Paris. Gilets Jaunes en France, mouvement anti-corruption en Roumanie, “1 parmi 5 millions” en Serbie, mais aussi émeutes racistes de Chemnitz en Allemagne, ou plus anciennement les manifestations pour l’indépendance catalane et le mouvement “Cinque Stelle” en Italie (1). Autant de manifestations populaires qui traversent ou ont traversé l’Europe au cours de la dernière dizaine d’années et dont toutes les conséquences ne sont, dans la majorité des cas, pas encore connues.
Ces mouvements, bien qu’il aient des aspects en commun, ont aussi et surtout montré leurs particularités. Qu’est-ce qui les rassemblent et les différencient ? La Lettre du Lundi et le Groupe d’Etudes Géopolitiques (GEG) proposent deux clés d’analyses, qui, sans présager des orientations politiques ou de la teneur des revendications, permettent toutefois de comparer entre eux des hypostases de l’expression populaire.
La première tient à la structuration politique du mouvement, à la manière dont il se coule dans les cadres existants du jeu politique, soit en fondant un parti politique, soit en procédant de l’action de celui-ci, soit encore en présentant des candidats à des élections. On peut notamment remarquer que cet axe est polarisant. chez les Gilets Jaunes par exemple, qui, au travers de leur revendication du RIC (Référendum d’Initiative Populaire), expriment un rejet de la démocratie représentative et leur préférence pour la démocratie directe.
La deuxième clé d’analyse tient à la précision des revendications portées par les mouvements sociaux. Certains défendent ainsi des options très nettes, comme l’indépendance, la sortie de l’Union Européenne, ou encore le rejet d’une loi. D’autres présentent des options plus larges, davantage expression d’un grand mouvement de “ras-le-bol” général que d’une construction précise d’idées politiques, sociales ou économiques.
Nous avons tenté de placer au mieux, en consultant des personnes proches des pays et des sujets concernés, les mouvements selon ces deux axes. Cela reste un travail encore davantage indicatif que analytique mais qui permet néanmoins de dégager quelques remarques instructives.
La précision des revendications est dans l’ensemble accompagnée d’une plus forte structuration politique, sans que l’on puisse dire si l’un guide l’autre ou inversement.
En pointillés se dessine l’itinéraire de certains mouvements, comme le mouvement 5 étoiles en Italie qui, pour s’inscrire dans le jeu politique, a aussi dû préciser en partie ses revendications, tout en les gardant suffisamment floues pour continuer à rassembler sa base.
C’est aussi le cas des Bonnets rouges en Bretagne qui avaient tenté, sans grand succès, d’inscrire leur exaspération face au “matraquage fiscal” dans une stratégie des urnes, d’abord au niveau local.
On peut y lire aussi la potentielle trajectoire d’un mouvement comme les Gilets Jaunes : ira-t-il vers l’institutionnalisation dans le jeu politique, comme le souhaitent certains de ses membres et comme l’exprime peut-être l’appel du pied du mouvement Cinq Étoiles (2) ? Ou, au contraire, restera-t-il dans la rue et sur les ronds-points, se dirigeant vers le sort des Bonnets rouges ou des Indignés, encore présents ça mais sans grande influence ?
Sources :
- GEG Europe, Marketing cinq étoiles, Le grand continent, 8 janvier 2019.
- MARCHAND Vera, Les Gilets Jaunes ou la tentation du Mouvement 5 Étoiles, La Lettre du Lundi, 13 janvier 2019.
Thomas Vroylandt