Berlin. J’ai longtemps été très critique à l’égard de la position de l’Allemagne sur l’union bancaire et tout aussi critique à l’égard de ceux qui pensent que l’achèvement du secteur bancaire pourrait se limiter à approuver un système européen de garantie des dépôts en échange de certaines mesures sur la pondération du risque souverain, qui ne tient pas compte des défis plus vastes de l’achèvement de l’union bancaire.

Mais le ministère fédéral des Finances (BMF) a publié un nouveau document officieux très important sur l’union bancaire, qui prend à juste titre un peu de recul et examine le tableau d’ensemble et les défis de l’arrangement actuel, et fait des propositions intéressantes en vue de progrès significatifs. Bien qu’à certains égards, les propositions manquent d’ambition, c’est le premier document depuis longtemps qui examine et admet certaines failles fondamentales dans la construction actuelle de l’union bancaire et propose des révisions fondamentales.

Résolution unique

D’abord, le document reconnaît que le cadre de résolution européen est fondamentalement dysfonctionnel pour deux raisons essentielles :

  • L’absence d’une véritable procédure européenne d’insolvabilité/base juridique, qui limite fondamentalement les pouvoirs du CRU (Conseil de résolution unique)1. Ceci est fondamentalement dû au fait que la Banking Recovery and Resolution (BRRD) est une résolution (qui doit être transposée dans la législation nationale) plutôt qu’un règlement (qui aurait des effets juridiques en droit européen sans transposition). Le journal allemand ne va pas jusqu’à dénoncer la faiblesse de la BRRD, mais fait de même en appelant à un véritable régime d’insolvabilité des banques européennes. Cela va plus loin que n’importe quelle recommandation de la Commission européenne jusqu’à présent et ouvre une véritable porte à des réformes profondes du cadre de résolution européen.
  • Le pouvoir de l’autorité de résolution unique est limité aux cas jugés d’intérêt public, ce qui signifie qu’elle laisse de nombreuses possibilités d’échapper à la résolution européenne du CRU et préfère que les procédures nationales d’insolvabilité soient plus favorables.

Parce qu’il comprend ces faiblesses, le document appelle également à des améliorations très significatives dans les instruments de résolution (c’est-à-dire pour le transfert des activités de dépôt ou pour l’établissement d’une banque relais) et à ce qu’ils soient mis à la disposition des banques systémiques et non systémiques. Il s’agit là d’un véritable changement par rapport à l’étroitesse d’esprit de la BRRD et à son approche de renflouement uniquement, qui ouvre la porte à l’inclusion d’instruments tels que les AMC/mauvaises banques qui ont jusqu’ici été difficiles à entreprendre.

De plus, le CRU est finalement considéré comme une véritable autorité de règlement qui pourrait prendre des mesures précoces. Il s’agit d’un changement par rapport à la pratique actuelle selon laquelle le MSS glissait de facto dans le rôle d’une autorité de résolution en raison de l’absence d’action de la part du CRU.

Enfin, il n’est pas surprenant que l’Allemagne souhaite limiter l’utilisation du Fonds de résolution unique aux banques systémiques, mais parce qu’elle envisage l’inclusion du système européen de garantie des dépôts dans le CRU, elle ouvre la possibilité d’utiliser les fonds du Système de garantie des dépôts (DGS – Deposit Guarantee Scheme) et introduit la notion de résolution au moindre coût.

Questions relatives à la surveillance du pays d’accueil

Ces questions sont essentielles pour expliquer l’absence de fusions-acquisitions transfrontalières depuis le lancement de l’union bancaire et elles ont généralement été passées sous silence. Le document reconnaît ces questions et la nécessité d’un compromis et propose de rédiger des schémas au cas par cas qui fourniraient au MSU (mécanisme de surveillance unique) et au CRU des lignes directrices à utiliser en cas de crise. Cela permettrait de lever les restrictions en temps normal, mais offrirait certaines garanties en période de crise.

Pondération des risques souverains

La position allemande sur la pondération des risques souverains était jusqu’à présent assez absolue et considérait que l’exposition souveraine ne devait plus être traitée comme un actif pondéré à 0 pour être une condition préalable à tout mouvement sur un système européen de garantie des dépôts. Ce nouveau document propose une approche beaucoup plus nuancée qui ne fait pas du traitement du risque souverain une condition préalable mais un élément d’un accord global. En outre, elle ne préconise pas une forte augmentation des pondérations de risque, mais propose plutôt un modèle qui équivaut essentiellement à une surcharge de concentration en permettant que 33 % du capital de la banque soient détenus dans des obligations souveraines nationales et que le reste soit facturé selon la concentration. Il s’agit d’un modèle beaucoup plus généreux que ceux qui ont été discutés auparavant et qui doivent encore faire l’objet de négociations, y compris avec une longue période d’introduction progressive et éventuellement un ensemble de seuils de concentration et de poids.

Créances douteuses

Les objectifs fixés pour réduire les créances douteuses (NPL – non performing loans) bruts à 5 % et nets à 2,5 % sont assez ambitieux mais ne sont pas associés à un calendrier strict, ce qui laisse place à la négociation.

EDIS (European deposit insurance scheme – Dispositif européen de garantie des dépôts)

Le système de dépôt qui vient en dernier lieu, à juste titre, dans la série des étapes importantes est peut-être la proposition la moins ambitieuse parce qu’elle s’en tient à un système de compartiments nationaux avec un partage des risques limité aux prêts aux systèmes nationaux de garantie des dépôts. Mais elle ouvre la voie à une réassurance qui serait dotée d’une capacité limitée d’absorption des sinistres. Celle-ci serait conçue principalement pour les petits pays (non définis). Ce modèle est loin d’être parfait, mais le fait qu’il puisse être logé à l’intérieur du CRU, et donc soutenu, pourrait réduire de manière substantielle la nécessité de l’utiliser, car son utilisation serait décidée contre l’utilisation potentielle d’autres instruments de restructuration disponibles.

Enfin, le document conclut à juste titre sur les questions du domaine fiscal, qui sont en effet essentielles pour éviter l’arbitrage concurrentiel au sein de l’union bancaire. L’impôt commun sur les sociétés (du moins pour les banques) et l’harmonisation des prélèvements bancaires deviendront un élément plus important du paquet de négociation. La seule déception est peut-être l’absence de référence explicite aux structures de défaisance (bad banks) et à la liquidité dans les défis de résolution qui nécessiteraient une bonne coopération entre le CRU et la BCE. Cela pourrait être, surtout dans un contexte de faiblesse du système européen de garantie des dépôts, l’élément le plus important d’un cadre de résolution stable et efficace.

Il est probable que cela remette à zéro l’ordre du jour sur l’union bancaire et cela est très bienvenu. Cela risque également de retarder et de désamorcer toute discussion sur l’union fiscale pendant un certain temps.

Sources
  1. Le Conseil de résolution unique (Single Resolution Board) est une institution européenne créée en 2015, après la crise des subprimes, ayant pour rôle de garantir la résolution ordonnée des banques défaillantes, avec une incidence minimale sur l’économie réelle et les finances publiques des pays de l’UE participants et d’autres pays.