Paris. Les célébrations du centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 2018, ont été saluées en France comme à l’international comme un événement diplomatique réussi. Pourtant, la cérémonie ne s’est pas déroulée sans incident. En effet, au lendemain des commémorations, le président serbe Aleksandar Vučić s’est publiquement ému d’avoir été placé dans une tribune réservée aux personnalités de second rang, loin des principaux chefs d’État (2). À l’inverse, le président du Kosovo Hashim Thaçi, ancienne province serbe dont l’indépendance n’est pas reconnue par l’ensemble de la communauté internationale, s’est retrouvé au premier rang, juste derrière Donald Trump et Vladimir Poutine. Les efforts de Paris pour minimiser l’incident, les excuses officielles de l’ambassadeur de France en Serbie, mais également le vandalisme d’un monument de Belgrade érigé en signe de reconnaissance à la France pour son soutien lors de la Grande Guerre, mettent en exergue les évolutions parfois cahoteuses des liens bilatéraux entre les deux pays. La réticence de la France à accélérer le processus d’élargissement de l’Union aux États balkaniques les plus avancés contribue à un climat de relative défiance.

Contexte historique

La France et la Serbie ont été pendant plusieurs siècles des alliées historiques. Les liens entre les dirigeants français et serbes remontent à la période des croisades et aux échanges politiques et militaires alors développés entre les deux entités. La relation bilatérale s’est essentiellement développée lors de la période de vassalité de la Serbie à l’Empire ottoman, avec l’établissement de relations diplomatiques dès 1838. Les deux pays seront étroitement alliés durant une Première Guerre mondiale qui aura coûté à la Serbie 1,2 millions de personnes (28 % de sa population), faisant naître l’idée d’une amitié spéciale entre les deux pays. En 1915, la France envoyait des missions militaires et sanitaires pour participer à la défense de Belgrade, puis permit l’évacuation de l’armée serbe depuis l’Albanie vers la France pour la former et l’entraîner à reprendre le territoire de la Serbie. La victoire de la Triple Entente donnera l’occasion d’un développement culturel durant l’entre-deux-guerres. Après la Seconde Guerre mondiale, les échanges se sont clairement appauvris, notamment sur le plan politique. Le phénomène s’est accentué avec la participation de la France aux bombardements de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999. La France a également très rapidement reconnu l’indépendance du Kosovo en 2008 et demeure prudente sur le dossier de l’élargissement de l’UE.

Chronologie indicative

  • 1838-1839 : Fondation par la France d’un Consulat dans la principauté de Serbie.
  • 1878 : Au lendemain du Congrès de Berlin, établissement de relations diplomatiques régulières.
  • 1915 : Corps expéditionnaire français en Serbie.
  • 1934 : Assassinat du roi yougoslave Aleksandar Karadjordjević à Marseille.
  • 1999  : Participation de la France aux bombardements de l’OTAN en Serbie
  • 2011 : Déclaration politique entre les président français et serbe, Nicolas Sarkozy et Boris Tadić.
  • 2014 (novembre) : Déplacement du Premier ministre Manuel Valls en Serbie.
  • 2017 (janvier) : La France détient brièvement l’ancien commandant kosovar de l’UÇK Ramush Haradinaj sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par la Serbie.
  • 2018 (juillet) : Visite en France du Président de la République Aleksandar Vučić.

Relations économiques

Les échanges commerciaux entre la France et la Serbie représentaient en 2017 881,5 millions d’euros. Ces échanges sont en croissance continue depuis 2010, et présentent une balance légèrement favorable à la Serbie. On compterait en Serbie environ 80 entreprises françaises qui emploient environ 11 000 salariés, et notamment Michelin, la Société générale, le Crédit agricole ou encore Lafarge et Lactalis (3). La Chambre de commerce franco-serbe, crée en 2009, compte environ 120 membres. En 2018, deux investissements d’envergure ont été confiés à des entreprises françaises : Vinci s’est vu accorder la concession de l’aéroport de Belgrade, le plus grand des Balkans, pour 25 ans et 1,5 milliards d’euros d’investissements ; Suez et Itochu ont été choisis pour un projet de valorisation énergétique de la ville de Belgrade, à travers un partenariat public-privé.

Relations culturelles

La culture est le domaine ayant le moins souffert de la raréfaction des échanges durant la période yougoslave. Un premier Centre culturel français voit le jour en 1951 ; rebaptisé Institut français en 2011, il comporte aujourd’hui des antennes dans les deuxième et troisième villes du pays, à Niš et Novi Sad. La Serbie est depuis 2006 membre associée de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Relations politiques

L’établissement de relations diplomatiques régulières remonte à l’année 1878. Les échanges demeurent cependant aujourd’hui de faible intensité et émaillés par des incidents liés aux relations entre la Serbie et le Kosovo. Le dernier cas est celui rappelé en ouverture, à l’occasion de la commémoration de l’armistice de 1918 à Paris. Le Président de la République Emmanuel Macron devait effectuer une visite en Serbie en décembre 2018, mais elle a été annulée en raison de la crise suscitée par le mouvement des gilets jaunes.

La France est actuellement l’un des États les plus rétifs à l’idée d’un élargissement rapide de l’Union européenne, aux côtés notamment des Pays-Bas et du Danemark : elle considère que les pays candidats, au premier rang desquels la Serbie, ne sont pas prêts à rejoindre l’Union et ne font pas preuve de la volonté réformiste nécessaire (1). Elle s’est néanmoins montrée un acteur proactif dans le cadre du processus de Berlin, lancé en 2014 et qui vise à consolider la dynamique d’intégration européenne dans les Balkans occidentaux.

Sources :

  1. Avec Macron, la France contre l’intégration des Balkans dans l’UE ?, Le Courrier des Balkans & Radio Slobodna Evropa, , 23 avril 2018.
  2. Cérémonie du 11-Novembre : la Serbie ne digère pas l’« humiliation » de son président, Le Monde, 15 novembre 2018.
  3. Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, Relations bilatérales France-Serbie, consulté le 17 janvier 2019.

Charles Nonne