure. Il y a quelques semaines, Le Grand Continent expliquait ainsi la stratégie de Berlusconi4 :

La position de Berlusconi n’est cependant pas nouvelle. Elle est liée au désir de recréer l’alliance de centre-droit avec la Ligue, qui s’est effondrée après les élections – alors qu’elle est pourtant encore très vivante au niveau local. Cette situation explique les insultes constantes adressées au Mouvement Cinq étoiles : pour Berlusconi, l’alliance du centre et de la droite est le seul gouvernement de coalition « naturel » . Sa proposition européenne, dans ce contexte, peut être expliquée par une opportunité d’effectuer un échange de bons procédés : s’ouvrir à Matteo Salvini signifierait sortir la Ligue de l’isolement européen auquel elle est pour le moment réduite dans le groupe eurosceptique ENF, achevant ainsi la « romanisation de Salvini » déjà lancée dans les palais romains.

En conséquence, Forza Italia serait capable de retrouver un rôle de premier plan et de revenir au gouvernement à Rome bien que, pour le moment,le parti de Berlusconi semble voué à avoir une influence plutôt limitée : selon les derniers sondages, le parti serait crédité d’environ 10 % des intentions de vote aux prochaines élections.5

Il ne faut donc pas exagérer la portée européenne de la proposition de Berlusconi : il s’agit d’une démarche qui concerne avant tout l’Italie et la campagne électorale italienne. Berlusconi utilise sa rhétorique traditionnelle séduire les électeurs de droite, montrant qu’il parle le même langage que Salvini, tout en adoptant la posture d’un bon « père de la patrie » , un homme capable de promouvoir un gouvernement de droite, en Italie et en Europe, contre les dangers des populistes et de la gauche.

Notre analyse sur Le Grand Continent continuait :

Berlusconi fait un pari : regagner du terrain dans les cercles de droite en se plaçant en médiateur entre les souverainistes. Cette tentative, au niveau européen, est loin d’être un succès : Berlusconi est désormais isolé du PPE et Forza Italia risque d’avoir un poids résiduel dans le nouveau Parlement européen, où de nombreuses voix plus fortes peuvent espérer former des alliances avec les souverainistes – de Manfred Weber à Sebastian Kurz. Ainsi, le prochain Parlement européen pourrait pencher à droite – mais le mérite n’en reviendra pas à Berlusconi. Et pourtant, au niveau italien, le poids de Berlusconi semble beaucoup propice à bouleverser les alliances : les crises constantes de la coalition Ligue-M5S pourraient conduire à une alliance de droite entre la Ligue et Forza Italia en tant que partenaire junior, ramenant ainsi l’Italie vers le centre de l’échiquier politique européen.

Bien qu’il aie promis qu’il restera à Bruxelles, parce que « il y a beaucoup de choses à faire »6, Silvio Berlusconi sera-t-il capable de regagner d’influence en Italie ?

GEG – Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives :

  • 26 mai : élections européennes en Italie, où Berlusconi est candidat comme tête de liste pour Forza Italia.
  • Les résultats des élections européennes auront un impact aussi sur les deux partenaires de la coalition de gouvernement, la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles : du nouveau rapport de force entre les deux partis qui sortira des urnes pourrait dépendre la durée du gouvernement italien.7.
Sources
  1. EU parliament elections : country-by-country poll tracker, Financial Times, 11 mai
  2. SCARANO Angelo, Berlusconi : « Nel futuro ci sarà un centrodestra compatto« , Il Giornale, 9 mai 2019.
  3. MENNERAT Pierre, ROSPARS Theophile, Suspension du Fidesz par le PPE : une décision qui ne règle rien, Le Grand Continent, 24 mars 2019.
  4. COLLOT Giovanni, L’appel de Berlusconi pour une alliance entre le PPE et les souverainistes se tourne vers Bruxelles mais pour gagner à Rome, Le Grand Continent, 6 avril 2019
  5. Poll of polls – Italy, 14 mai 2019.
  6. SCARANO Angelo, Berlusconi : « Nel futuro ci sarà un centrodestra compatto« , Il Giornale, 9 mai 2019.
  7. COLLOT Giovanni, Le gouvernement zombie de Rome, Le Grand Continent, 24 avril 2019