Le Caire. Le Caire accueillera, début décembre, la prochaine série de négociations autour du Grand barrage de la renaissance éthiopienne (GBRE). Cette discussion constituera l’une des quatre réunions techniques que les ministres égyptien, éthiopien, soudanais des Affaires étrangères ont convenu de tenir le 7 novembre dernier, lors d’une réunion à Washington en présence du président Trump et de représentants de la Banque mondiale1. L’objectif étant de trouver un accord global en janvier 2020.

Cette volonté affichée de trouver une issue à un contentieux de neuf ans entre Le Caire, Addis Abeba et Khartoum est encourageante, d’autant que, quelques semaines plus tôt, ce sont les tensions qui prévalaient : les autorités égyptiennes avaient réagi avec fermeté à des déclarations du président éthiopien Abiy Ahmed, jugées belliqueuses. Lors d’une intervention auprès de son Parlement, l’homme d’Etat avait ainsi déclaré qu’« aucune force ne [pouvait] empêcher l’Éthiopie de construire le barrage » et avait mis en avant la capacité de son pays à « mobiliser des millions de jeunes », nuançant néanmoins ses propos en soulignant que la guerre ne pouvait être la solution2.

Pour mémoire, l’Éthiopie a lancé en 2011, en pleine révolution égyptienne, cet ambitieux projet de barrage sur le Nil bleu, d’un montant de 4 milliards de dollars3, dont l’achèvement est prévu pour 2022. Cet immense complexe hydroélectrique, le plus grand d’Afrique, remettant en cause les équilibres régionaux et la prééminence historique de l’Égypte sur les ressources hydriques du Nil. Du côté du pays des pharaons, le point d’achoppement principal demeure le délai de remplissage du réservoir du GBRE ; Le Caire craint en effet une réduction du débit des eaux du Nil si ce remplissage est trop rapide, alors même que l’Égypte dépend à près de 90 % de ce fleuve pour son approvisionnement. Cet approvisionnement est, de surcroît, de plus en plus menacé par le réchauffement climatique4. Selon le ministre soudanais de l’Irrigation, les trois pays se sont mis d’accord, le 15 novembre dernier à Addis Abeba, sur une période de sept ans pour le remplissage du barrage5. Les autorités égyptiennes souhaitent par ailleurs se voir garantir un débit de 40 milliards de mètres cubes par an6.

Un des leviers de négociation à la disposition du Caire est sa position stratégique, renforcée par le canal de Suez qui fêtait ses 150 ans le 17 novembre dernier. Sous réserve d’une position conciliante de l’Ethiopie vis-à-vis du GBRE, le pouvoir égyptien pourrait en effet faire profiter son voisin de son accès à la mer, afin qu’Addis Abeba exporte ses marchandises vers la Méditerranée. L’Égypte se trouve néanmoins en position de relative faiblesse sur ce dossier, Khartoum s’étant ralliée à la position éthiopienne : les paysans soudanais espèrent en effet retirer du barrage une meilleure régulation du fleuve, et éviter ainsi de subir d’importantes inondations à chaque saison des pluies7.

PERSPECTIVES

  • Après la rencontre au Caire début décembre, les ministres égyptien, éthiopien et soudanais devraient se rencontrer à nouveau à Washington le 9 décembre et le 13 janvier prochains.
  • Il est peu probable que les désaccords au sujet du GBRE, aussi vifs soient-ils, entraînent un conflit armé entre les différents protagonistes, la communauté internationale se montrant déterminée à éviter une conflagration entre deux des plus grandes puissances africaines. Ainsi, lors de la dernière montée des tensions en octobre, Moscou s’est proposée comme médiateur à l’occasion du sommet Russie-Afrique organisé à Sotchi, de même que Washington, sous l’égide duquel l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan se sont engagés à trouver un accord d’ici à janvier 2020.
Sources
  1. « L’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie espèrent trouver un accord sur le barrage hydroélectrique de la Renaissance d’ici janvier 2020  », Energies Média, 15 novembre 2019.
  2. « Barrage de la Renaissance : le ton monte entre l’Éthiopie et l’Égypte  », RFI, 22 octobre 2019.
  3. « Tension élevée entre l’Egypte et l’Ethiopie autour du projet de méga-barrage sur le Nil  », Le Monde, 24 octobre 2019.
  4. JEANDEL Marilou, « L’Egypte, don du Nil ? Les remises en cause géopolitiques et environnementales  », Le Grand Continent, 16 décembre 2018.
  5. « Khartoum Announces Deal on Filling Renaissance Dam in 7 Years », Asharq Al-Aswat, 18 novembre 2019.
  6. BOURDILLON Yves, « Offres de médiation sur le barrage du Nil bleu  », Les Echos, 24 octobre 2019.
  7. « Le grand barrage éthiopien sur le Nil Bleu suscite l’espoir des paysans soudanais  », Le Monde, 18 novembre 2019.