Alors que les opérations électorales sont en cours sur tout le continent, la variété des modes de scrutin employés pour la désignation des députés européens dans les différents États-membres a de quoi surprendre. Il faut dire que le choix du mode de scrutin, mais aussi de sa date et de certains critères conditionnant le droit de vote et d’éligibilité, est laissé pour l’essentiel aux législations nationales.

Des modalités décidées au niveau national

L’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, modifié l’an passé1, dispose que l’élection des représentants doit s’effectuer lors d’un scrutin « de type proportionnel » qui peut être soit un scrutin « de liste » soit un scrutin « de vote unique transférable ». Ces dispositions laissant en pratique une certaine marge de manœuvre aux États-membres, les modalités précises du scrutin se règlent pour l’essentiel sur les habitudes nationales.

Ainsi, alors que la plupart des États ont fait le choix d’une circonscription électorale unique, cinq d’entre-eux (Belgique, Irlande, Italie, Pologne, Royaume-Uni) comportent plusieurs circonscriptions entre lesquelles sont répartis les sièges réservés à l’État-membre concerné. À titre d’exemple, les 21 sièges belges se décomposent selon les communautés linguistiques : 12 sièges pour le collège flamand, 8 pour le collège francophone et 1 pour le collège germanophone. Cette décomposition n’est pas nécessairement géographique puisque les habitants de Bruxelles ont le choix, dans l’isoloir, entre les deux premiers collèges.

La situation est tout aussi variée concernant le seuil minimum de voix (ce que la terminologie allemande appelle Sperrklausel) qu’une liste doit atteindre pour obtenir un député. Dix-sept pays ont instauré un tel seuil, alors que douze n’en prévoient aucun. Dans les circonscriptions utilisant un scrutin de liste (toutes sauf Malte, les 3 circonscription de la République d’Irlande ainsi que l’Irlande du Nord), les sièges sont répartis de manière proportionnelle entre les différentes listes ayant dépassé le seuil.

Scrutin de liste ou vote unique transférable

Reste que l’idée d’une représentation « proportionnelle » est en réalité assez imprécise. Les scores obtenus par chaque liste ne permettent jamais une répartition des sièges exactement conforme à la répartition des voix. Pour distribuer malgré tout l’ensemble des sièges, un algorithme doit donc être choisi. Ce sont ces algorithmes, ou plutôt leurs inventeurs, tous des universitaires européens ayant exercé au tournant des dix-neuvième et vingtième siècle, qui donnent leur nom aux différents modes de scrutin : méthode d’Hondt (Victor d’Hondt, belge), de Hare-Niemayer (Sir Thomas Hare, britannique2), de Hagenbach-Bischoff (Eduard Hagenbach-Bischoff, suisse), de Sainte-Laguë (André Sainte-Laguë, français), de Droop (Henry R. Droop, britannique)… L’emploi de l’une ou de l’autre de ces méthodes conduit à des résultats répondant tous à la définition courante d’un scrutin « proportionnel », mais cependant d’autant plus différents que le nombre de sièges à répartir est faible.

Dans les circonscriptions (Malte et l’île d’Irlande) utilisant le scrutin dit « de vote unique transférable », les candidats de chaque parti se présentent indépendamment, et chaque électeur classe les candidats sur son bulletin de vote dans son ordre de préférence. Les sièges sont ensuite pourvus selon un processus relativement simple, mais long, impliquant d’éliminer successivement les candidats ayant été classés le moins souvent en première position. Tous les bulletins dont le premier choix est éliminé comptent pour leur second choix, puis leur troisième… jusqu’à ce que tous les sièges aient été attribués. Si cette méthode peut être considérée comme un modèle d’un point de vue démocratique, sa mise en œuvre pose certaines difficultés logistiques et complique fortement la réalisation des sondages d’opinion, comme nous vous l’expliquions hier concernant l’Irlande.

Cas intermédiaire, les 6 députés luxembourgeois sont certes élus selon un scrutin de liste, mais les électeurs sont autorisés à panacher les différentes listes pour accorder leurs suffrages aux 6 candidats de leur choix.

L’héritage des modes de scrutin nationaux

Loin d’être anecdotiques, ces différences de modes de scrutin reflètent parfois des différences d’ordre constitutionnel entre les différents États-membres. Ainsi, en Allemagne, la tentative d’introduire une Sperrklausel de 3 % en 2013 s’était soldée par un jugement d’inconstitutionnalité de la cour de Kalrsruhe moins d’un an plus tard3. La modification de l’acte électoral européen décidée l’an passé par le Conseil entend harmoniser une partie de ces dispositions. Toutefois, elle n’entrera pleinement en vigueur que pour le scrutin de 2024.  

La tenue du scrutin sur plusieurs jours, résultat de traditions diverses (les Britanniques et Néerlandais votent toujours le jeudi, les Allemands et les Français le dimanche, alors que les Tchèques ont deux jours pour se rendre aux urnes), interfère avec la législation nationale, conduisant par exemple la législation britannique à proscrire la publication de sondage « sortie des urnes » avant dimanche 23 heures, heure de fermeture des derniers bureaux sur le continent. De manière générale, les résultats définitifs des pays ayant voté pendant la semaine ne pourront être révélés que dimanche soir.

Enfin, l’activation de l’article 50 par le Royaume-Uni devait avoir pour conséquence la redistribution de 27 des 73 sièges britanniques au profit des autres États de l’Union, l’effectif total du Parlement étant réduit de 751 à 705. L’Irlande s’apprêtait ainsi à élire 13 députés au lieu de 11, les Pays-Bas 29 au lieu de 26. Faute d’un Brexit effectif, ces deux députés seront bien élus, mais ne pourront siéger que lorsque le Royaume-Uni aura effectivement quitté l’Union.

Pendant toute la durée des élections européennes, suivez les résultats du vote en direct sur notre plate-forme Europawal.

Modes de scrutin employés dans les différents États-membres pour les élections européennes de 2019
Sources
  1. Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, version consolidée, 2002 et Décision du conseil modifiant l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, 13 juillet 2018.
  2. Plus tard modifié par l’allemand Horst Niemeyer (1931-2007).
  3. Urteil zur Drei-Prozent-Sperrklausel, Bundeszentrale für politische Bildung, 26 février 2014.