En bref – La publication le 29 janvier dernier du rapport annuel 2018 sur l’état des forces armées allemandes confirme la persistance des carences humaines, matérielles et administratives de la Bundeswehr, mais aussi l’amorce de changements.

Berlin. Le rapporteur parlementaire pour la Bundeswehr, le député social-démocrate Hans-Peter Bartels, n’a pas fait de quartier dans son dernier rapport, dont la sortie chaque année en janvier constitue un moment très suivi de la vie politique allemande (1). La Bundeswehr sort de 25 années de coupes budgétaires, qui ont gravement affecté les capacités de déploiement, les matériels et les effectifs humains.Le tournant attendu et la remise sur pied de l’armée allemande n’ont toujours pas eu lieu. L’armée peine à recruter parmi les jeunes, peu séduits par les conditions de vie et la rémunération relativement médiocres qu’offre la carrière militaire dans un pays en situation de plein emploi. Ainsi, il manque selon le rapport environ 21 000 officiers pour encadrer les troupes allemandes. La Bundeswehr est également régulièrement agitée par la découverte de tendances d’extrême droite parmi une petite minorité des soldats.

La crise des équipements, assurément le symptôme le plus visible de la crise de l’outil militaire, est en cours de résolution, mais ses effets se font encore ressentir. À cause de la combinaison entre de vieux matériels en fin de cycle et de nouveaux systèmes d’armes pas encore incorporés et rodés dans les unités opérationnelles, les taux de disponibilité des véhicules et avions sont anormalement faibles. Un des cas les plus médiatiques des dernières semaines a été la série de pannes dont ont été victimes les deux A340 de la Luftwaffe destinés au transport de membres du gouvernement (4). Face au risque présenté par ces pannes, l’acquisition de très modernes Airbus A350 a été rapidement décidée. Par ailleurs, les soldats allemands déployés en Afghanistan ne sont plus transportés dans des hélicoptères militaires, mais dans des appareils civils loués pour l’occasion.

Le rapport met surtout en cause l’appareil administratif du ministère de la Défense et de l’armée elle-même, jugé arc-bouté sur des pratiques dépassées, et accusé de ralentir la modernisation. En un an, la situation a peu évolué, et le rapport actuel reprend en substance beaucoup de constats déjà présents dans le précédent (3). Le budget militaire a beau augmenter, les résultats éclatants du réarmement se font attendre.

Les conséquences de cette situation alarmante qui peine à se redresser se font aussi ressentir en politique. Alors que Ursula von Der Leyen était considérée, bien avant l’arrivée de Annegret Kramp-Karrenbauer sur la scène fédérale, comme la dauphine d’Angela Merkel, son prestige a pâti d’une gestion jugée insuffisamment proactive du ministère de la défense. En outre un quasi-scandale a suivi la révélation en novembre 2018 de factures très importantes (200 millions d’euros) du ministère au profit de sociétés de conseil privées et extérieures au gouvernement. Une commission d’enquête parlementaire a été ouverte à ce sujet le 30 janvier dernier (2).

Perspectives :

  • L’armée allemande doit remplacer sa flotte de Tornados (avion de combat multirôle en service depuis les années 1980). L’Eurofighter d’Airbus a remporté le ce marché de 33 appareils face au F-18 de Boeing (6). Ces avions devront durer jusqu’à l’entrée en service du jet franco-allemand, coopération entre Airbus et Dassault, le FCAS (Future Combat Air System) prévue vers 2040. Après la décision belge d’acheter des avions américains (F-35), ce serait le partenaire de coalition SPD qui aurait refusé d’acquérir des appareils venus des États-Unis
  • Pour combler les manques humains, le gouvernement a envisagé d’embaucher des citoyens européens résidant en Allemagne à des postes de spécialistes (5). La mesure, encore à l’étude, s’adresserait en priorité à des ressortissants grecs, italiens, roumains et polonais, pour exécuter des emplois précis au sein des forces armées (médecine, informatique).

Sources :

  1. Von Der Leyen Unter Druck : U-Ausschuss zur Berateraffäre beschlossen, Die Welt, 30/01/2019.
  2. CARSTENS Peter, Bericht des Wehrbeauftragten : Die Soldaten bügeln viele Mängel aus, FAZ, 29/01/2019.
  3. GEBAUER Matthias, HOLSCHER Max, Bundeswehrbericht legt Mängel offen : Verheerend, Der Spiegel, 27/02/2018.
  4. PRÖSSL Christoph, Nach Pannenserie : Neuer Flieger für Regierungsvertreter, Tagesschau, 01/02/2019.
  5. Armeepläne : Bundeswehr will EU-Ausländer anwerben, Süddeutsche Zeitung, 27/12/2018.
  6. SZYMANSKI Mike, Rüstungspolitik : Die SPD will nicht bei Trump kaufen, Süddeutsche Zeitung, 31/01/2019.

Pierre Mennerat