En bref – La candidature aux élections régionales d’Iñigo Errejon, fondateur de Podemos, avec la plateforme Más Madrid, montre le conflit interne au mouvement violet en Espagne entre les positions anti-système de Pablo Iglesias et une aile plus modérée, représentée par Errejon. Ces tensions pourraient troubler le positionnement de la gauche espagnole, fracturée et en crise d’identité, en vue des élections européennes.

Madrid. Iñigo Errejon s’affranchit de Podemos et provoque une crise interne au parti. Après l’annonce, le 17 janvier dernier, de sa candidature en vue des prochaines élections régionales sous la bannière de la plate-forme de la maire de Madrid, Manuela Carmena, Más Madrid – et non sous celle de Podemos, dont il est l’un des fondateurs et représente l’aile pragmatique -, Iñigo Errejón a provoqué un véritable séisme politique qui a entraîné sa destitution en tant que secrétaire chargé de la politique et des analyses du parti (5). Plus encore, Errejón a pris l’initiative de démissionner de sa fonction de député pour engager « un meilleur dialogue entre Mas Madrid et Podemos » (4).

Ce conflit interne montre la scission sous-jacente qui existe au sein du mouvement violet. Si Pablo Iglesias, leader et figure charismatique de Podemos, rejette toute coalition avec des partis tiers ne faisant pas partie d’Izquierda Unida – « Gauche unie » , parti qui se situe le plus à gauche du spectre politique espagnol – Errejón adopte un style plus modéré, défend les institutions et le système préétabli, farouchement opposé au « système anti-système » dont se revendique Podemos depuis son refus de participer à une coalition au côté du PSOE, au pouvoir en Espagne depuis juin 2018 (1). Errejón avait déjà eu l’occasion de se distancier d’Iglesias en qualifiant la date du 15 mai 2011 – date symbolique pour le mouvement des Indignés, baptisée 15-M – d’événement qui « n’a pas été une remis en cause de la totalité du système ». « Nous vivons en Europe, dans le premier monde, où une grande majorité sont des citoyens qui font confiance à l’ordre et aux institutions » avait souligné Errejón (2).

Cependant, la portée des conflits internes à Podemos reste davantage médiatique que politique. Les résultats réels seront dictés par les élections de Madrid. D’après les derniers sondages, Más Madrid arriverait mais ne récolterait que 28,4 % ce qui impliquerait une coalition forcée avec le PSOE, voire Podemos, qui n’est que très hypothétique. Au niveau national, bien qu’il soit encore trop tôt pour analyser l’effet « Errejón », l’ancien numéro deux de Podemos envisage de regrouper ses partisans et de s’engager, en solitaire, pour les élections nationales de 2020. Enfin, en vue des élections européennes, les tensions internes à Podemos troublent le positionnement de la gauche espagnole qui se trouve désormais fracturée et, avec le discours d’Errejón, se destine à participer au projet de la « social-démocratie européenne de Macron » (3).

Sources :

  1. ELORZA Antonio, Iglesias y Errejón : dos caminos, El País, 23 janvier 2019
  2. GARCÍA DE BLAS Elsa, Iglesias versus Errejón : las diferencias de su proyecto para Podemos, El País, 23 janvier 2019
  3. HERNÁNDEZ Esteban, El giro en la política nacional que está provocando la crisis de Podemos, El Confidencial, 25 janvier 2019
  4. MARCOS Ana et MATEO Juan José, Errejón deja su escaño para tratar de reconducir el conflicto interno, El País, 21 janvier 2019
  5. POINSSOT Amélie, En Espagne, l’affrontement Iglesias-Errejón ouvre une crise majeure à Podemos, Médiapart, 1er février 2019

Benjiamin Frieyro