Rome. 6,15 %, c’est plus ou moins le pourcentage de l’électorat italien que l’on peut considérer avec certitude comme prêt à voter pour une force politique qui propose, sans ambiguïté, la sortie de l’Italie de l’euro. C’est en effet ce que suggère le résultat de la Ligue (à l’époque encore « Ligue du Nord ») aux élections européennes de 2014, avec une campagne menée sous le clair slogan « Stop Euro ».

Juste après le champagne, la Ligue a toutefois nuancé progressivement sa position sur la monnaie unique. L’ Italexit a peu à peu disparu du discours du parti, et son leader Matteo Salvini a mentionné plusieurs fois ces dernières années que l’abandon de l’euro n’était plus au programme. La dernière occurrence a eu lieu ce lundi, dans un entretien au quotidien italien Il Foglio, où il déclare que «  La Ligue n’a pas dans sa tête la sortie de l’Italie de l’euro ou de l’Union européenne  » et que l’euro est « irréversible  ». Pour autant, il s’empresse de justifier : « Cela ne signifie pas que j’ai changé d’avis sur comment est née la monnaie unique : elle est née mal, par intérêt de quelques-uns et au détriment de beaucoups  ».1

Bien que le destin de l’euro n’ait pas été sujet principal de la campagne européenne de 2019, et que l’Italexit ne figurait pas dans le contrat du gouvernement signé avec le Mouvement cinq étoiles (une autre force politique qui dans le passé avait mis en doute la monnaie européen), plusieurs observateurs ont remarqué l’ambiguïté de la Ligue sur ce sujet. Certains analysent ce fait comme une volonté de continuer à attirer l’électorat défavorable à l’euro, d’autres que l’Italexit est resté, en réalité, son vrai objectif caché.

Les signaux de cette ambigüité ont été, par exemple, l’élection de certains soi-disant économistes, notamment opposés à l’euro comme Antonio Maria Rinaldi ou Francesca Donato, dans les rangs de la Ligue lors des dernières élections européennes. Un an plus tôt, les choix de Bagnai et Borghi (eux aussi économistes anti-euro) comme présidents des commissions de « finances » et « budget », respectivement à la Chambre et au Sénat italiens, avait également interpellé. Borghi a d’ailleurs réagi ironiquement à l’entretien de Salvini au Foglio (suggérant que l’entretien était incorrect et ne critiquant pas le leader), en tweetant que « même la mort n’est pas irréversible, comme en témoigne le cas de Lazare ».2

Le même Salvini, pour autant, alimente la confusion. Lundi soir, soit le jour même de la publication de l’entretien au Foglio, il déclarait lors de l’émission de télévision Quarta Repubblica qu’il voulait « changer les règles européennes de l’intérieur… la monnaie on peut en discuter, pas tout seul mais en groupe, oui »3. Autrement dit, que l’euro serait irréversible aujourd’hui mais que demain, avec un consensus différent dans l’Union, la Ligue serait prête à en « discuter ».

Cela figurait déjà dans le programme pour les élections politiques de 2018 au chapitre « Europe »4 : « L’euro c’est la cause principale de notre déclin économique… nous avons toujours cherché des interlocuteurs en Europe pour entamer un parcours de sortie concertée. Nous continuerons à le faire et, en attendant, on va tout faire pour être préparés et en sécurité afin de gérer en position de force et de façon autonome nos demandes pour une récupération de notre souveraineté  ». Le programme est toujours disponible en ligne, et il n’a jamais été officiellement rejeté.

Sources
  1. CHIRICO Annalisa, Prove di Salvini 2.0, in Il Foglio, 14 octobre 2019
  2. BORGHI Claudio, Tweet, sur Twitter, 14 octobre 2019
  3. Anonyme (partagé par BORGHI Claudio), Tweet, sur Twitter, 14 octobre 2019
  4. Lega Nord, Programma di governo elezioni 2018, sur leganord.org