Bruxelles. Le 4 juin 2019 à Bruxelles, Gordon Sondland, ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Étrangères et la politique de sécurité et Jared Kushner, gendre et conseiller du président américain Donald Trump, se sont réunis pour un dîner avec le président polonais Andrzej Duda, la première ministre roumaine Diora Viorica Dǎncilǎ et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Cette réunion informelle devait souligner les liens entre les représentants de la zone euro-atlantique et les pays du flanc sud-est de l’OTAN (membres du « Bucharest 9” (B9) et de l’Initiative des trois mers – ITM) ainsi que le soutien apporté à l’Ukraine dans son ambition d’adhérer à l’UE et à l’OTAN.

La veille, l’Assemblée parlementaire annuelle de l’OTAN (AP-OTAN) s’était tenue à Bratislava, où des représentants des États membres et des observateurs avaient analysé les menaces actuelles sur la sécurité. À cet égard, ils ont notamment insisté sur l’agression de la Russie et sa réticence à coopérer. Le président de la République slovaque, Andrei Kiska, a souligné que les pays attaqués par la Russie, comme la Géorgie et l’Ukraine, devraient s’assurer que l’OTAN donne la priorité à la mise en œuvre de leurs ambitions euro-atlantiques. « Sans eux, notre sécurité ne serait pas complète » a souligné Kiska.

La Pologne, la Roumanie et l’Ukraine ne sont qu’un exemple frappant de l’agressivité de la Russie. La Pologne, située entre l’Union européenne et la Russie, cherche d’un côté à renforcer sa sécurité par la présence de troupes américaines sur son territoire et par l’extension du système de défense antimissile (acté par la signature du contrat pour la mise en œuvre de la première phase du programme Vistule le 28 mars 2019)1 et d’autre part par le développement d’une défense fondée sur les instruments de l’UE (la participation dans 10 programmes PESCO) et soutenue par le renfort à l’échelle régionale – l’engagement aux projets de l’ITM et du Groupe de Visegrad (V4)2.

Le 4 juin 2019, le président polonais Andrzej Duda a rencontré à Bruxelles le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Les entretiens concernaient la sécurité dans la région et la coopération régionale. Le président Duda a officiellement informé ses partenaires de l’OTAN de la possibilité d’augmenter la présence des troupes américaines en Pologne3.

« Notre volonté est que la future présence américaine contribue à l’instauration de la sécurité dans notre région, mais surtout aux activités menées sous les auspices de l’OTAN », a déclaré le président Andrzej Duda lors d’une conférence commune. Cette rencontre est liée à sa visite prévue à Washington le 12 juin 2019 et à la réunion avec le président américain Donald Trump. Les décisions devraient alors augmenter la présence des troupes américaines en Pologne. Duda lui-même a déclaré qu’il comptait sur une « clôture des négociations » menée jusqu’à présent à un niveau inférieur4.

« La Pologne est résolument attachée à l’OTAN et l’OTAN est fermement déterminée à assurer la sécurité de la Pologne. C’est là un point important, alors que nous continuons de nous adapter à l’environnement de sécurité le plus imprévisible que nous ayons connu depuis une génération. Je me félicite du fait que la Pologne ait fourni des informations aux alliés de l’OTAN. C’est un accord bilatéral, mais il fera bien sûr partie de la présence plus large des alliés de l’OTAN en Europe, en particulier de la présence accrue des États-Unis en Europe » a déclaré Jens Stoltenberg5.

La Roumanie, comme la Pologne, est un allié important des États-Unis dans la région. La sécurité de la région de la mer Noire est devenue une question brûlante après l’annexion de la Crimée et les tentatives de la Russie de se soumettre le bassin de la mer Noire. La Roumanie, comme la Pologne, consacre 2 % de son PIB à la défense. C’est également un allié important de l’OTAN sur le flanc sud-est.

Membre de l’OTAN et de l’Union, elle participe à 7 programmes PESCO. À Devesel (Roumanie) et à Redzikowo (Pologne), des éléments du système européen de défense antimissile américain Aegis Ashore reposent sur l’utilisation de lanceurs de navires et de lanceurs terrestres. En outre, à partir de décembre 2016, une vingtaine de bombes atomiques américaines seront probablement déplacées de la Turquie à Devesel (l’information n’a jamais été officiellement confirmée par les autorités américaines).

