Bruxelles. Le sommet tant attendu sur le Brexit a bien eu lieu hier. Les 27 pays de l’Union ont approuvé l’accord de retrait et la déclaration politique. Les leaders européens ont estimé qu’il s’agit du “meilleur accord possible”, tout en exprimant leur tristesse face au choix de la Grande-Bretagne. Si la Chambre des Communes ne rejette pas l’accord et le gouvernement ne demande pas une prolongation des négociations, le Brexit aura lieu le 29 mars 2019, comme prévu. Theresa May a envoyé une lettre ouverte à la nation, rassurant notamment sur le respect du résultat du référendum, l’unité du Royaume-Uni et les droits des citoyens britanniques et européens (2).

Le sommet vient couronner dix-sept mois de négociations intenses, ayant abouti à un traité de retrait (600 pages) (5) et une déclaration politique (26 pages) (6) qui fait état des relations futures entre la Grande-Bretagne et l’Union. Le traité de divorce consacre le Royaume-Uni comme « pays tiers », mais dans l’orbite proche de l’Union, en matière notamment de liberté de mouvement et de politique commerciale. Le texte prévoit également une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020, pendant laquelle les Britanniques continueront d’appliquer les règles européennes. Cette transition pourrait être prolongée une seule fois et d’un commun accord, pour une période de un ou deux ans, maximum, soit jusqu’à fin 2022. Côté irlandais, le fameux “backstop” conçu afin d’éviter le retour d’une frontière physique entre la Province britannique d’Irlande du Nord et l’Irlande n’est prévu que comme “solution de dernier recours”, qui ne devrait entrer en vigueur qu’après la période de transition si et seulement si aucune meilleure solution n’était trouvée.

Non contraignante d’un point de vue juridique, la déclaration politique qui accompagne l’accord a été conçue afin d’adoucir les questions les plus problématiques du traité, comme la facture de divorce (39 milliards de livres) et la frontière nord-irlandaise (7). La prochaine étape du processus de négociation est la ratification de l’accord par le Parlement européen et celui de Westminster. Theresa May pourrait alors rencontrer une opposition considérable : des députés conservateurs europhobes présidés par Jacob Rees-Mogg (et parmis lesquels se trouvent les anciens ministres Boris Johnson et David Davis), au nombre de 85, favorables à un accord de libre-échange sur le modèle canadien, et qui ont déjà tenté de renverser May ; des députés conservateurs pro-Union, au nombre d’une douzaine ; des travaillistes, dont la plupart sont pro-européens et aimeraient déclencher de nouvelles élections ou, encore mieux, un second référendum ; du SNP, parti national écossais qui brandit la menace d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse ; et enfin des unionistes nord-irlandais qui viennent de lancer un avertissement en s’abstenant à des amendements au projet de loi de finances. Une nouvelle partie du cabinet s’est mutinée, avec cinq ministres Remain qui ont entamé des discussions privées afin de forcer May à approuver un plan B sur le Brexit. D’autres sont en phase de discussion privée avec le parti unioniste nord-irlandais, afin d’aboutir à un plan alternatif en cas de rejet de la Chambre des Communes (3).

Mercredi dernier, la Première ministre britannique et Jean-Claude Juncker avaient discuté à Bruxelles, des derniers sujets de tension, avant le sommet. La question de l’Irlande, bien sûr, mais aussi celle, moins débattue, de la souveraineté de Gibraltar. Base équipée d’installations militaires et de renseignements, elle a un intérêt géopolitique majeur pour Londres, malgré ses 7 km carrés de surface. Le 23 juin 2016, alors que près de 52 pour cent des Britanniques ont décidé de sortir de l’Union, les Gibraltariens ont voté à 96 pour cent pour le Remain (4). Sur cette question, l’Espagne, qui depuis 300 ans revendique sa souveraineté, a fait planer la menace d’un veto, avant qu’un accord ne soit rendu officiel samedi par le président du gouvernement Pedro Sanchez (1).

L’hypothèse d’un hard Brexit n’a pas totalement disparu de l’horizon. En deux mots, il s’agirait de voir la Grande-Bretagne sortir du marché intérieur, de l’union douanière et de la juridiction de la Cour de Justice de l’Union. C’est toujours possible. La balle est maintenant dans le camp du Parlement britannique qui doit voter, selon le Times, le 12 décembre (3).

Perspectives :

  • Un vote à la Chambre des Communes sur l’accord de retrait conclu hier par le gouvernement britannique et l’Union européenne est prévu le 12 décembre.
  • La sortie politique du Royaume-Uni de l’Union aura lieu le 29 mars 2019.

Sources :

  1. LLAUDES Salvador, MOLINA Ignacio, OTERO-IGLESIAS Miguel, STEINBERG Federico, Spain and the prospect of Brexit, Elcano Real Instituto, mai 2018.
  2. MAY Theresa, Theresa May’s lettre to the nation : settle this and we can start to build a better Britain, 25 novembre 2018.
  3. SHIPMAN Tim, WHEELER Caroline, New “gang of five” in second cabinet mutiny on Brexit as Theresa May appeals to voters, The Times, 25 novembre 2018.
  4. Quel avenir pour Gibraltar après le Brexit ?, Toute l’Europe, 29 mai 2018.
  5. UK Government, Draft Agreement on the withdrawal ofthe United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland from the European Union and the European Atomic Energy Community, 14 novembre 2018.
  6. UK Government, Political declaration setting out the framework for the future relationship between the European Union and the United Kingdom, 22 novembre 2018.
  7. WISHART Ian, The Brexit Declaration on Future Ties : The Breakdown, Bloomberg, 22 novembre 2018.

Vera Marchand