Francfort. Après avoir perdu depuis le premier janvier près de 40 pour cent de sa valeur, la Deutsche Bank sera retirée le 24 septembre prochain de l’indice Euro Stoxx 50 (1). L’indice, calculé à Francfort par le groupe Deutsche Börse, regroupe les 50 plus grandes entreprises cotées de la zone euro ; la première banque allemande en faisait partie depuis sa création en 1998. La mauvaise nouvelle, parue mardi, en a précédé d’à peine vingt-heures une autre : ce même 24 septembre, sa grande concurrente, la Commerzbank, sera quant à elle chassée du DAX, l’indice-phare de la place francfortoise, dont elle était elle aussi un membre fondateur. Le quatrième établissement du pays a perdu 30 pour cent de sa valeur l’année passée.

L’appartenance d’une entreprise à ces indices, qui agrègent un nombre préétabli de titres, dépend de sa valeur et du volume des transactions ; un certain effet de seuil est donc inévitable. Toutefois, les risques encourus en cas de déclassement ne sont pas uniquement de l’ordre psychologique, mais déjà potentiellement ravageur, de la perte de confiance. Dix-sept fonds de placement passifs dits “indiciels” (ETFs) reproduisent en effet dans leurs portefeuilles la composition du DAX ; ensemble, ils détiennent des actions de la Commerzbank pour une valeur d’environ 150 millions d’euros. À l’approche du 24 septembre, ces fonds vont s’efforcer de vendre rapidement leurs titres Commerzbank, ce qui risque d’aggraver significativement la chute du cours (4).

L’essor des technologies financières (fintech) a affaibli ces dernières années la position de marché des banques traditionnelles, plus lentes à s’adapter. C’est la force de la firme munichoise Wirecard, qui remplace Commerzbank au sein du DAX (3). À l’inverse, la Commerzbank a perdu 97 pour cent de sa valeur boursière depuis son pic en 2007 ; la Deutsche Bank, 90 pour cent. La première a annoncé la suppression de 9600 postes au profit d’une numérisation accrue, sans pour autant convaincre ; la seconde veut en supprimer 7000, et a semblé ces derniers jours compter sur une prophétie qu’elle voudrait autoréalisatrice (“La direction est fermement résolue à exécuter la stratégie annoncée […]. Nous pensons que cela soutiendra la valorisation de Deutsche Bank par le marché”) (2).

Surtout, le marché allemand souffre de ses déséquilibres structurels. Scindé en une multitude de petits établissements locaux et spécialisés, le secteur bancaire allemand ne place qu’un seul champion parmi les 50 plus grands établissements mondiaux : la Deutsche Bank. Mais l’établissement systémique fait l’objet de critiques récurrentes, et son échec au stress-test de la Federal Reserve en juin, cas unique parmi les banques de cette taille, a de nouveau détérioré sa réputation.

L’avertissement adressé par les indices à la Deutsche Bank et à la Commerzbank relance une nouvelle fois la piste d’une fusion, évoquée depuis des années.  Ensemble, les deux établissements formeraient la deuxième banque de la zone euro. Un colosse aux pieds d’argile ?

Perspectives :

  • 24 septembre 2018 : mise à jour du DAX et de l’Euro Stoxx
  • 5 décembre 2018 : prochaine révision des indices

Sources :

  1. ARONS Steven et BARNERT Jan-Patrick, Deutsche Bank Is Said to Be Removed From Euro Stoxx 50 Index, Bloomberg, 4 septembre 2018
  2. DÖRNER Astrid et OSMAN Yasmin, Die Deutsche Bank verabschiedet sich aus der ersten Börsen-Liga, Handelsblatt, 4 septembre 2018
  3. DÖRNER Astrid et al., Commerzbank fliegt aus dem Dax, Wirecard steigt auf, Handelsblatt, 5 septembre 2018
  4. Gründungsmitglied Commerzbank fliegt aus dem Dax, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 5 septembre 2018