La Pologne et la Roumanie ont les mêmes inquiétudes vis-à-vis de la menace russe et les mêmes convictions sur l’importance de l’alliance avec l’OTAN et les États-Unis. Ces deux États ont engagé un vaste déploiement pour contribuer au renforcement de la sécurité commune. La Roumanie engage des forces considérables dans des opérations conjointes, y compris un groupe de bataillon en Pologne, et modernise son armée. Elle soutient également l’expansion du déploiement de l’OTAN sur le flanc est, mais prévoit un renforcement parallèle non seulement de la partie nord, mais également de sa partie sud6. Il convient de souligner que l’une des priorités de la Roumanie lors de la présidence du Conseil de l’UE (premier semestre 2019) est de renforcer les relations entre l’Union et l’OTAN afin d’assurer la sécurité de la région7.

Tous deux comprennent l’importance de soutenir l’Ukraine dans son ambition d’adhérer à l’Union et à l’OTAN. L’Ukraine est devenue un allié très proche des États-Unis. Le Congrès américain a adopté une loi sur le renforcement du soutien militaire à l’Ukraine et lui a attribué le statut d’allié majeur des États-Unis, statut qu’elle partage avec le Japon, la Corée du Sud et l’Israël.

Lors de la visite à Bruxelles, Andrzej Duda a également rencontré Volodymyr Zełenski, le nouveau président de l’Ukraine, qui y séjournait lors de sa première visite officielle à l’étranger. « La Pologne est et veut être un avocat de l’Ukraine au sein du forum de l’Union. Le président Andrzej Duda soutient très clairement les aspirations pro-européennes et pro-atlantiques de ce pays. La Pologne est également cohérente en matière d’intégrité territoriale de l’Ukraine », a souligné le chef adjoint de la Chancellerie du président Paweł Mucha8.

Les États d’Europe centrale et orientale, et maintenant aussi ceux du flanc sud-est, ont à maintes reprises effectué des déclarations et actions communes visant à mettre l’accent sur la solidarité régionale, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la défense, notamment dans le cadre du groupe de Visegrad9. Cette coopération se fait aussi au sein du groupe « Bucharest 9 », créé pour promouvoir la présence de l’OTAN dans la région. Il est composé des États de l’OTAN situés sur son flanc est : Pologne, Roumanie, Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovaquie, République tchèque, Hongrie et Bulgarie. Parmi ces pays, la Pologne et la Roumanie revêtent sans aucun doute une importance particulière pour la sécurité dans la région. Ce format permet également de limiter les effets de la politique de la Hongrie et de la Bulgarie sur la Russie10. Ces pays font également partie de l’ITM dont le 4ème sommet a eu lieu récemment en Slovénie (6 et 7 juin 2019). À cette occasion le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a toutefois attiré l’attention sur le fait qu’entre 2004 et 2020, 60 milliards d’euros des fonds structurels de l’UE ont été versés aux pays de l’ITM. Il a souligné que dans la proposition de la Commission relative au budget de l’UE pour 2021-2027, « nous voulons payer 42,3 milliards d’euros pour un meilleur réseau de connexions, en particulier dans cette région ». « Je suis convaincu que nous avons fait et continuerons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir une meilleure cohésion et un meilleur réseau de connexions dans cette région également dans les années à venir », a déclaré M Juncker11.

Le soutien des États du flanc sud-est par le bloc euro-atlantique est un élément du jeu dont les règles sont dictées à Moscou. La politique de dissuasion prend une véritable forme d’action et devient efficace à court et à long terme. Les pays de la région, qui participent à des structures régionales, soulignent leur force et leur détermination à assurer la sécurité dans cette partie de l’Europe, ce qui est notamment visible par les efforts de l’Ukraine pour rejoindre la zone euro-atlantique. Rappelons Halford John Mackinder qui disait : « Qui contrôle l’Europe de l’Est, contrôle la zone centrale ; qui contrôle la zone centrale, règne sur l’île du monde ; qui règne sur l’île du monde, règne sur le monde ».

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives :

  • 12 juin 2019 : rencontre du président polonais Andrzej Duda et du président américain Donald Trump aux États-Unis. La réunion vise à préciser le soutien militaire américain à la Pologne.
  • Il est dans l’intérêt de la Pologne de développer sa coopération avec la Roumanie, seul État du flanc sud-est déterminé à contrecarrer l’expansion de la Russie dans le bassin de la mer Noire. La Pologne soutient en effet la création du groupe de commandement et du groupe de combat du bataillon en Roumanie. Cependant, une telle décision nécessite le consentement de tous les alliés. Pour prendre des mesures à cet égard, notamment pour surmonter le scepticisme de certains membres de l’Alliance, le format des Neuf de Bucarest pourrait être utilisé. Augmenter la présence d’alliés en Roumanie est d’autant plus important que ses problèmes liés à l’appel d’offres Corvette – face à l’incapacité d’établir des forces navales de l’OTAN dans la mer Noire – ont retardé la mise en œuvre d’un programme clé visant à dissuader la Russie dans cette région.