Istanbul. Le président Erdoğan et son parti, l’AKP, sortent victorieux des urnes depuis 2002. L’opposition n’arrive-t-elle pas à influer sur le discours politique ? Les trois partis d’opposition qui avaient remporté le plus grand nombre de votes aux élections anticipées du 24 juin sont actuellement en crise. Tout d’abord, le candidat pro-kurde du Parti démocratique des peuples (Halkların Demokratik Partisi : HDP), qui a remporté 8,40 % des votes aux élections présidentielles 1 et dont le parti a rassemblé 11,70 % des voix aux élections législatives, est en prison depuis novembre 2016, accusé de soutenir le groupe terroriste appelé Parti des travailleurs du Kurdistan.

İyi Parti (le Bon Parti) voulait incarner une troisième voie : représenter une droite nationaliste qui n’a ni d’ambition islamiste ni de dérive autoritaire en se positionnant contre l’adoption système hyper-présidentiel et attirer ainsi les électeurs qui ne soutiennent pas le gouvernement tout en étant réticents à voter à gauche. Néanmoins, les résultats ont démontré que la bataille n’était pas gagnée : le Bon Parti a obtenu 9,96 % des voix aux législatives Conseil électoral supérieur de Turquie et sa candidate, Meral Akşener, 7,29 % aux présidentielles 3, leader actuel du Parti d’action nationaliste (Milliyetçi Hareket Partisi : MHP). Le Bon Parti était pourtant fondé par des renégats du MHP qui l’avaient quitté lorsque Bahçeli s’était rallié à la cause d’Erdoğan. Le Bon Parti a reçu un autre coup dévastateur quand Akşener a présenté sa démission. Bien qu’elle soit appelée la “dame de fer” de Turquie, Akşener paraît abandonner facilement : assumant la responsabilité de la défaite électorale, elle a publié un tweet expliquant qu’elle ne se représentera pas lors de la prochaine assemblée générale du parti 4.

Enfin, du côté du Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi : CHP), c’est le “game of thrones” dans la mesure où un conflit oppose Kemal Kılıçdaroğlu, leader du parti depuis 2010, à Muharrem İnce, candidat officiel du CHP aux dernières élections. Ce dernier avait obtenu 30,64 % des voies aux présidentielles alors que son parti n’avait pas dépassé les 22,65 % aux législatives. L’écart entre les deux résultats ont amené certains députés à penser qu’il est temps de changer l’administration du parti et, dans ce contexte, İnce, qui a obtenu un score record (dépasser les 30 % avec une campagne électorale qui n’a duré que 52 jours alors que le CHP n’arrivait pas à dépasser le barrage des 20 % depuis une décennie) semble être le bon candidat. Selon le règlement intérieur du CHP, il faut la signature de la moitié des membres du parti +1 (le nombre total des membres étant de 1240, il lui faut donc au moins 621 signatures) pour convoquer une assemblée générale et élire un nouveau leader 5. Gaye Usluel a confirmé ce jeudi que 630 signatures ont été récoltées et certifiées par un notaire. Le dernier délai étant le lundi 6 août à 17:00 (heure locale), le nombre des signatures risquent d’augmenter. Les vents du changement soufflent donc sur le CHP. Ainsi, avec trois partis qui n’ont pas de vrai leader à leur tête pour des raisons différentes, l’opposition demeure fragile.

Perspectives :

  • Le congrès du Bon Parti aura lieu le 12 août 2018 6. Certains députés comptent récolter des signatures pour présenter de nouveau Akşener en tant que candidate.
  • Après la confirmation du nombre des signatures, le CHP a 45 jours pour convoquer une assemblée générale 7.
Sources
  1. Conseil électoral supérieur de Turquie (Yüksek Seçim Kurulu : YSK), Résultats officiels des élections présidentielles , 24 juin 2018.
  2. Conseil électoral supérieur de Turquie . Après les élections, la chute du Bon Parti s’est amorcée avec le mea culpa d’un député, Hayati Arkaz, qui a baisé la main de Devlet Bahçeli 2İyi Parti’li Arkaz’ın Bahçeli’nin elini öpmesi parti içinde tepki çekti : Bu görüntüleri kabul etmiyorum, T24, 8 juillet 2018.
  3. Meral Akşener istifa etti, İYİ Parti olağanüstü kongreye gidiyor, Sözcü, 22 juillet 2018.
  4. CHP genel merkezinde muhalifler toplanan imza sayısını açıkladı, Hürriyet, 2 août 2018.
  5. İYİ Parti’nin kongre tarihi belli oldu, Cumhuriyet, 24 juillet 2018.
  6. CHP’de kriz ! İmza sayısı yeterli mi değil mi ?, Milliyet, 2 août 2018.